Non-respect des délais : Aoun instaure une nouvelle règle

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Aoun: La facture d'importation réduite de 68 millions d'euros

Par Wafia Sifouane

Les deadlines repoussées à chaque fois et les délais qui s’étirent sur des durées indéterminées sont devenus de véritables tares pour l’économie algérienne, à tel point que même le chef de l’Etat a fait savoir son mécontentement à ce sujet lors du dernier conseil des ministres.

Le secteur de l’industrie pharmaceutique n’a pas été épargné par ce fléau, malgré le fait qu’il impacte directement la santé publique.

C’est pour cela que le ministre Ali Aoun, conscient de l’importance de son secteur, n’hésite pas à hausser le ton face à ses partenaires économiques.

Laboratoires étrangers, multinationales ou producteurs locaux, le ministre n’épargne personne avec ces remarques bien ciblées et des instructions bien précises, notamment en ce qui concerne le respect des délais de production et d’importation, et c’est d’ailleurs le laboratoire Novapharm qui a en fait les frais dernièrement lors de la visite du ministre à son unité de production jeudi dernier.

Constatant que la production des bandelettes, produit sous tension actuellement sur le marché, n’a pas encore été lancé malgré la disponibilité des appareils, Aoun a fixé une deadline pour le producteur algérien en le sommant de démarrer la production dès le mois de juin.

«Nous sommes entrés aujourd’hui dans une nouvelle phase où celui qui ne respecte pas ses engagements se verra retirer l’agrément. On ne peut plus compter sur des investissements hypothétiques et continuer de rêver. Maintenant, il nous faut du concret. Vous avez eu l’agrément, même s’il est provisoire il vous permet de démarrer», a déclaré le ministre.

Une annonce qui intervient juste après la mise en garde qu’avait adressée le ministre ultérieurement au laboratoire Biothéra chez lequel la tutelle avait relevé le non-respect des quantités produites mensuellement en ce qui concerne les collyres.

Désormais bien décidé à sévir, Ali Aoun, qui privilégie la production locale à l’importation, a même proposé à Merck, partenaire des laboratoires Novapharm, de lancer sa propre unité de production ici en Algérie et mettre un terme à l’importation de ses produits pharmaceutiques.

«Ceci n’est pas une mise en garde mais un souhait de vous voir investir en Algérie, que cela soit de façon directe ou par le biais d’un partenariat, car vous ne pouvez plus continuer ainsi… J’ai bien vu vos investissements en Egypte et autres pays où vos marchés sont moins importants qu’en Algérie», a-t-il lancé aux responsables.

Cette rigueur, Aoun ne l’exige pas qu’au niveau des délais, il l’a veut aussi dans la gestion. En effet, le ministre a fait preuve de la même détermination lors de sa visite à l’unité de production de Saidal située à Cherchell, jeudi dernier.

Une visite qui a été marquée par les propos durs du ministre qui s’est dit «profondément déçu» de la gestion de l’entreprise nationale, en promettant de procéder à un véritable ménage à partir de cette semaine.

Stupéfait par le laxisme dont font preuve les responsables du groupe pharmaceutique national, Aoun et pour «non-respect de ces délais, et non-application de directives ministérielles», a annoncé «des mesures punitives dans les prochains jours contre les responsables de Saidal, qui n’ont pas tenu compte de leurs obligations et responsabilités, particulièrement pour ce qui est relatif aux bilan et inventaire sur le stock disponible et l’état de la commercialisation, censé être actualisé sur la plateforme numérique du ministère».

«Papa Noël à Saidal»

Estimant qu’«il est temps de laisser les postes à ceux qui les méritent», Aoun a relevé la distribution de gros salaires à des personnes qui n’ont fait preuve d’aucune efficacité au sein de l’entreprise.

«Papa Noël est à Saidal, il faut que cela s’arrête», a-t-il ordonné a la directrice générale Fettouma Akkassoum. Dans ce sens, il a exigé l’instauration de contrats de performance avec l’ensemble de ses collaborateurs pour éviter de dilapider encore plus d’argent.

«Celui qui n’est pas performant partira», a-t-il dit. Accusant cette dernière de «mensonges» concernant l’état des stocks, le ministre s’est montré particulièrement remonté contre elle.

Rappelant aux responsables que Saidal ne bénéficiera d’aucun traitement de faveur, il a tenu à souligner que «Saidal n’est pas un électron libre» et sera sanctionnée a l’instar des laboratoires privés.

Un énième rappel à l’ordre qui précédera sans doute une avalanche de licenciements au sein du groupe pharmaceutique.

Le marché du «cabas» coûte 250 M€ en Algérie : Le ministre promet une lutte «sans pitié» contre les pratiques frauduleuses

A la tête d’un secteur où les pratiques illicites ont longtemps été pratiquées, le ministre de l’industrie pharmaceutique, Ali Aoun, mène désormais une véritable guerre pour mettre un terme au diktat des lobbys qui sévissent depuis des années mais aussi certaines pratiques frauduleuses qui mettent la santé publique en danger.

C’est le cas pour les médicaments contrefaits et importés de manière illicite en Algérie ou plus communément connu sous l’appellation «cabas».

«Le secteur est miné de partout, il y a le médicament, le cabas, les gens qui transfèrent les médicaments à l’étranger et l’échange contre la prégabaline… mais nous sommes en train d’agir, des coupables ont été arrêtés, vous ne verrez plus les produits cabas», affirme Ali Aoun en précisant que 15 personnes ont été inculpées pour l’affaire de transfert de médicaments à l’étranger.

«Nous avons arrêté 15 accusés dont des pharmaciens et des grossistes qui risquent gros… Nous sommes en train de suivre ces affaires de très près», a-t-il souligné.

Cependant, le ministre n’a pas manqué de dire son mécontentement face à l’absence de la culture de dénonciation chez les Algériens.

«Pour les médicaments cabas, tout le monde a été témoin de leur commercialisation sur les réseaux sociaux, mais personne n’a dénoncé. Il a suffi que le ministre de l’Industrie pharmaceutique parle pour mener la guerre alors que cela dure depuis 2017», a-t-il fait savoir, en ajoutant : «Le marché du cabas coûte 250 millions d’euros à l’Algérie et il faut savoir qu’il s’agit de médicaments contrefaits, c’est du poison.»

Concernant les compléments alimentaires dont la commercialisation a aussi beaucoup contrarié le ministre, celui-ci a indiqué que son marché s’élève à 500 millions d’euros en Algérie !

Sur ce point, Aoun a réitéré son engagement à mettre un terme non seulement au «cabas» mais aussi à toutes ces pratiques illicites, à l’instar de la vente concomitante et spéculation en soulignant qu’il sera «sans pitié».