Au lendemain de ses déclarations sur Sky News Arabia, chaîne de télévision émiratie, dans lesquelles il affirmait que l’Amazighité était un «projet franco-sioniste», l’historien Mohamed Amine Belghit a été interpellé et placé en garde à vue à Alger.
Le tribunal de Dar El-Beida a annoncé, dans un communiqué publié hier, l’ouverture de poursuites à son encontre pour des propos jugés attentatoires à l’unité nationale. «Ces déclarations constituent une violation des principes fondamentaux de la société algérienne, consacrés par la Constitution, et une atteinte flagrante à une composante essentielle de l’identité nationale, ainsi qu’à l’unité du pays et aux symboles de la Nation», précise le communiqué.
Après la diffusion de l’extrait vidéo sur les réseaux sociaux, soit le 1er mai, le parquet de Dar El-Beida a ordonné l’ouverture d’une enquête préliminaire et l’arrestation de l’intéressé. Deux jours plus tard, le mis en cause a été présenté devant le Parquet, qui a engagé des poursuites judiciaires pour «crime d’atteinte à l’unité nationale», «atteinte à l’intégrité de l’unité nationale» et «diffusion de discours de haine et de discrimination via les technologies de l’information et de la communication». À l’issue de son audition par le juge d’instruction, Mohamed Amine Belghit a été placé en détention provisoire.
Le grave dérapage de l’historien, qui remonte au 28 avril dernier, a suscité une vive indignation parmi les Algériens, qui ont largement réagi sur les réseaux sociaux pour exprimer leur rejet et leur colère face à de tels propos. Beaucoup se sont également interrogés sur les intentions réelles de l’historien, dénonçant une lecture falsifiée de l’Histoire et s’interrogeant sur l’agenda qu’il semble servir, d’autant plus qu’il a choisi de tenir de tels propos sur une chaîne de télévision appartenant à un pays notoirement critique à l’égard de l’Algérie. D’autres, taquins, se sont amusés à déterrer d’anciennes vidéos dans lesquelles ledit Mohamed Belghit proclamait des origines amazighes.
Dans un commentaire diffusé à l’antenne, la télévision algérienne a également réagi, en fustigeant, à la fois, les Émirats arabes unis, qualifiés de «petit État», qui se transforme en «fabrique de discorde», et Mohamed Belghit, qu’elle a décrit comme une «personne à l’âme malade, errant dans le souk de l’idéologie historique».
Le HCA dénonce le discours de haine
De son côté, le Haut-commissariat à l’amazighité (HCA) s’est fendu hier d’un communiqué dans lequel a dénoncé avec fermeté les discours de haine visant la composante amazighe de l’identité algérienne, diffusés récemment par une chaîne de télévision émiratie. Il affirme que ces attaques, même organisées, ne pourront remettre en cause l’unité du peuple algérien, fondée sur une identité commune consacrée par la Constitution.
Le HCA rappelle que l’Arabe et l’Amazigh sont des langues officielles, symboles d’une richesse historique, et appelle à une application stricte des lois contre les discours de haine, qu’il considère comme des menaces à la sécurité nationale et à la cohésion sociale. «Alors que l’Algérie est confrontée à des défis régionaux et internationaux complexes, certaines voix isolées persistent, en vain, à tenter de saper la cohésion de son tissu national, en véhiculant des discours de haine et en attaquant à un des piliers essentiels de son identité profonde, la composante amazighe», a d’abord constaté le HCA. Avant de rassurer que «ces manœuvres, aussi organisées ou financées soient-elles, se heurtent à une réalité indiscutable : l’Algérie est un Etat uni avec un peuple riche de sa diversité, rassemblé autour d’une identité commune, consacrée avec clarté et fermeté par la Constitution du pays».
Le même ton de fermeté a été tenu par le Front des Forces Socialistes, à travers un discours prononcé, hier à Ouargla, par son premier secrétaire national, Youssef Aouchiche, pour lequel la remise en cause de l’identité constitue un crime et une trahison suprême «qui ne sauraient faire l’objet d’aucune indulgence, en particulier dans le contexte régional et international actuel, d’une extrême sensibilité et gravité que traverse notre pays».
Le FFS exprime son inquiétude
Le FFS a exprimé son inquiétude face à la montée des discours de haine et de division entre les enfants d’une même nation. «Ces discours déviants et déclarations toxiques, émanant de pseudo-intellectuels et pseudo-académiciens, visent insidieusement à remettre en cause les constantes nationales et les éléments constitutifs de l’identité algérienne. Ils cherchent à déstabiliser la cohésion et l’harmonie de la société algérienne, à compromettre la sécurité, la stabilité et l’unité du pays», estime le parti socialiste pour lequel «ces comportements attentatoires aux fondements constitutionnels de la Nation ne peuvent être assimilés à de la liberté d’expression. Ils constituent bel et bien un crime caractérisé et une haute trahison, d’autant plus grave dans la conjoncture actuelle».
Le FFS qui appelle les autorités à sanctionner leurs auteurs conformément aux lois de la République, affirme qu’attaquer l’identité nationale revient à porter atteinte à la souveraineté du pays, les deux relevant du même projet de déstabilisation. Le parti insiste sur la richesse de la diversité algérienne -culturelle, humaine et naturelle- qu’il considère comme un levier de renaissance. Pour lui, cette diversité doit s’incarner dans une «personnalité algérienne authentique», indépendante de toute influence étrangère, fondée sur l’Islam, l’Amazighité, l’Arabité et la modernité, dans le respect de la démocratie et des valeurs historiques de Novembre 1954.
S.Ould Ali