Les vols directs vers le Sahara occidental depuis l’Europe remis en cause

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L'Espagne nie vouloir céder l'espace aérien du Sahara occidental au Maroc

PAR AMAR R.

Après l’invalidation des accords commerciaux conclus en 2019 entre le Maroc et l’UE sur la pêche et l’agriculture au Sahara occidental, les vols directs que proposent des compagnies aériennes en direction du Sahara occidental depuis Paris ou Madrid tombent à leur tour sous le coup de l’arrêté de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

Des compagnies européennes comme Ryanair ou Transavia, filiale d’Air France-KLM, proposent depuis peu des vols directs pour le Sahara occidental depuis Madrid et Paris comme Ryanair ou Transavia, filiale d’Air France-KLM. Mais, ces vols commerciaux n’ont pas sollicité le consentement du peuple sahraoui, en vertu de la législation européenne et notamment de l’arrêté de la CJUE qui a établi la séparation entre les territoires du Sahara occidental et ceux du royaume du Maroc.

«Imposer le fait accompli de l’occupation»

Pour le Front Polisario, ces vols proposés par des compagnies européennes sont accueillis avec beaucoup de réticence : les autorités marocaines veulent «imposer le fait accompli de l’occupation du Sahara occidental en impliquant des acteurs économiques», dénonce auprès de l’AFP Oubbi Buchraya, représentant du mouvement auprès des agences des Nations unies à Genève.

Tout accord sur ce territoire doit être approuvé par les deux parties prenantes, mais les compagnies aériennes «opèrent en dehors de la légalité internationale», affirme Oubi Buchraya Bachir, qui menace de recours en justice les transporteurs européens en cas de poursuite de leurs activités.

Il argue du fait que la Commission européenne lui a déjà donné raison : en décembre, elle avait rappelé à l’ordre les transporteurs européens, les informant que «l’accord aérien euro-méditerranéen entre l’UE et le Maroc ne s’applique pas aux routes reliant le territoire d’un Etat membre de l’UE au territoire du Sahara occidental».

Les faux-fuyants des compagnies

En Espagne, l’Agence de la sécurité aérienne affirme, pour sa part, s’être appuyée sur l’article 6 de la Convention de Chicago, relative à l’aviation civile internationale, pour valider la ligne Madrid-Dakhla.

En d’autres termes, le pays autorise Ryanair à décoller et voler dans son espace aérien, ce qui «ne nécessite pas de consultation externe», explique l’Agence dans un communiqué.

Dans ce cas, il revient donc à Ryanair d’obtenir une autorisation de voler et d’atterrir au Sahara occidental. Sollicitée par l’AFP, la compagnie irlandaise a simplement assuré que ses opérations étaient «conformes à toutes les réglementations aériennes applicables», sans plus de précision.

Côté français, la compagnie Transavia, qui assure deux vols hebdomadaires entre Paris et Dakhla affirme que son programme de vols est «dûment validé par les autorités compétentes».

Pourtant, son arrêté d’exploitation, consulté par l’AFP, n’autorise le transporteur qu’à desservir le Maroc, ouvrant une nouvelle fois la question du statut controversé du Sahara occidental.

Contactée par l’AFP, la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), compétente en la matière, a renvoyé vers le ministère français des Affaires étrangères, qui n’a pas répondu aux questions sur ce sujet malgré plusieurs relances.

 

Nouveau cas de jurisprudence

Ces propositions commerciales posent un nouveau cas de jurisprudence à la Commission européenne qui s’était prononcée au sujet des accords commerciaux conclus en 2019 entre le Maroc et l’UE sur la pêche et l’agriculture au Sahara occidental.

Mais, le royaume du Maroc n’a de cesse de tenter de contourner l’arrêté de la CJUE. Ayant obtenu au prix de pressions la reconnaissance de son plan d’autonomie par Madrid en mars 2022, puis Paris en juillet 2024 , le régime du Makhzen tente d’attirer les investissements de ces deux pays afin de donner une «légitimité» à son fait accompli d’occupation du Sahara occidental.

Des compagnies européennes comme Ryanair ou Transavia, filiale d’Air France-KLM, ont franchi le pas et proposent désormais des vols directs depuis Madrid et Paris, encouragées par les autorités marocaines, qui leur offrent des allègements fiscaux. L’invalidation de ces liaisons sera certainement un nouveau revers pour le royaume du Maroc qui verra ainsi ses ambitions expansionnistes s’effriter sur le mur de la volonté d’émancipation du peuple sahraoui.