Par Djilali B.
Le ton est à l’apaisement entre Alger et Bamako. La tension a baissé à la faveur de la nomination de nouveaux ambassadeurs dans les deux capitales et, bien entendu, les propos tenus jeudi, par le président Tebboune, sur la relation avec le voisin du sud. En effet, Abdelmadjid Tebboune a confirmé le retour à la normale des relations entre l’Algérie et le Mali, mais n’a pas manqué de tacler une tierce partie qui a ferraillé à l’envenimer à travers des manœuvres soutenues et à attiser la tension en distillant de fausses informations à travers un site internet créé spécialement à cet effet. La patience de l’Algérie devant les attaques et l’affront des responsables maliens a été payante. Finalement, «les Maliens ont compris que l’Algérie est un pays frère et pas seulement un voisin, qui n’a jamais songé à imposer quoi que ce soit et encore moins de les exploiter». Cette conclusion est à la fois l’aboutissement de la stratégie de la diplomatie algérienne axée sur l’apaisement et la désescalade malgré les attaques démesurées de certains responsables maliens à l’ONU et dans les médias. Et de la prise de conscience de la partie malienne de son erreur, partant, entre autres, du règlement de la situation similaire de la relation avec le Niger, qui s’est par ailleurs conclu avec un bond dans la coopération économique. Outre les visites officielles entre Alger et Niamey, les deux voisins ont signé plusieurs contrats de coopération dans les domaines de l’énergie et des mines, les travaux publics et le commerce. Le mégaprojet de gazoduc Nigeria-Algérie via le Niger a également été revisité.
Le Mali a finalement assimilé la philosophie de la diplomatie algérienne et les dividendes politiques et économiques qu’il pourra tirer de l’entretien d’une relation normale et de bon voisinage avec l’Algérie en prenant exemple sur le Niger. L’Algérie apporte par ailleurs une garantie politique dans le règlement des tensions internes au Mali, notamment avec les populations du nord à majorité touarègue, une communauté partagée entre l’Algérie, le Niger, le Mali et le Burkina Faso, qui écoutent la voix de l’Algérie. Plus encore côté algérien, ce sens profond de la «fraternité» et de la solidarité qui en découle, même au pic de la tension entre Bamako et Alger : le pays accueille plus de 6000 étudiants dans les universités algériennes ; le nombre de bourses peut augmenter jusqu’à 8000. Les écoles militaires algériennes forment des soldats africains, dont 1800 officiers et sous-officiers maliens.
Pragmatisme
Plus pragmatique, l’Algérie reconnaît le «fait» AES (Alliance des Etats du Sahel), cette sorte de Confédération créée par le Burkina Faso, le Mali et le Niger après leur retrait de la Cedeao. «Pour nous, l’AES est une entité qui existe et avec laquelle nous travaillerons». Le propos est du président Tebboune.
Cette approche de la diplomatie algérienne vis-à-vis des pays du Sahel est plutôt globale, recentrée sur l’Afrique avec des initiatives telles que le renforcement des dessertes aériennes et maritimes, l’ouverture de succursales bancaires et l’installation de stands permanents pour les produits algériens dans certains pays. Il est question aussi de projets structurants et de grands investissements communs, notamment dans le domaine de l’énergie.
Cette dynamique résulte de la mise en œuvre de la nouvelle vision de la diplomatie algérienne qui accorde un intérêt grandissant pour le continent.
La priorité est accordée à la bataille pour la conquête de la voix que le continent mérite au niveau de l’ONU. Une quête qui a porté ses fruits aujourd’hui avec la reconnaissance de ce droit pour le continent au niveau du Conseil de sécurité. «Une erreur historique» que la communauté internationale est prête désormais à corriger. L’Algérie s’était engagée à porter ce combat au niveau de ce Conseil où elle siège en tant que membre non permanent. Elle plaide également pour des solutions politiques africaines dans les conflits et crises qui minent le continent, sous l’égide de l’Union africaine qui dispose de compétences, de moyens et d’une expertise en matière de médiation.
En ligne de mire, à long terme, la grande ambition d’une véritable intégration économique du continent. C’est le rôle aussi de la diplomatie.