Les préfectures françaises bloquent les travailleurs algériens

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Par Zine Haddadi

En France, les difficultés que connaissent des milliers d’Algériens parmi les étrangers travailleurs à obtenir ou à se faire renouveler un titre de séjour montrent le décalage entre les discours officiels et les politiques menées sur le terrain.
Les personnalités de droite et d’extrême droite qui garnissent les plateaux de télévision affirmant différencier l’Algérie qu’ils attaquent en permanence et les Algériens intégrés par le travail sur le sol français sont contredites par la réalité.
L’intégration par le travail ne garantit plus aux étrangers, particulièrement aux Algériens, de bénéficier d’un titre de séjour devant les blocages administratifs répétés dans les différentes préfectures de l’Hexagone sous fond de tour de vis décidée par une tendance politique de droite dure représentée par Bruno Retailleau.
Depuis des semaines, voire des mois, les demandes de titre de séjour ou de renouvellement se heurtent quasi-systématiquement au silence des préfectures. Y a-t-il une instruction du ministère de l’Intérieur dirigé par Retailleau, tutelle des préfets, pour limiter le nombre des titres de séjour accordés aux Algériens ? Le locataire de la place Beauvau fait-il dans la politique des chiffres en prévision de la course à la présidentielle de 2027 ? Difficile de répondre à ces questions.
La situation de blocage administratif est toutefois dénoncée en France tant par la société civile que par la classe politique y compris au niveau de l’assemblée nationale française.
Dans certains cas, l’attitude des préfectures est incompréhensible. Si on martèle à chaque occasion que les étrangers se trouvant en situation régulière en France ou au moins disposant d’un travail ne sont pas concernés par les restrictions, la réalité est toute autre.

Des demandes sans réponse
Les demandeurs en arrivent à la détresse. C’est le cas d’une sexagénaire algérien qui a menacé de se jeter d’une grue dans un chantier près du métro de Toulouse, lassé d’attendre une régularisation de sa situation administrative, selon le récit de France 3. L’incident aurait pu virer au drame n’aurait été l’intervention d’une équipe du Raid (troupe d’élite de la police française) qui a réussi à dissuader l’individu de mettre fin à ses jours.
Le blocage ne concerne pas uniquement les Algériens bien évidemment mais par leur nombre ils font partie des plus touchés. Dans le Gard, des associations de protection des droits humains basées à Nîmes critiquent les anomalies concernant la délivrance des permis de séjour à la préfecture.
«La préfecture a un délai maximal de quatre mois pour répondre aux familles ou individus sollicitant un titre de séjour. Actuellement, il faut attendre entre six mois et deux ans pour obtenir cette réponse», se désole Françoise Augereau de la Cimade dans une déclaration à Objectif Gard.
Un exemple de blocage rapporté par le député de la France Insoumise Manuel Bompard est édifiant. Le parlementaire a cité le témoignage d’un travailleur étranger qui travaille depuis une trentaine d’années comme tunnelier et qui peine à régulariser sa situation administrative.
«Je suis arrivé en France il y a une trentaine d’années et depuis 30 ans je travaille en France en tant que tunnelier. Et il y a quelques mois, j’ai demandé le renouvellement de mon titre de séjour parce que je n’ai pas la nationalité française. Et à la préfecture, on ne m’a pas donné le renouvellement de ce titre de séjour, mais on ne m’a pas dit qu’il était refusé, on ne m’a pas répondu pour l’instant», raconte le travailleur étranger.
Son employeur lui a annoncé qu’il risquait de perdre son travail s’il n’arrivait pas à résoudre ses problèmes de papiers. Une situation que dénonce le député de la France Insoumise Manuel Bompard.
Combien de vies vous voulez briser avec votre proposition de loi ? Combien de familles voulez-vous détruire avec votre proposition de loi ? Combien d’enfants voulez-vous abandonner avec votre proposition de loi ? Ça, vous voyez, ce n’est pas des mots et des phrases, ce n’est pas de la politique politicienne pour essayer de se faire du beurre électoral sur le dos des personnes qui vivent en France», s’est ainsi adressé le parlementaire à la droite qui a proposé une nouvelle loi pour supprimer les titres de séjour pour soins accordés aux étrangers.
Toujours à l’assemblée nationale française, la députée Sophie Taillé-Polian est revenue avec des chiffres sur les blocages des demandes de régularisation restées sans réponse dans sa circonscription.
«Le sous-préfet du Val-de-Marne vient de me dire qu’il y a 6500 dossiers en attente de gens qui n’ont pas de réponse», a-t-elle révélé dans son intervention. Un chiffre qui interroge sur la nature du blocage administratif en cours.