PAR DJILALI B.
Trois pays du Sahel, le Mali, le Niger et le Burkina, sont en train de démonter le puzzle de la politique africaine mis en place par la France pendant plus d’un siècle de présence sur le continent. Le processus s’accélère avec les décisions de ce trio d’Etats qui ont scellé une alliance stratégique qui comprend les aspects militaires et économiques.
Après le retrait des forces françaises, les sanctions de la Cédéao contre les putschistes ont créé naturellement un front uni, Ouagadougou, Bamako et Niamey, pour faire face initialement aux mesures économiques, ensuite aux menaces d’une intervention militaire au Niger pour rétablir le président déchu, Mohammed Bazoum.
La rupture avec la France, en raison de son attitude hostile, arguaient les trois capitales, était consommée. Paris a consenti au divorce en raison de la montée du ressentiment croissant vis-à-vis de sa présence. La France est devenue indésirable, et les manifestations populaires le lui ont bien fait comprendre.
Les autres pièces du puzzle commencent alors à tomber, les unes après les autres, à mesure que les trois Etats réunis dans l’Alliance des Etats du Sahel (AES), qui ont vocation à démanteler les accords et conventions signés entre la France et ces Etats au lendemain des indépendances et qui, est-il démontré, a posteriori, consacraient la poursuite de la politique de l’aliénation des anciennes colonies.
Ainsi, après les accords militaires passés à la trappe, Niamey, Bamako et Ouaga passent aux conventions politiques et économiques pour réduire davantage l’influence française avec la perspective déclarée par les trois présidents de la transition de passer à d’autres partenariats « gagnant-gagnant », y compris dans le domaine de défense qui, par ailleurs, se concrétisent avec la Russie, la Chine et la Turquie, alors que les Etats-Unis, notamment au Niger, ont revu leurs positions. Aussi ont-ils quitté, dans le même sillage, la seule organisation militaire conjointe, le G5 Sahel, piloté par Paris, poussant ses deux derniers membres, le Tchad et la Mauritanie, à signer sa mort.
De son côté, le Niger, après l’accord pour le retrait des troupes françaises, a dénoncé d’ailleurs, avant la fin de l’année en cours, un accord de coopération militaire avec l’union européenne. Niamey retire ainsi le consentement accordé pour le déploiement d’une mission de partenariat militaire avec l’UE avec retrait des privilèges et immunités pour cette mission. Pour Niamey, l’UE prend des mesures plus incohérentes et illégales les unes que les autres, dans la logique d’hostilité. Il est aussi reproché à l’UE de s’aligner et de suivre les positions françaises.
Perspective d’intégration monétaire
Par ailleurs, le Niger et le Mali ont décidé de dénoncer les conventions signées avec la
France pour éviter la double imposition, qui s’est avérée, selon Niamey et Bamako, désavantageuse et n’est qu’au bénéfice de la France. L’attitude hostile persistante de la
France contre nos Etats et le caractère déséquilibré de ces conventions causent un
manque à gagner considérable pour le Mali et le Niger, lit-on dans le document conjoint.
Un délai de trois mois est accordé pour rétablir la double imposition. Un coup dur pour
les entreprises françaises, domiciliées en France et exerçant dans ces deux pays.
Par ailleurs, les discussions au sein de l’AES ont abordé les questions liées à l’architecture, l’organigramme et l’organisation de l’Alliance qui a intégré les aspects sécuritaire, économique mais également politiques avec l’éventualité de créer une confédération des trois Etats, évoquée par les ministres des affaires étrangères des trois pays. Il est question aussi, et c’est le sujet le plus important, d’une intégration monétaire dans le cadre des discussions du volet développement entre ces Etats.
Si la question sécuritaire est quasiment tranchée, la confédération et le développement
incluant l’intégration monétaire sont encore entre les mains des experts qui ne devraient pas tarder à présenter un document complet sur l’architecture de cette alliance en construction sur les décombres du puzzle monté par la France, à son avantage, depuis les années 1960.
D. B