Mémoire et accord d’association avec l’UE : 2 dossiers clés pour commencer

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Barrot

Par M. Mansour

En visite à Alger, Jean-Noël Barrot entame la mise en œuvre d’une feuille de route ambitieuse. Dossier de la Mémoire et soutien à la renégociation de l’accord d’association avec l’UE : deux épreuves décisives pour tester la sincérité de la relance bilatérale.

 

Le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, est en visite à Alger aujourd’hui. Objectif affiché : concrétiser la feuille de route convenue lundi dernier entre le président Abdelmadjid Tebboune et son homologue français, Emmanuel Macron. Mais au-delà des dix points contenus dans cette feuille de route, deux dossiers sensibles, côté algérien, seront scrutés de près et serviront de test pour jauger la sincérité de l’engagement français dans la relance de cette relation bilatérale, historiquement instable et marquée par de fréquentes tensions. Il s’agit d’abord du dossier mémoriel, toujours aussi délicat, puis du soutien promis par Paris à l’Algérie dans la renégociation de l’accord d’association avec l’Union européenne. Ces deux points seront de véritables indicateurs de la volonté politique française de sortir du cycle des promesses sans suite.

 

Une feuille de route ambitieuse

Le réchauffement entre Alger et Paris se précise. Trois jours après l’échange téléphonique du 31 mars entre les présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron, les deux capitales tentent de transformer les intentions affichées en engagements concrets. La feuille de route convenue à cette occasion prévoit une reprise immédiate du dialogue sur les questions mémorielles, l’instauration d’une relation égalitaire fondée sur le respect mutuel, la relance de la coopération sécuritaire, judiciaire et migratoire, ainsi qu’un appui explicite de la France à la renégociation de l’accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne, mais également une demande formulée par le président Macron, invitant son homologue algérien à accorder une grâce présidentielle à l’écrivain Boualem Sansal, ainsi que l’organisation d’une «réunion prochaine» entre les présidents algérien et français.

Dans cette dynamique, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, effectue une visite officielle à Alger aujourd’hui, à l’invitation de son homologue algérien, Ahmed Attaf. Une visite qui s’inscrit dans le prolongement direct de l’appel présidentiel et qui vise à définir les modalités précises de mise en œuvre de ladite feuille de route, son calendrier et les leviers politiques mobilisables.

Dans l’entretien téléphonique préparatoire, tenu le 3 avril entre MM. Barrot et Attaf, les deux ministres ont passé en revue les points que les présidents Tebboune et Macron ont demandé de traiter en priorité. Il s’agit notamment des différends ayant récemment perturbé la relation bilatérale, mais au-delà des déclarations de bonne volonté, deux dossiers en particulier serviront de test pour Alger afin d’évaluer la crédibilité de la relance promise. Le premier est celui de la mémoire, un sujet sensible sur lequel Alger estime que la partie française a, jusqu’ici, manqué de courage politique. Pour l’Algérie, il ne saurait y avoir de relation apaisée sans une approche claire, respectueuse et assumée de l’histoire coloniale. Cela passe par des gestes concrets visant à reconnaître la dimension tragique de la colonisation à tous les niveaux. Il est essentiel d’avancer, en parallèle, dans le processus de restitution des archives et celui des objets subtilisés, à l’image de ceux qui appartenaient aux résistants algériens du XIXe siècle, ainsi que de fournir la cartographie des essais nucléaires dans le Sud algérien et de procéder au nettoyage des sites contaminés.

Le second enjeu porte sur l’accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne, dont la renégociation est considérée comme prioritaire par Alger. Le volontarisme du président Macron, ayant «informé le président Tebboune du soutien de la France à la révision de l’accord de partenariat entre l’Algérie et l’Union européenne», sera perçu comme un véritable test de loyauté et de volonté sincère de bâtir une relation durable. Ce soutien revêt d’autant plus d’importance qu’il s’inscrit dans une dimension stratégique, compte tenu de la position prééminente de la France en Europe et de l’influence considérable qu’elle peut exercer dans ce processus.

 

La reprise du dialogue vue du côté français

Côté français, la visite de Jean-Noël Barrot a également été abordée lors du point de presse du Quai d’Orsay jeudi. Paris souhaite incarner la reprise du dialogue politique avec Alger et rendre opérationnelle la feuille de route conjointe. La diplomatie française met l’accent sur la nécessité de relancer immédiatement la coopération sécuritaire, de restaurer une coopération migratoire fluide et efficace, et de poursuivre les travaux de la commission mixte d’historiens, tout en réaffirmant l’importance des volets judiciaire et économique.

Ce déplacement ministériel est donc bien plus qu’un simple geste symbolique. Il constitue une épreuve de vérité. Car derrière les communiqués apaisants, c’est la capacité des deux Etats à dépasser les blocages récurrents qui sera scrutée de près.