Macron baisse le ton, mais sans véritable initiative d’apaisement

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Par M. Mansour

 

Après plusieurs mois de silence, Emmanuel Macron s’est finalement résigné à s’exprimer sur la crise qui empoisonne les relations entre la France et l’Algérie. Mais loin d’apporter des clarifications, son discours ne fait que révéler davantage l’ambiguïté et l’incohérence de la politique française sur ce dossier. Face à une situation qu’il a lui-même contribué à détériorer, notamment par le soutien officiel de Paris au plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental, le président français a adopté une posture moins offensive. S’il a visiblement baissé d’un ton par rapport aux membres de son gouvernement, son intervention s’apparente davantage à un exercice d’équilibrisme maladroit qu’à une réelle volonté d’apaisement. Macron a cherché à envoyer un message à Alger tout en ménageant les forces politiques dominantes en France, à savoir l’extrême droite et une droite de plus en plus radicalisée.

L’un des points centraux de son intervention, hier, en marge d’une visite d’Etat qui l’a mené au Portugal, concerne les accords de 1968, qui encadrent le statut des ressortissants algériens en France. Macron a tenu à préciser qu’une remise en question unilatérale de ces accords n’était pas envisageable : «On n’a pas à les dénoncer de manière unilatérale, ça n’a aucun sens.» Cette déclaration tranche avec les propos de plusieurs membres du gouvernement qui, ces derniers mois, avaient laissé entendre que la France pourrait réviser ces accords de manière unilatérale pour renforcer ses mesures migratoires. Cela dit, le président français, tout en utilisant une rhétorique autrement plus lisse, a expliqué, pour des raisons de «consommation interne», qu’un travail devra être fait avec Alger pour «moderniser» ces accords, et que la question avait été abordée avec son homologue algérien durant l’été 2022.

 

Une rhétorique à double objectif

L’intervention du président français a également mis en lumière des divergences au sein même de son gouvernement. Il y a trois jours, son Premier ministre, François Bayrou, avait évoqué un ultimatum posé à Alger concernant la révision des accords de 1968, en insistant sur l’expulsion de plusieurs centaines de ressortissants algériens. Or, Macron, bien que réaffirmant la nécessité d’une coopération en matière de sécurité, a éludé cet ultimatum, préférant orienter son propos vers les accords de 1994 : «Rien ne peut prévaloir sur la sécurité de nos compatriotes (…) en particulier avec les accords que nous avons signés en 1994.» Là aussi, il ouvre la porte à toutes sortes de questionnements sur le sens réel de ses déclarations.

 

L’affaire Sansal et le mépris de la justice algérienne

L’autre point abordé par le président français est l’affaire de l’écrivain Boualem Sansal, qu’il a qualifiée d’«arbitraire» en plaidant pour sa libération rapide : «Aujourd’hui, sa détention arbitraire ajoutée à sa situation de santé nous préoccupe beaucoup.» Des propos qui dénotent un manque de respect pour la justice nationale qui ne peut faire l’objet d’une ingérence étrangère dans ses affaires. Loin d’apaiser les tensions, cette prise de position risque au contraire d’alimenter la défiance face à un discours perçu comme paternaliste et intrusif.

 

Une incohérence politique qui alimente l’extrême droite

L’attitude du président français et de son gouvernement vis-à-vis de l’Algérie apparaît de plus en plus incohérente. Entre les tentatives feintes d’apaisement de Macron et la surenchère sécuritaire de certains de ses ministres, l’Exécutif donne l’image d’un pouvoir tiraillé entre impératifs diplomatiques et calculs électoralistes. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, incarne cette ligne dure qui s’impose progressivement au sein du gouvernement. Son discours, flirtant ouvertement avec les thèses de l’extrême droite, plaide pour un durcissement de la politique migratoire et une remise en cause des accords historiques avec l’Algérie, au risque de fracturer davantage une relation déjà minée par la méfiance et les provocations.

Cette évolution illustre un glissement progressif du gouvernement français et de l’ensemble de la sphère médiatique vers une posture plus radicale, alimentée par un climat politique où la surenchère sécuritaire et migratoire s’impose comme un argument électoral majeur. En mettant en avant «un sens du réel et une culture du résultat», Emmanuel Macron semble chercher à répondre aux attentes d’un électorat de plus en plus réceptif aux questions sécuritaires. Toutefois, cette stratégie pourrait surtout exacerber les tensions et fragiliser davantage les relations franco-algériennes.