Les banques misent sur l’Algérie

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Par M. Mansour

Sous pression médiatique après des propos interprétés comme annonciateurs d’un financement, le président de la Banque islamique de développement (BID), Muhammad Al Jasser, a rétabli les faits, en expliquant qu’il n’avait jamais été question de prêt, mais d’un « cadre de coopération ». Cette mise au point, loin d’être anodine, conforte l’Algérie dans son positionnement comme interlocuteur fiable des institutions financières, à l’image de la Nouvelle Banque de Développement des Brics et de la Banque africaine de développement, qui saluent une gouvernance alignée sur les standards de la soutenabilité et du partenariat structurant.

Une enveloppe facultative mise à disposition d’Alger
Lors de son intervention hier, M. Al Jasser a été limpide : « Je n’ai jamais mentionné, ni utilisé les termes de prêts et financements. J’ai uniquement indiqué qu’il existe un cadre de coopération entre l’Algérie et la BID, qui pourrait atteindre un plafond de 3 milliards de dollars sur trois ans, si l’Algérie en exprimait le besoin ». Tout est dans ce « si », qui réaffirme la liberté totale d’Alger de recourir ou non à ces fonds.
Ce cadre n’est donc ni une aide conditionnelle, ni une perfusion budgétaire, mais une enveloppe facultative mise à disposition, adossée à la capacité de l’Algérie à autofinancer ses politiques économiques. Le montant potentiel de 3 milliards de dollars, ventilé sur trois ans, donne une idée de l’échelle à laquelle se situeraient les projets envisagés, comme ceux liés aux infrastructures, aux industries et à la transition énergétique.

Adhésion officielle à la Banque des Brics : un autre levier
Cette clarification s’inscrit dans un contexte géoéconomique plus large, marqué par une intensification des initiatives visant à diversifier les partenariats. Ainsi, le 19 mai dernier, l’Algérie a officialisé son adhésion à la Banque de développement des Brics (NDB). Une institution encore jeune – créée en 2015 – mais qui affiche déjà plus de 40 milliards de dollars de projets financés dans des secteurs clés, tels que l’énergie propre, les infrastructures de transport et la digitalisation.
Pour Dilma Rousseff, présidente de la NDB, « l’Algérie a une position stratégique, une économie dynamique et des ressources abondantes ». Un discours laudateur certes, mais qui révèle aussi l’intérêt économique que représente l’Algérie pour les puissances émergentes.
Dans ce contexte, Mme Rousseff a rappelé que « la Nouvelle Banque de Développement est une institution financière dédiée à la mobilisation de ressources pour des projets d’infrastructure et de développement durable. Elle constitue une plateforme de coopération et de partage de connaissances entre ses pays membres ». Et d’ajouter que la Nouvelle banque de développement «s’engage pleinement à devenir un partenaire fiable et digne de confiance pour l’Algérie, en soutenant son programme de développement durable ».
Pour sa part, le ministre des Finances, Abdelkrim Bouzred, a déclaré que « cette adhésion reflète notre confiance dans le rôle essentiel de cette institution pour le financement du développement mondial, ainsi que dans sa capacité à proposer des solutions alternatives et innovantes, au service de la croissance et de la résilience des économies membres ».

La proposition de la Banque africaine de développement
Troisième acteur prêt à s’aligner : la Banque africaine de développement (BAD). Celle-ci a exprimé sa disposition à financer deux projets majeurs : le gazoduc transsaharien Nigeria-Algérie, et le projet intégré de production de phosphate de Tébessa. Ces projets structurants sont non seulement viables économiquement, mais également stratégiques pour le continent.
En effet, lors d’une rencontre mardi dernier, entre le ministre de l’Énergie et des Mines, Mohamed Arkab, et le président du groupe de la BAD, Akinwumi Ayodeji Adesina, ce dernier a réitéré l’engagement de la Banque à accompagner l’Algérie dans la réalisation de ses grands projets structurants. Le projet du gazoduc transsaharien (TSGP) a été qualifié d’étape cruciale pour l’intégration régionale, essentielle pour assurer l’approvisionnement énergétique et le développement socio-économique des pays de transit, selon le communiqué du ministère de l’Énergie.
Mais l’intérêt de la BAD ne se limite pas au secteur gazier. Le projet intégré de production de phosphate de Tébessa retient également son attention. Ce projet revêt une importance capitale non seulement pour l’Algérie, mais aussi pour la région, en soutenant le développement agricole et en contribuant à la sécurité alimentaire. La BAD suit de près l’évolution de ce dossier et manifeste sa volonté d’accompagner la production et la commercialisation des engrais phosphatés, essentiels au développement du secteur agricole africain.

Une attractivité qui repose sur des fondamentaux solides
Ce triple positionnement favorable – BID, NDB, BAD – n’est pas le fruit du hasard. Il est le résultat de fondamentaux macroéconomiques assainis. L’Algérie n’est pas endettée, dispose de réserves de change confortables, et affiche une croissance stable, à l’heure où nombre de pays négocient des rééchelonnements ou sombrent dans le surendettement. C’est ce qui explique d’ailleurs la prudence respectueuse avec laquelle s’expriment les institutions précitées, dans la mesure où aucune d’entre elles ne parle de plans d’ajustement structurel, d’audit préalable ou de conditions draconiennes, mais d’accompagnement et de partenariat.