Pain ordinaire : La baguette à 10 DA, est-ce rentable ?

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/Le prix de la baguette de pain ordinaire a connu une hausse en ce début d’année, pour se situer à hauteur de 15 DA. Bien que le prix fixé par vois réglementaire est de 8,50 DA, certains boulangers n’hésitent pas à afficher  ostensiblement ce nouveau prix -avec un poids réduit à 200 g- à l’entrée de leur boutiques, au grand dam des consommateurs qui s’estiment roulés dans la farine.

Ces derniers expliquent que la hausse du prix du pain se justifie par le prix prohibitif des intrants nécessaires à la fabrication du pain, en précisant qu’a moins d’un prix 15 DA, le pain n’est pas rentable. Parce que pour eux, sa fabrication coûterait déjà 12 DA avant sa sortie, comme le confirme le témoignage édifiant d’un boulanger  : «Je paie l’ouvrier à 8 millions de centimes par mois, les prix des ingrédients ont tous augmenté. Comment pourrais-je continuer à vendre la baguette au prix fixé par l’Etat ?» s’est-il interrogé. Et ce, avant de préciser : «L’ouvrier demande à être payé à 9 millions, en plus de son assurance qui est de 2,1 millions par trimestre. Les gens pensent que pour faire du pain, il faut juste de la farine et de l’eau, mais en réalité, il en faut beaucoup plus. Il faut assurer la levure, le sucre, l’huile, l’électricité, etc. C’est devenu un métier pénible que de préparer le pain. Et si cette situation perdure, ce métier va disparaitre. Et cela va faire fuir les gens à cause des problèmes qu’il recèle». 

C’est ce que soutient aussi l’association des commerçants, notamment l’UGCAA dont le secrétaire général estime que le prix de revient de la baguette de pain ordinaire est de 12 DA, selon une étude établie par les soins de cette organisation qui était sur la brèche depuis trois mois alors que s’était enclenché un mouvement des boulangers de tout l’Est du pays. L’Association des consommateurs reste partagée entre l’empathie pour les revendications légitimes des boulangers qu’elle estime légitime, et la colère induite par cette augmentation qui n’épargne plus aucun produit de large consommation.

A. R.

Hazab Benchohra, SG de l’Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA)

«Les boulangers n’en peuvent plus»

Les boulangers revendiquent la hausse du prix de la baguette de pain. En tant qu’organisation qui a suivi ce dossier par le passé, qu’est-ce qui a motivé de nouveau mouvement ?  

Tout d’abord, je dois dire qu’on vit dans pays doté d’institutions et des lois et nous en tant que commerçants, notre premier devoir est de respecter cet Etat et ses composantes. Ensuite, pour parler du boulanger, il faut dire aussi que ses droits sont bafoués depuis des années, et il ne peut continuer à pratiquer les prix actuels, parce que depuis 1996, il n’y a pas eu de révision des prix du pain. Or, il n’y a que la farine qui est subventionnée dans le pain, mais tout le reste  a augmenté : le smic, l’électricité, l’eau, la levure, les améliorants et même l’ouvrier est devenu rare. Les boulangers n’en peuvent plus. Ils ont tout supporté durant des années, mais, la goutte qui a fait déborder le vase, est qu’il y a eu trois hausses durant cette année.  

Où en est cette revendication ?

Pour nous, toute augmentation du prix doit être décidée par le Conseil des ministres, même pas par le ministre de la tutelle. On a  tenu des réunions au niveau du ministère du Commerce auquel on a soumis un dossier portant une étude complète sur nos revendications.

Peut-on connaitre quelques détails de cette étude, quel est prix de revient d’une baguette par exemple ?

Pour le boulanger, le prix de revient d’une baguette de pain se situe logiquement à 12 DA l’unitéetnous revendiquons de pouvoir la vendre à 15 DA. Donc, la vendre à 10 DA serait le faire à perte, sauf si on a recours à la fraude, à réduire le poids, cela nous ne le voulons pas pour nos commerçants. Nous n’aimerions pas avoir recours à la fraude mais,  prendre nos droits d’une manière licite et de faire des bénéfices.

Y-a-t-il des boulangers qui ont fermé boutique ? Confirmez-vous le chiffre de 13.000 qui a été avancé jusqu’ici ?

Il y a certes beaucoup de boulangers qui ont fermé un peu partout. Cela dit, nous en tant que syndicat, on est contre la fermeture ou la grève tant que l’Etat nous a promis de prendre en charge ce dossier. Je suis le secrétaire général de l’UGCAA mais, je ne connais pas le chiffre exact. Il y a  trois mois, un mouvement de protestation des boulangers a été déclenché à l’est du pays, et à partir duquel on a fait des études qu’on a transmises lors des réunions au niveau du ministre du Commerce. Actuellement le dossier est entre les mains du Premier ministre et on est en attente d’un signal pour la prise en charge nos revendications.

A. R.

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Mustapha Zebdi, président de l’Association des consommateurs (APOCE)

«Les revendications sont légitimes, mais…»

Il y a actuellement une montée au créneau des boulangers qui revendiquent une hausse du prix du pain. Quelles sont vos propositions que pour régler ce différend ?

Nos propositions ne datent pas d’aujourd’hui, mais de plusieurs annéeset consistent en la demande derévision du décret législatif relatif à la baguette de pain et de fixation de son prix. C’est un décret qui date d’un quart de siècle et qui n’est plus d’actualité. Le boulanger a tous les droits de revendiquer une marge de bénéfice correcte et qui peut préserver son pouvoir d’achat. Actuellement, on est en train de pousser ces boulangers  à frauder. Et c’est ce qui est en train de se passer. Soit, en diminuant le poids de la baguette ordinaire, soit en vendant un autre type de pain qui ne rentre pas dans le cadre du pain subventionné, c’est le pain spécial. Mais, nous sommes contre l’action qu’ils viennent d’entamer, celle d’imposer un prix qui n’est pas étudié, et bafoue toutes les lois de la République, et pour cela nous les appelons à solliciter qui de droit pour avoir leurs droits.

A votre avis, la baguette est-elle rentable à 10 DA ?

Selon les normes citées dans le décret exécutif, la baguette n’est pas rentable au prix de 10 DA. Nous avons déjà fait des études au préalable, qui datent de plusieurs années pour estimer le coût de la baguette et qui était au dessus du prix réglementé. Il y a lieu de trouver d’autres mécanismes pour pouvoir garder le prix de la baguette à 10 DA et donner un gain supplémentaire aux boulangers. Il faut se mettre à table pour négocier la marge de bénéfice et le prix de vente avec les pouvoirs publics.

Et qu’en est-il du consommateur ? Comment préserver ses droits ?

Ce sont les lois de la République qui doivent préserver les droits des consommateurs. Actuellement, ces droits sont bafoués ; aux instances concernées d’intervenir. Les représentants des boulangers doivent trouver une solution avec les pouvoirs publics en nous impliquant bien évidemment car, nous avons une vision sur la question et que nous refusons qu’un prix soit imposé au consommateur. Il faut savoir qu’on est en train de parler du premier produit consommé en Algérie et le plus subventionné, donc, il a une importance capitale pour la préservation du pouvoir d’achat. Mais, défendre les intérêts du consommateur ne veut pas dire aussi bafouer les intérêts de l’opérateur, qui plus est un consommateur aussi.

A. R.