Un collectif de citoyennes algériennes composé de chercheuses, universitaires, artisanes, artistes et militantes associatives engagées dans la valorisation de la culture et la préservation du patrimoine vient de lancer une pétition appelant à rejeter la candidature du Maroc visant l’inscription du Caftan sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. À travers cette initiative, les signataires dénoncent une tentative d’appropriation culturelle.
Par Latifa Abada
«Nous avons appris avec étonnement le dépôt par le Maroc d’un dossier pour l’inscription du Caftan sur sa liste de patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Cette initiative officielle prouve, une nouvelle fois, l’entêtement de ce pays à vouloir faire reconnaître le Caftan comme un patrimoine exclusivement marocain» peut-on lire sur le communiqué.
Les initiateurs de cette pétition rappellent que l’Algérie a obtenu, en 2012, l’inscription sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, des « rites et savoir-faire associés à la tradition du costume féminin nuptial de Tlemcen » et du Grand Ouest du pays regroupant tous les vêtements féminins et parures portés lors de la cérémonie nuptiale. A ce titre, le port du Caftan soit « Lebset El Arftan » (selon la prononciation arabo-andalouse de la très ancienne cité de Tlemcen), figure dans ce dossier présenté par l’Algérie.
Faïza Riach, présidente de l’association Tourath Djazaïrna et signataire de la pétition, rappelle les origines algériennes du caftan.
« Nous connaissons bien l’histoire de notre patrimoine, et le Caftan y occupe une place largement documentée. On en trouve la trace dans la poésie de Sidi Lakhdar Ben Khlouf, un poète algérien du XVIᵉ siècle. Abderrazak Hamadouche l’évoque également dans son ouvrage Le Voyage au Hidjaz, et il est mentionné dans les chansons du répertoire de la musique andalouse. Le Caftan est algérien. À l’origine, c’était un vêtement masculin que les femmes algériennes ont su s’approprier », explique-t-elle.
Ajoutant que c’est dans ce même esprit de reconnaissance de son patrimoine que l’Algérie a déposé auprès de l’Unesco un dossier de candidature pour l’inscription du « Costume féminin de cérémonie dans le Grand Est algérien : Savoirs et savoir-faire liés à la confection et à la création de bijoux – Gandoura et Melhefa ». Une liste qui a été inscrite sur la Liste Représentative du Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité le 4 décembre à l’occasion de la dix-neuvième session du Comité intergouvernemental pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco qui s’est tenue à Asunción, République du Paraguay.
« Ce dossier contient également la broderie algérienne notamment le Tel et Medjboud. Des techniques proprement algériennes. Aujourd’hui avec plusieurs associations on a décidé de s’unir et de constituer un front contre ces tentatives de pillage et y mettre un terme définitivement. J’appelle donc toute les associations, historiens, journalistes, a nous rejoindre dans cette initiative » ajoute-elle.
Elle souligne également que le Maroc a déposé un dossier de classement du Melhoun en tant que forme d’expression poétique populaire exclusivement marocaine, alors qu’il s’agit, selon elle, d’un patrimoine algérien.
«Il existe un patrimoine commun qui devrait renforcer la cohésion entre les peuples. C’est dans cet esprit que l’Algérie a veillé à faire classer le couscous comme patrimoine collectif, ou encore l’Imzad avec le Mali et le Niger. Le Maroc, en revanche, comme il l’a fait avec le Melhoun, s’approprie ces éléments culturels en ignorant la participation d’autres communautés» précise Faïza Riach.
Ce dossier, qui met en lumière une tradition vestimentaire et artisanale exceptionnelle, témoignant de la richesse du patrimoine culturel féminin algérien, comprend une liste exhaustive de costumes emblématiques tels que la Gandoura, le Caftan, et la Melhefa. Il englobe également les bijoux traditionnels qui accompagnent ces tenues, ainsi que les savoirs, les techniques et les savoir-faire artisanaux qui permettent leur création et leur confection.
«Nous, signataires, de cette pétition, estimons que le dossier présenté par le Maroc est une nouvelle tentative d’usurpation et d’appropriation illégale d’un patrimoine national, reconnu officiellement comme tel par l’Unesco» témoignent les signataires.
Ils estiment que la démarche marocaine est «une opération de pillage de grande envergure puisque le dossier qui a été présenté comporte, en plus du Caftan, d’autres éléments reconnus comme faisant partie du patrimoine de l’Algérie et de pays du bassin méditerranéen».
Dans l’objectif de protection et de défense de cette tradition vestimentaire et de ses savoir-faire ancestraux, ils demandent à l’Unesco de retirer le dossier du Maroc et de le déclarer inéligible.