PAR M. MANSOUR
«Nous dénonçons avec la plus grande fermeté les pratiques mafieuses du gouvernement marocain et de l’Etat marocain, qui ont entravé l’accomplissement de notre mission.» Le propos est celui de l’eurodéputée Isabel Serra, membre du parti Podemos, quelques heures après avoir été refoulée, avec deux de ses colègues, alors qu’elles s’étaient rendues à Laâyoune occupée, capitale de l’Etat du Sahara occidental, dans le cadre d’une mission d’observation visant à vérifier l’application de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’octobre dernier, annulant les accords agricoles et de pêche conclus entre l’Union européenne et le Maroc. Exprimant une colère manifeste, l’eurodéputée a affirmé que cette affaire aurait des suites.
«Violation gravissime des droits humains»
Le parti espagnol Podemos a dénoncé, jeudi, la rétention d’une délégation d’eurodéputés, dont faisait partie Isabel Serra, à l’aéroport de Laâyoune, par des «personnes non identifiées». Le motif de cette entrave ne laisse guère de place au doute, dans la mesure où ces eurodéputés s’étaient rendus au Sahara occidental pour vérifier la mise en œuvre effective de la décision de la CJUE par les autorités marocaines, dont la réaction prouve justement le contraire.
Quelques heures auparavant, l’eurodéputée espagnole avait publié une vidéo depuis l’île de Gran Canaria, dans l’archipel des Canaries, où elle avait été contrainte de se rendre par les autorités marocaines. «Si de telles actions sont menées contre des représentants du Parlement européen, contre des eurodéputés, alors que subissent les habitants sahraouis ?» s’est-elle interrogée, dénonçant une «violation gravissime des droits humains». Elle a également souligné que ces pratiques avaient été documentées et exposées au grand jour. «Ces méthodes mafieuses des autorités marocaines se répètent quotidiennement contre la population sahraouie», a-t-elle déploré.
«Mettre un terme à ces pratiques»
Tout au long de cette séquence vidéo, particulièrement éloquente, l’eurodéputée n’a cessé de fustiger «les pratiques du Maroc». «Nous allons demander une réunion avec Roberta Metsola, présidente du Parlement européen, afin de solliciter sa protection face à cette action du gouvernement marocain. Nous exigerons également une rencontre avec Josep Borrell, Haut Représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères. Enfin, nous demandons à M. Albares de prendre des mesures pour mettre un terme à ces pratiques», a-t-elle déclaré. Une démarche qui a porté ses fruits, puisque ces instances, ainsi que le ministre espagnol des Affaires étrangères, ont été officiellement saisis.
De son côté, Podemos exige que les autorités espagnoles, européennes et marocaines respectent leurs obligations et garantissent l’accès des représentants publics dans l’exercice de leurs fonctions. Cette mission, composée du député finlandais Jussi Saramo, de la Portugaise Catarina Martins et de l’Espagnole Isabel Serra, avait notamment pour objectif de rencontrer des représentants de la Minurso. Elle prévoyait également des échanges avec des associations locales dénonçant le pillage des ressources naturelles du territoire par des entreprises européennes et marocaines.
La réaction du Front Polisario
Dans un communiqué, Abdulah Arabi, représentant du Front Polisario en Espagne, a exprimé la «condamnation la plus ferme» du mouvement face à cette expulsion et dénoncé la politique systématique du Maroc visant à interdire l’accès du Sahara occidental aux journalistes, activistes et représentants politiques. Selon lui, cette stratégie vise à «dissimuler les violations des droits humains» commises contre la population sahraouie.