La crise diplomatique avec la Tunisie avec le rappel réciproque des ambassadeurs à Tunis et Rabat est la dernière d’une série de déconvenues enregistrées par le Maroc qui s’est mis à dos l’Algérie, la Mauritanie, la France, l’Espagne, et toute l’Union européenne à cause de son harcèlement et de son chantage à l’émigration et aux intérêts économiques pour obtenir un ralliement à sa thèse sur le Sahara occidental.
Mais mal lui en prit, puisqu’après l’offensive en direction de l’Espagne qui a certes abouti à la déclaration Sanchez dans laquelle il s’aligne sur les thèses marocaines, une déclaration de la porte-parole du gouvernement espagnol suivie de celle du haut représentant de l’Union européenne, Josep Borrell, viennent remettre les compteurs à zéro, en déclarant le soutien de l’Espagne et de l’UE à la tenue d’une consultation du peuple sahraoui, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.
Borrell a expliqué lors de l’interview que la position de l’Espagne «est et était» que les Sahraouis eux-mêmes votent pour leur avenir. «Le gouvernement espagnol ne s’est jamais éloigné de cette position», a-t-il déclaré sur TVE. Ce désaveu au roi du Maroc a créé la panique au palais royal qui, loin d’avoir gobé cette déclaration, s’en est pris à travers ses relais à Borrell.
Panique au palais
Pour mieux exorciser sa peur-panique, le chef de la diplomatie du régime chérifien a bien tenté de faire croire à un «lapsus» de la part du haut représentant européen et a beau se démener pour obtenir la publication d’une déclaration l’attestant, mais le «mal» était déjà fait, comme en témoigne l’annonce par Bourita qu’il annule une réunion prévue en septembre prochain à Rabat avec Borrell.
Cependant, le régime marocain n’est pas au bout de ses peines, puisque c’est au tour de l’Allemagne de lui donner du fil à retordre, en annonçant qu’elle soutenait les efforts des Nations unies pour parvenir à une solution équitable au problème dans le cadre de négociations sous les auspices de l’ONU.
L’Allemagne refuse de suivre l’Espagne
Lors de la visite de la ministre des Affaires étrangères d’Allemagne, Nasser Bourita n’a pas réussi à convaincre l’Allemagne de changer de position. L’Allemagne, qui est tenue par la position commune de l’UE, a réitéré son soutien à la médiation de l’ONU pour résoudre le conflit au Sahara occidental, bien qu’elle ait décrit la proposition marocaine comme une «bonne base» pour résoudre le conflit.
Annalena Baerbock s’est félicitée de la nomination de l’envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies, le diplomate italo-suédois Staffan de Mistura, et a réaffirmé le plein soutien de son pays à ses efforts pour parvenir à un règlement politique de ce conflit dans le cadre onusien sur la base de la résolution 2602 (2021) du Conseil de sécurité des Nations unies.
«The last but not the least» de cette série noire de la diplomatie marocaine est l’accueil digne d’un chef d’Etat qui a été réservé par le chef de l’Etat tunisien au président de la RASD et le retrait du Maroc du 8e sommet du Ticad. D’où la crise avec la Tunisie, dans le prolongement du bras de fer avec certains pays européens, mais aussi du dernier discours du roi du Maroc pour avoir invité ses partenaires à clarifier leur position à l’égard du conflit Sahara occidental en citant pour exemple l’Espagne et d’autres.
«Le Maroc ne peut pas gagner le conflit»
Or cette politique ne mène nulle part, selon les spécialistes. Irène Fernández Molina, professeure à l’université d’Exeter, spécialisée dans le Maghreb, estime que le Maroc ne peut pas gagner le conflit du Sahara occidental «en raison de l’accumulation de positions favorables au plan marocain d’autonomie». «Cette stratégie a été relativement réussie et ce qui s’est passé en Espagne est une réalisation très importante, mais elle a ses limites : en premier lieu, elle se heurte à la structure juridique internationale. Par exemple, quelque chose qui continuera à avoir de l’avenir, ce sont les arrêts de la CJUE qui affirment que le territoire du Sahara occidental ne peut pas être assimilé par volonté politique du jour au lendemain au Maroc. Un autre élément est que ces déclarations de soutien sont encore des déclarations politiques faibles dans le sens où les gouvernements peuvent les retirer ou les nuancer selon les circonstances politiques», indique-t-elle. «De cette façon, il ne gagnera pas et, à un moment donné, il devra y avoir une négociation.»
A.R.