PAR NABIL M.
Alors que l’Europe peine à atteindre ses objectifs en matière d’énergie renouvelable, elle devra compter davantage sur l’Algérie, autant en hydrocarbures qu’en énergie verte où le pays se positionne désormais comme un acteur clé.
Dans son dernier rapport, le cabinet EY a indiqué que l’Europe peine à remplir les objectifs qu’elle s’est elle-même fixés en matière d’hydrogène destiné à décarboner l’industrie et les transports. Le rapport souligne que la stratégie énergétique européenne RepowerEu a prévu la mise en place d’un marché de l’hydrogène dans l’Union européenne d’ici 2030, avec des objectifs de production de 10 millions de tonnes d’hydrogène renouvelable et l’importation d’équivalents de 10 millions de tonnes d’ici 2030.
Or, en décembre 2024, seuls 60% de l’ambition européenne en matière de capacité de production d’ici 2030 étaient couverts par les stratégies nationales des Etats membres, alerte le même rapport. En plus, le Vieux Continent a besoin d’installer 100 GW de capacité d’électrolyse d’ici 2030, soit une croissance annuelle de 150%, alors que le rythme annuel de croissance entre 2020 et 2024 n’était que de 45%.
Alors que l’Europe cherche à réduire sa dépendance aux énergies fossiles et à atteindre ses objectifs climatiques, l’Algérie apparaît comme un allié de choix, avec ses vastes ressources en gaz naturel, ses projets d’interconnexion électrique et son engagement dans le transport d’hydrogène vert, qui lui permettent de jouer un rôle stratégique dans la transition énergétique européenne.
Les énergies fossiles, pilier de l’approvisionnement européen
L’Algérie est aujourd’hui l’un des principaux fournisseurs de gaz naturel de l’Europe. En 2023, le pays a exporté 30 milliards de m3 de gaz vers l’Union européenne, représentant 19% des importations totales de gaz par pipeline. En octobre dernier, l’Algérie a pris la première place parmi les fournisseurs de gaz de l’Union européenne, dépassant la Russie, selon les données d’Eurostat. Les exportations de gaz algérien vers l’Europe ont atteint une valeur de 1,3 milliard d’euros durant le mois d’octobre dernier, ce qui représente 21,6% des importations totales de gaz de l’Union européenne.
Les exportations algériennes de GNL ont également connu une hausse significative, avec une part de l’Algérie dans les importations totales de l’UE qui a atteint les 8,1% en 2024, contre environ 7,4% en 2023, ce qui confirme la position de l’Algérie sur un marché très compétitif, où figurent plusieurs producteurs, tels que les Etats-Unis, la Russie, le Qatar et le Nigeria.
Ces chiffres illustrent la dépendance croissante de l’Europe vis-à-vis du gaz algérien, notamment dans un contexte marqué par la réduction des approvisionnements russes depuis le conflit en Ukraine. Grâce à ses infrastructures solides comme les gazoducs Medgaz et Transmed, l’Algérie offre une alternative fiable et stratégique pour sécuriser les besoins énergétiques européens.
Capacités en énergies renouvelables et interconnexions électriques
Au-delà des hydrocarbures, l’Algérie mise sur les énergies renouvelables pour renforcer sa coopération avec l’Europe. Le pays dispose d’un potentiel solaire et éolien exceptionnel, qui lui permet d’envisager une production massive d’électricité verte.
Dans ce cadre, l’Algérie travaille sur des projets d’interconnexion électrique avec l’Italie et l’Espagne. Un protocole d’accord a été signé en août 2024 entre Sonelgaz, Sonatrach et l’entreprise italienne Eni pour étudier la faisabilité d’un câble sous-marin reliant l’Algérie à l’Italie. Ce projet, dénommé Medlink, vise à exporter de l’électricité produite en Algérie vers l’Europe, renforçant ainsi la sécurité énergétique des deux régions.
Le projet repose sur deux câbles sous-marins à haute tension, conçus pour transporter jusqu’à 2000 Mégawatts (MW) d’électricité par an, un volume qui représente environ 8% de la consommation énergétique annuelle de l’Italie. Ce projet illustre la volonté de l’Europe de s’approvisionner en énergie propre tout en renforçant ses relations stratégiques avec ses partenaires méditerranéens, dont l’Algérie.
L’hydrogène vert algérien au service de la transition énergétique de l’UE
Outre le projet d’interconnexion électrique, l’Algérie s’engage également dans la production et l’exportation d’hydrogène vert, un enjeu majeur pour la décarbonation de l’industrie et des transports européens. Le projet SoutH2 Corridor, approuvé par l’Algérie, la Tunisie, l’Italie, l’Allemagne et l’Autriche, prévoit la construction d’un réseau de transport d’hydrogène vert sur 3300 à 4000 kilomètres.
Ce corridor, qui devrait entrer en service d’ici 2030, permettra d’acheminer jusqu’à 4 millions de tonnes d’hydrogène vert par an vers l’Europe centrale. Récemment, l’ancien ambassadeur de l’UE en Algérie avait affirmé que «ce qui intéresse l’Europe dans l’avenir en matière d’énergie, c’est bien le renouvelable, avec un intérêt particulier pour l’hydrogène vert», en soulignant «l’énorme potentiel de l’Algérie en énergie solaire pour produire de l’hydrogène».
D’ailleurs, un grand projet de production d’hydrogène vert en Algérie est en préparation, entre l’Allemagne et un partenaire algérien, pour la réalisation d’une usine de référence pour la fabrication de cette énergie propre. Ce projet s’inscrit dans une stratégie plus large visant à transformer le pays en un acteur clé de l’énergie renouvelable dans la région euro-méditerranéenne.
Ainsi, que ce soit à travers les exportations de gaz, les projets d’interconnexion électrique ou l’engagement dans le transport d’hydrogène vert, l’Algérie se positionne comme un partenaire indispensable pour l’Europe, contribuant activement à la sécurité et à la transition écologiques du continent, ce qui démontre qu’elle reste incontournable dans le paysage énergétique mondial.