L’Opep+ choque le marché

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Le pétrole toujours dans le vert

La décision surprise des membres de l’Opep+ de procéder à une réduction volontaire de la production a suscité une réaction immédiate des marchés financiers en tirant le prix du baril vers le haut, et provoqué au passage la colère des politiques occidentaux qui se sont lancés, depuis la crise ukrainienne, dans une guerre financière et économique contre la Russie, pays membre du cartel.

PAR ABDELLAH B.

Hier, sur le marché boursier à Londres comme à New York, les cours de l’or noir ont gagné d’importants points pour enregistrer une nette évolution de 8% par rapport au mois de
mars dernier. Les prix se sont affichés au-dessus de la barre des 85 dollars et ne vont pas s’arrêter à ce niveau-là, d’après les observateurs du marché.

Cette envolée des prix intervient quelques heures après la décision surprise de l’organisation des pays producteurs de pétrole élargie (Opep+), dont 7 membres ont annoncé avant-hier des réductions supplémentaires importantes de leur production pétrolière d' »environ 1,66 million de barils quotidiens », en plus de la baisse décidée le 5 octobre 2022 qui est de l’ordre de 2 millions de barils/jour.

Vers une hausse soutenue des prix

Une décision qui s’explique, selon le cartel, par l’existence de diverses incertitudes qui planent sur l’économie mondiale et la nécessité de lutter contre la volatilité des prix alimentée par les spéculations durant le mois de mars dernier pour tirer le prix du pétrole vers le bas.

Il s’agit donc d’une mesure préventive visant à maintenir les prix à des niveaux à la fois bénéfiques pour le consommateur et le producteur.

Dans ce sens, la décision l’Opep+ aura un impact important sur l’évolution des cours de l’or
noir durant les mois à venir.

Les spécialistes tablent sur une hausse importante des prix à partir du mois de juin prochain pour frôler à nouveau la barre des 100 dollars. Comme c’est d’ailleurs le cas de la banque américaine d’investissement Goldman Sachs, qui affirme avoir revu à la hausse ses prévisions concernant l’évolution des cours du pétrole pour le reste de l’année en cours.

Cette dernière prévoit un baril à 94 dollars le baril jusqu’au mois de décembre prochain. La
banque américaine affirme avoir fondé ses prévisions sur la hausse de la demande mondiale sur le pétrole après la reprise de l’activité en Chine suite à la levée des restrictions Covid, mais également en raison d’une offre rétrécie sur le marché après la décision de l’Opep+ de baisser sa production.

«Un coup de revers pour les USA»

D’après les spécialistes, la décision de l’Opep+ intervient dans un contexte géopolitique marqué par des confits de repositionnement dans un nouvel ordre mondial qui se dessine.

Selon ces derniers, la décision du cartel de recourir à des réductions volontaires de sa production marque la fin d’une ère, en donnant un « coup de revers » aux États-Unis, estime Caroline Bain, de Capital Economics. Dans ce sens, l’administration américaine n’a pas tardé à réagir à cette réduction surprise de la production en qualifiant la démarche des membres de l’Opep+ d' »illogique ».

Selon l’agence Bloomberg, les USA craignent qu’une telle décision ait un impact négatif
sur la consommation énergétique américaine exposée à des « risques inflationnistes » des prix des carburants dans un contexte un peu particulier. « La production pétrolière du pays continue à croître lentement, et l’industrie est réticente à accélérer le forage et à risquer une répétition des précédents cycles d’expansion et de récession », explique Bloomberg.

Chose qui n’est pas en faveur de l’administration Biden et son parti démocrate à l’approche de la présidentielle. En d’autres termes, les USA auront à la fois du souci à répondre à une demande interne croissante et un engagement international avec leurs alliés européens en matière d’approvisionnement en produits pétroliers, et ce, après l’entrée en vigueur des sanctions européennes, le 5 février dernier, contre les produits pétroliers russes visant à réduire davantage les recettes de Moscou.

Si la Maison-Blanche s’est dit déçue de la décision de l’Opep+, la Russie, qui était la première à annoncer hier le prolongement de la réduction de sa production de 500.000 barils/jour décidée en février dernier, a qualifié la décision de l’Opep+ dont elle est membre, de « bonne » et « dans l’intérêt » du marché mondial pour maintenir les cours « au bon niveau », d’après Dimitri Peskov, porte-parole de la présidence russe.

Selon ce dernier, « d’autres pays membres annonceront prochainement des réductions de
la production, s’ils jugent cela nécessaire ».

A. B.