Par Mohamed Medjahdi
Les médinas de Tlemcen et de Nedroma font partie des 7 secteurs sauvegardés au niveau national. Or force est de constater que ces deux secteurs implantés dans la wilaya de Tlemcen, se trouvent toujours confrontés à une réelle dégradation.
La vieille ville de Tlemcen prise en charge lors d’une récente session de l’APW
C’est le cas de la vieille ville de Tlemcen qui a été classée secteur sauvegardé en 2009 par décret exécutif. Le tracé géographique de ce secteur ne touche que la médina islamique de Tagrart excluant le reste de la ville. La médina est délimitée à l’Est par le boulevard Gaouar Hocine, au Nord par le chemin de fer, à l’Ouest par l’allée des pins et au Sud-ouest par la Rue Cdt Hamri Med, Ras el Qasbah, rue Tedjini Damerdji. Au Sud on trouve le Boulevard Hamsali Sayah Miloud. La superficie de la Médina de Tlemcen est de 844 747 m2. Cette dernière demeure de ce qui reste de l’ancienne capitale du royaume des Banou Abdeloued (Zianide) (XIIIe XVIe S.) En fait ce vieux tissu s’est constitué depuis l’époque des Almoravides.
Selon l’archéologue Chenoufi Brahim, «depuis cette époque, Tlemcen ne cessa de s’embellir et de se doter de joyaux plus particulièrement sous les Zianides. Médersas, hammams, foundouqs, centre commercial, bassins, palais, jardins… Or, depuis l’arrivée des français, son tissu s’est rétréci comme peau de chagrin, son bâti s’est lamentablement dégradé», rappelant que «lors de cette trame, européenne, de nombreux sites ont été rasés, à l’image de la Médersa Tachifiniya…
Malgré cependant l’affectation d’une autorisation de programme de 12 milliards de centimes, pour la réhabilitation de certains sites le Plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur, de la médina de Tlemcen mérite mieux. Un plan d’urgence s’impose avec l’harmonisation des façades par des ravalements appropriés, le pavage de derbs et placettes, la révision du système d’éclairage public en l’adaptant à la spécificité du site…
Les spécialistes affirment que «la ville a perdu ainsi son rôle de capitale du Maghreb central après avoir connu de profonds bouleversements, particulièrement à l’époque coloniale française. Malgré cela, la Médina – ou ce qui en subsiste conserve encore certains éléments typologiques et architecturaux de l’urbanisme local.»
En effet la lecture de l’espace urbain de la ville de Tlemcen, dans ses différentes composantes, permet de relever une certaine dichotomie subversive entre une structure traditionnelle (la medina) répondant à une fonction spécifique et une structure récente à vocation résidentielle et de service. La coexistence de ces deux entités urbaines a pour principale caractéristique une rupture dans la forme d’appropriation de l’espace, et le schéma de structure tel qu’adopté par les plans d’urbanisme récents n’ont fait qu’accentuer cette dualité urbaine qui s’est traduite par des ensembles bâtis, désarticulés sur le plan fonctionnel et formel.
Par ailleurs, l’apparition d’espaces marginalisés au niveau de la ville ne s’est pas limitée aux zones géographiquement défavorisées ou de création récente (comme les grands ensembles, la banlieue, les nouveaux quartiers, etc.), mais elle concerne aussi des espaces historiquement prestigieux. Ces derniers, dont la centralité est souvent multiple (à savoir : urbaine, historique, sociale, culturelle, identitaire et économique) sont parfois des territoires urbains ayant souffert, à travers leur évolution, de changements sociaux et économiques tels qu’ils ne sont plus aptes à subvenir aux besoins nouveaux.
Leur situation demeure de la sorte assez problématique ; territoires exclus des circuits principaux des échanges et des activités, défigurés et souffrant cruellement d’un manque d’animation, ces espaces subissent un dépeuplement regrettable. Une politique s’impose et dans immédiat pour préserver cette ancienne médina, qui a vu le passage de plusieurs dynasties.
Lors de la session de l’APW, l’accent a été mis sur l’accélération des démarches afin d’appliquer les normes de restaurations prévues dans le plan de sauvegarde qui a été approuvé à l’unanimité
La cité de Nedroma mérite une attention
La création d’une revue intitulée «patrimoine d’El Mouahidia» animée exclusivement par des chercheurs, la création d’un musée à Nedroma, la signature de conventions de partenariat entre Nedroma et les associations espagnoles, la réalisation d’un film documentaire sur la région… sont en effet le maillon fort de l’association el Mouahidia de Nedoma qui œuvre sans relâche à préserver cette cité de Abdelmoumen
Son président, Azzedine Midoun ne cesse de mener le combat et poursuivre le processus de la mise en valeur, la rénovation et la restauration des vestiges, monuments et sites historiques, le recensement et à la conservation des manuscrits et documents anciens en rapport avec le patrimoine de la ville de Nedroma et sa région. L’objectif tracé, estime Azzediene Midoune, est de protéger la mémoire et transmettre les valeurs de l’ancienne medina. Il est important a-t-on souligné que les générations actuelles et futures puissent voir les reliques de leur passé, les monuments en premier lieu. Certes la grande mosquée restera longtemps, mais les autres vestiges doivent être conservés : le dessin général de la vieille ville, la Casbah et ses environs, les restes des remparts. Nedroma doit garder une conscience vive de l’importance de ces traces du passé dans la construction de l’identité présente et cela demande des initiatives voire des sacrifices.
La ville de Nedroma, située dans l’ouest algérien, a bien conservé sa touche médiévale de cité d’Islam occidental avec, au centre, la grande Mosquée dont le minaret domine de haut les maisons d’alentour, une petite place «la tarbi’a» autour de laquelle s’ouvrent le vieux bain almoravide et les souks, et de laquelle partent des rues étroites qui vont s’insinuer dans les divers quartiers de la ville. Dans le paysage urbain de l’Algérie, Nédroma ferait donc partie de la grande famille des médinas telles que Tlemcen et Constantine ou encore Kairouan, Sfax et Tunis en Tunisie. Sans avoir l’envergure de ces grandes métropoles, elle leur ressemble inévitablement en ce qu’elle en présente les caractéristiques profondes (structurales, esthétiques, fonctionnelles, etc.).
Ainsi, travailler sur cette ville qui offre un cadre de recherche riche en raison de l’importance de ses ressources paysagères et culturelles, permettra de prendre conscience de la grande dimension patrimoniale de la médina mais aussi des problèmes socio-économiques liés aux profondes pratiques mutationnelles ; et la question qui s’offre subséquemment à l’entendement est donc de savoir si Nédroma devrait se contenter aujourd’hui du souvenir de la gloire d’antan ?
En effet la préservation et la protection de ces secteurs protégés, doit prendre une dimension concrète et opérationnelle à tous les degrés. Il s’agit d’une politique globale qui doit être portée par la coopération internationale. Protéger donc ce patrimoine demeure un devoir national.