Noureddine Tabrha expose «Tifawine» à la galerie Hala

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Par Latifa Abada

Des œuvres aux couleurs vives, des lignes audacieuses et aux contrastes prononcés, signées Noureddine Tabrha, sont actuellement exposées à la galerie Hala. Des peintures et sculptures témoignent de l’univers éclectique de l’artiste. Baptisée Tifawine, terme amazigh signifiant «lumières», cette nouvelle exposition est un voyage dans l’univers singulier de Noureddine Tabrha.

Originaire de Biskra, précisément de Tadjmout, Noureddine Tabrha est un artiste peintre et sculpteur qui n’hésite pas à bousculer les codes dans sa pratique artistique. Dans cette nouvelle série d’œuvres, il démontre l’étendue de ses inspirations : art africain, usage des symboles identitaires et les légendes populaires.

«J’expose plus de 80 œuvres et la majorité sont issues de ma dernière collection réalisée en 5 ans. Je l’ai nommé ‘‘Tifawine’’ car je trouve que les couleurs donnent un éclat particulier aux tableaux. Ce sont des œuvres engagées à travers lesquelles j’interroge la matière, et je démontre la valeur esthétique des détritus», décrit l’artiste.

Noureddine Tabrha estime que les grands mouvements artistiques nous enseignent la pratique de l’art, mais l’expression artistique doit émaner de soi. «Ingres nous a appris l’anatomie, Rembrandt l’éclairage, et bien d’autres ont mis au point des techniques extraordinaires. L’artiste peut s’imprégner de ces enseignements mais ne doit pas ignorer sa propre expression artistique. Ces dernières années, j’accorde une grande importance à la matière en fin de vie que le visiteur va découvrir dans chacune de mes créations».

Dans la pratique artistique de Noureddine Tabrha, les arts populaires sont fortement représentés. L’artiste a indiqué qu’il a longuement étudié les symboles pour pouvoir les appliquer dans des œuvres contemporaines. Ces arts tels que le tissage, la poterie, la céramique, ou encore la dinanderie, emploient des techniques et des symboles qu’il faut connaître pour ne pas les dénaturer dans un travail contemporain.

Parmi les œuvres exposées, une série appelée «Essence de l’âme» qui s’inspire des ardoises coraniques utilisées autrefois dans l’apprentissage du Coran. Cette plaque de bois de forme rectangulaire s’appelle Luha, l’étudiant écrit dessus avec un Calam qu’il trempe dans un encrier.

Cet objet ancré dans la culture musulmane est majestueusement mis en valeur par Noureddine Tabrha. L’écriture coranique est remplacée par des symboles esthétiques sans origine particulière. Les symboles employés ont des valeurs esthétiques. Je les peins au gré de mon inspiration», souligne l’artiste.

 

Une belle maîtrise du recup’art

Devant une de ses œuvres, Noureddine Tabrha confie qu’il a utilisé le platine, l’aluminium, le cuivre et repoussé le tout sur une toile peinte. Ces matières, l’artiste les a récupérées et leur a donné une seconde vie.

«Dans ce tableau, vous remarquerez ce bout de cuivre qui rappelle les formes géométriques du plateau traditionnel qu’on appelle Sinya. Derrière ce petit morceau de matière, il y a tout un art, celui de la dinanderie», décrit l’artiste.

Cette technique de récupération et de réutilisation des objets dans la pratique artistique ne se limite pas à la matière. On y trouve des objets du quotidien comme le récipient appelé el Gas3a que l’artiste a peint et sculpté en intégrant des éléments de l’art africain.

Le plus improbable, ce sont des sculptures à partir des os d’ovins et de bovins. Hautement esthétique, il est difficile d’imaginer qu’il s’agit de l’épaule d’un mouton. L’artiste explique que l’os subit plusieurs traitements avant d’être utilisé. Les ciselures et gravures très fines racontent des légendes populaires très anciennes.

«Autrefois, après le troisième jour de l’Aïd, on prenait l’os de l’épaule et on décryptait les ciselures sur l’os. Celles-ci inauguraient de bons et de mauvais présages comme des naissances dans la tribu, un hiver pluvieux ou encore la perte d’un membre de la famille. Toutes ces légendes sont un patrimoine immatériel que j’ai tenté de mettre en valeur à travers cette technique», explique-il.

Noureddine Tabrha termine la visite devant une toile en hommage aux grands peintres algériens. Son souhait : voir l’œuvre des grands artistes algériens et leur parcours exceptionnel enseigné au sein des écoles.

«C’est un travail modeste pour de grands maîtres. Cette toile rend hommage à Issiakhem, Khedda, Hakkar, Mesli, Khodja… A travers les couleurs, formes et symboles, je rends hommage aux différentes techniques de ces artistes», conclut-il.
L’exposition «Tifawine» se prolonge à la galerie Hala jusqu’au 4 mars.