Les tribunaux paralysés dès aujourd’hui : Les robes noires passent à l’acte

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/Les avocats observeront à compter d’aujourd’hui une grève illimitée qui touchera l’ensemble des activités judiciaires afin de protester contre le nouveau régime fiscal imposé à la profession, en vertu de la loi de finances 2022.

Lors des sit-in qu’ils tiendront à cette occasion, les robes noires réitéreront leurs revendications socioprofessionnelles, en entonnant des slogans qui expriment leur double opposition à un «système fiscal injuste» et à une «justice aristocratique» afin que l’avocat soit à la portée de toutes les catégories,  d’un côté. Et de l’autre côté, ils plaideront pour le «retrait à la source de l’impôt», et pour «la capacité du justiciable à désigner un avocat». Le président des bâtonniers d’Algérie, Brahim Taïri, a expliqué que la décision de radicaliser leur mouvement qui avait été prise, lors de l’assemblée générale extraordinaire des barreaux des wilayas tenue à Constantine, intervient après l’échec des mouvements précédents. «Nous avons organisé une grève d’une semaine mais qui n’a abouti à rien. Elle a été suivie d’une journée qui était destinée à attirer l’attention sur nos problèmes mais, on a remarqué un black-out des médias que nous ne comprenons pas. Nous n’avons aucune orientation politique, mais des revendications socioprofessionnelles pures, à l’instar des autres professions comme l’éducation, les greffiers ou les boulangers», a-t-il affirmé en substance.  Le président des ordres des avocats d’Algérie a, en soulignant le maintien du mot d’ordre de grève qui doit entrer en vigueur aujourd’hui, émis le souhait de voir un dialogue s’ouvrir avec les autorités pour la prise en charge de leurs doléances. «Pour autant, il s’est dit aussi confiant que l’action de revendication aboutira à l’intervention du président de la République, eu égard au caractère socioprofessionnel des revendications soulevées. Il a rappelé à ce titre avoir adressé une correspondance de «haut niveau» au premier magistrat du pays, exposant la situation, et demandant notamment une seconde lecture de la loi de finances 2022, afin de procéder au retrait de l’article inhérent au nouveau régime fiscal des avocats. Bien que «nos préoccupations pouvaient être prises en charge au niveau du ministère des Finances, où nous n’avons pas été reçus malgré nos sollicitations», dit-il.

A. R.

Brahim Taïri, président des ordres des avocats d’Algérie : «L’avocat fait partie de l’équation de la justice»

Le président de l’Union nationale des ordres des avocats, Brahim Taïri,  persiste et signe dans sa dénonciation de ce qu’il qualifie d’exclusion des avocats du Conseil supérieur de la magistrature(CSM), une institution où il veut que la profession soit représentée en tant que partie prenante de l’équation de la justice, au même titre que des membres du Conseil des droits de l’Homme et des parlementaires.

L’une des revendications de votre Organisation est que les avocats soient représentés au sein du Conseil supérieur de la magistrature, pourquoi ?  

Actuellement, le CSM compte 15 magistrats élus, dont l’avocat a été exclu, bien qu’il fasse partie de l’équation de la justice. Or, cette situation peut être rattrapée par la nomination des membres de la profession, au titre des 2 membres désignés par le président de la République, 2 membres de l’APN et deux autres du Conseil de la nation. Nous, on a toujours appelé à un équilibre au sein du secteur. Puisque nous sommes 62.000 avocats, en principe, il devrait y avoir 2 membres  au sein de cette institution pour qu’elle ne reflète plus la seule et unique vision des juges. Et ce, à l’instar de la commission des recours de la Cour suprême, qui englobe 4 bâtonniers et 3 juges. Mais, il y a ceux qui refusent la présence des avocats, des notaires et enseignants universitaires.

Quelle est la  vision de l’UNOA  à ce sujet ?

Pour nous, l’avocat doit y être représenté, à l’exemple de la Tunisie  où 50%  du conseil supérieur de la magistrature sont des avocats, pour qu’il y ait un équilibre entre le juge et l’avocat, afin de construire l’Etat de droit.  Le bâtonnat national englobe 24 bâtonniers, ne pourrait-on pas designer 4 ou 5 avocats, pour y prendre part et parler des problèmes de la justice, et pour défendre y compris le magistrat ? Parce que la justice est le bien du peuple algérien.

Qu’en est-il alors de la question des impôts ?

On exige de l’avocat de payer 54% d’impôts, d’un côté, alors que de l’autre côté on veut octroyer au juge un salaire de 7 fois le SNMG.  On n’est pas contre d’augmenter la rémunération du juge pour qu’il puisse se concentrer sur ses dossiers et à la justice, mais l’avocat doit aussi avoir la place qui lui sied, participer au Trésor public en payant ses impôts dans la limite de l’entendement. On n’augmente pas l’impôt de 12% à 54%.  Nous avons tenté de dialoguer avec les autorités à ce sujet, en affirmant que pour l’intérêt public nous sommes disposés à payer par le biais de la retenue à la source qui permet à tout le monde de faire ses calculs à l’avance.  L’avocat paie son impôt avant même d’instruire son affaire, sans qu’il n’y ait d’évasion fiscale. Maintenant, l’avocat lutte pour ses droits socioprofessionnels, n’a pas de revendications politiques. Nous ne défendons pas uniquement les droits des avocats, mais du justiciable, du pouvoir d’achat des citoyens qui ne pourront plus payer les honoraires d’un avocat et de la justice en général. Nous représentons 62.000 avocats. Et les juges eux mêmes lorsqu’ils quittent leur fonction, rejoignent la profession d’avocat. Mais, cela va changer. À l’avenir, le juge qui veut être avocat doit passer par un concours comme tout le monde.

Pour en revenir au nouveau système fiscal, vous estimez qu’il est inapplicable, pourquoi ?

Selon ce système, l’avocat doit tenir deux registres, dont chacun contient 365 pages qui doivent être approuvés par le service des impôts. Pour les 62.000 avocats réunis, il y aura 124.000 registres de 365 pages chacun, cela fera des millions de feuilles pour rien. Nous avons besoin en revanche, d’un timbre, la requête d’un avocat, un greffier pour vérifier avant qu’elle ne passe chez le juge. Aussi, nous demandons un paiement électronique, mais, dans une  période de transition on peut se contenter d’un timbre fiscal. 

A. R.