L’équation Mahrez est-elle insoluble ?

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Zéro tir cadré, zéro centre, zéro dribble réussi ! Ce sont malheureusement les stats du capitaine des Verts, Riyad Mahrez, que les médias ont commentées à Bouaké après la sortie de l’Algérien, remplacé en seconde période du match contre le Burkina Faso par Adam Ounas.

PAR AMIR DZIRI

Les performances de la star de l’équipe nationale Riyad Mahrez, en ce début de CAN Total
Energies – Côte d’Ivoire 2023, alimentent des débats sans fin, et à tous les niveaux. Sur les plateaux télé, sur les réseaux sociaux, dans les cafés et tout endroit où les Verts sont le sujet des discussions du moment. Entre ceux qui descendent en flamme le joueur et le choix du sélectionneur national Djamel Belmadi qui tient toujours à son capitaine, et ceux qui tentent de défendre celui qui a tout donné à la sélection, les avis sont souvent très partagés.

Mais force est de constater que sur le plan du jeu, Mahrez n’apporte plus l’influence qu’il avait auparavant, et cela ne date pas seulement de cette CAN, même s’il demeure un danger permanent, un finisseur fin limier et un passeur remarquable. Et comparativement aux grandes attentes qui pèsent sur ses épaules, la frustration, voire la déception sont totales au vu des prestations fournies contre l’Angola et le Burkina Faso.

Trop surveillé, au goût du joueur

Interrogé dans l’espace média de la CAF, à l’issue de la rencontre contre le Burkina Faso où les Algériens sont revenus de loin, laissant ainsi leurs chances intactes pour passer au second tour, Mahrez a donné sa version des faits sur ce match, mais aussi sur son rendement que l’intervieweur n’a pas hésité de qualifier de mitigé. Gêné par la question, le capitaine des Fennecs a tenté une justification à travers le rendement de toute l’équipe, tout en glissant qu’il était surveillé un peu plus que d’habitude, ce qui inhibe le poids de son jeu sur celui de l’équipe.

Mais est-ce vraiment une raison valable, sachant que tous les grands joueurs sont épiés et surveillés comme du lait sur le feu ? C’est l’apanage même du football qu’un attaquant dangereux soit pris individuellement ou mis dans un entonnoir tactique, le privant d’espaces et de ballons, et que c’était à lui justement de trouver les solutions, le tempo nécessaire et l’intelligence de prouver son génie.

Le protégé de Belmadi, oui mais …

Le rendement de Mahrez a fait souvent l’objet de questions de la part de la presse au sélectionneur national Djamel Belmadi. Des questions qui l’irritent pour la plupart du temps, car soupçonnant des arrière-pensées, comme ce fut le cas lors de la dernière CAN 2021 au Cameroun lorsqu’il avait autorisé son capitaine à venir après le début du stage de préparation pour cette joute. Déclaré Covidé, Mahrez avait été aperçu avec son épouse du côté de Dubaï, en pleine farniente, au moment où ses coéquipiers trimaient, voire affectés les uns après les autres par l’épidémie du siècle. Cette histoire avait fait déjà polémique à l’époque, ce qui a amené le coach national à être exigeant cette foisci en emmenant tout le monde en stage le 1er janvier 2024, y compris Mahrez, dans l’avion en direction de Lomé, au Togo, pour préparer l’édition 2023.

Interrogé en conférence de presse, Belmadi a de nouveau botté en touche au sujet de
Mahrez, piquant même les journalistes au passage en affirmant qu’il ne donnait aucune espèce d’intérêt à ce qui se dit sur le joueur ou ses propres choix. Mais à l’ère de la technologie et la présence de ces téléphones qui ne sont lâchés qu’au moment de faire dodo ou de s’entraîner, faut-il vraiment croire que les joueurs ne sont pas à l’écoute ou branchés ?

Bien au contraire, comme le soulignait Abdelkrim Bira, lors d’une récente analyse sur un plateau TV, il faut composer avec cet élément qui fait désormais partie de la vie d’un sportif de haut niveau, et de surcroît d’un footballeur, avec tout l’impact que cela peut constituer. En somme, Mahrez sait ce qu’on dit de lui, Belmadi a une idée sur le rendement du joueur et sur les commentaires qu’il charrie, mais il est dans son rôle de le protéger et de le gérer, à travers le management de tout un groupe.

Mahrez, un avenir en pointillé ?

De l’avis de la plupart des observateurs, la sortie de Mahrez lors du match contre le Burkina Faso, remplacé par Adam Ounas, a donné davantage de fraîcheur, de tonicité et de solutions à l’attaque algérienne. Avec deux éléments comme Ounas et Amoura, deux feu-follets qui affolent les défenses adverses, l’Algérie a plus à gagner que de confier un côté droit au seul pied mou de Mahrez et un Youcef Atal, loin de son niveau habituel en raison d’une absence prolongée de la compétition, pour une histoire extra-sportive.

Faut-il croire que Belmadi va laisser Mahrez sur le banc de touche lors du prochain contre la
Mauritanie, où l’équipe est condamnée à marquer pour gagner et décrocher son billet qualificatif pour les huitièmes ? Pour l’instant, rien n’a filtré sur les intentions du coach national, mais connaissant la mentalité de ce dernier, on risque de revoir Riyad en capitaine pour entamer le match. Le joueur, lui, a promis de se rattraper au micro d’une chaîne
étrangère couvrant la CAN en Côte d’Ivoire, même si l’on n’entraperçoit pas encore les signes annonciateurs d’une révolte. Mahrez jouit toujours du respect et de la confiance de ses coéquipiers, au moment où Belmadi doit d’ores et déjà cogiter dans sa tête pour inscrire son capitaine depuis son arrivée à la tête des Verts dans une perspective plus favorable à l’équipe et de ne pas céder au piège de laisser le joueur prendre en otage ce même collectif.

S’adapter à la nouvelle vague

Et c’est dans cette réflexion que le coach national est engagé, celle d’entrevoir l’avenir sans ses cadres, qu’il ne peut lâcher comme ça en cours de route, sans avoir préparé une relève capable de reprendre le flambeau. Houssem Aouar, Farès Chaïbi, Mohamed Amine Amoura, Rayan Aït Nouri, Ramiz Zerrouki et autres Amine Tougaï font partie d’une belle génération montante que Belmadi n’a pas hésité à mettre déjà dans le bain et la pousser à s’adapter rapidement à la réalité de la sélection, plus particulièrement à l’environnement continental.

Tout le temps joué et les points engrangés lors de cette CAN ne seront pas vains pour ces jeunes joueurs, qui devront remplacer Slimani, qui a signé sa 100e cape lors du match contre l’Angola, Mandi, Feghouli et Mahrez, sachant que des éléments comme Bennacer, Ounas, Bounedjah, Bensebaïni ont encore quelques années à tirer. C’est cette transition qu’il faudra bien gérer et faire adapter la nouvelle vague pour éviter à la sélection nationale de retomber dans ses travers, comme par le passé. Aidée par la longévité de Belmadi à la tête de la sélection et un travail méthodiquement bien mené, l’équipe nationale possède une marge de progrès, avec et surtout sans Mahrez and co. C’est là l’autre enjeu de cette CAN, où l’Algérie n’est pas aussi favorite que d’autres nations bien qu’elle renferme un effectif de qualité. Alors, patience, patience.

A. D.