Medjahdi Mohamed
Non loin de la côte algéroise, se dressent des ruines désignées jadis par les Arabes sous le nom de Kbar Roumia et par les Européens sous celui de Tombeau de la Chrétienne.
D’après l’exploration systématique du monument faite en 1866 par MM. Berbrugger et Mac-Carthy, ces ruines sont celles du Tombeau des rois de Mauritanie, élevé par Juba II, dans le siècle d’Auguste.
Du reste, le savant orientaliste Judas a reconnu dans le nom Kbar Roumia le mot antique à peine, défiguré signifiant Tombeau royal.
Ces ruines excessivement remarquables ont frappé de tout temps l’imagination des peuplades africaines, et la légende n’a pas manque d’y placer des trésors merveilleux dont bien des fois les Arabes ont cherché à s’emparer. Il est même arrivé qu’en 1555, le pacha d’Alger, Salah Raïs, essaya de renverser l’édifice en le faisant canonner, mais sans succès, pour en enlever les richesses qui devaient s’y trouver cachées.
On raconte qu’il y a de cela bien longtemps, un berger menait habituellement son troupeau paître aux environs du Tombeau de la Chrétienne ; chaque soir, à sa rentrée au douar, il remarquait qu’une vache noire de son troupeau était absente, mais il ne s’en inquiétait pas trop, car le lendemain il la retrouvait avec les autres. Cependant, il arriva qu’à la longue, ces disparitions mystérieuses, piquèrent sa curiosité et décide d’élucider le mystère
A l’heure de la rentrée du troupeau, il abandonna ses bestiaux et les laissa descendre tous seuls dans la plaine ; puis il s’embusqua au milieu des broussailles pour observer ce qui allait advenir. Il vit bientôt arriver la vache noire qui n’eut qu’à se frotter un instant contre la paroi du monument pour se faire ouvrir un passage caché dans lequel elle pénétra. Puis la porte se referma et le berger eut beau attendre, il ne vit point l’animal reparaître. Toute la nuit, l’homme ne rêva que de cette merveille ; et le lendemain il revint encore se cacher près de la porte secrète.
Quand la vache noire parut, le pâtre la laissa se frotter contre le mur ; puis il lui saisit la queue et pénétra avec elle dans le Kbar Roumia.
Grande surprise ! Des richesses inouïes que le berger vit entassées dans les salles du Tombeau de la Chrétienne ; c’était un étincellement de bijoux, de diamants, de rubis, de topazes et de pièces d’or dont l’éclat donnait le vertige. L’homme ne partit point aussi léger qu’il était venu ; il remplit ses poches d’or et de pierres précieuses et chercha la vache noire qui l’avait introduit II la trouva en train d’allaiter un enfant placé sur un trône resplendissant.
Cet enfant était le fils de Halloula, la fée gardienne des richesses du Tombeau de la Chrétienne.
Le berger fit tant d’excursions de ce genre, que bientôt son opulence dépassa celle des plus grands souverains de la terre.