Par R. Akli
Le gouverneur de la Banque d’Algérie (BA), Salah-Eddine Taleb, a plaidé vendredi à Washington (Etats-Unis) aux réunions du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale (BM), en faveur un ordre économique mondial plus équilibré et plus juste, dans le respect des principes et règles du multilatéralisme et du libre-échange, dans un contexte d’incertitudes économiques et géopolitiques exacerbées par une guerre de barrières douanières et non-douanières qui fait peser d’énormes risques au commerce et à l’économie mondiaux. Dans une allocution prononcée lors de sa participation à la 51e réunion du Comité monétaire et financier international (CMFI) au nom des pays de la circonscription du FMI dont relève l’Algérie, le gouverneur de la BA a ainsi appelé les instances du Fonds à défendre le multilatéralisme et le libre-échange, rapporte l’agence APS. Face à un climat mondial «hautement incertain et chargé de risques, nous attendons du FMI qu’il demeure – comme il l’a toujours été – un ardent défenseur du libre-échange et une voix forte en faveur du multilatéralisme», a-t-il fait valoir. Alors que l’économie de la planète «s’orientait vers un atterrissage en douceur à la suite des crises récentes et que la désinflation globale semblait progresser de manière maîtrisée, ces évolutions sont aujourd’hui mises en péril et nous assistons, à un rythme que l’on n’aurait pas cru possible il y a encore quelques mois, au démantèlement du multilatéralisme tel que nous l’avons connu et encouragé depuis des décennies», a déploré le gouverneur de la BA. Selon lui, l’économie mondiale se trouve ainsi devant «un tournant critique et dans un état de mutation profonde», avec un niveau exceptionnellement élevé d’incertitude entourant les politiques économiques, en conséquence aux restrictions commerciales massives et aux mesures de rétorsion qui en ont découlé, par le fait des principales économies de la planète, historiquement moteurs de la croissance mondiale.
Accentuation des clivages géoéconomiques
«Il n’existe aucun gagnant dans cette course vers le bas que constitue la guerre commerciale en cours, laquelle ne fait qu’accentuer les clivages géoéconomiques et géopolitiques mondiaux», a tranché le premier responsable de l’autorité monétaire et bancaire algérienne, en estimant que le système commercial multilatéral «fondé sur des règles» claires, avait bénéficié à tout le monde. Pour la région Moyen-Orient, Afrique du Nord, Afghanistan et Pakistan (MOANAP), dont relève l’Algérie selon les subdivisions régionales du FMI, l’impact de la guerre commerciale en cours, a soutenu le gouverneur, se fera globalement ressentir par une baisse de la demande extérieure en biens et services, ainsi qu’un durcissement des conditions financières mondiales, affectant notamment les emprunteurs importants de la région. Pour les pays exportateurs de pétrole et de gaz, a-t-il ajouté, «une production pétrolière qui demeurera probablement modérée dans un contexte de volatilité des marchés internationaux, devrait être partiellement compensée par la vigueur du secteur non pétrolier, permettant ainsi de soutenir la dynamique de croissance». Aussi, tout en réaffirmant l’attachement des pays de la circonscription qu’il représente, «à un FMI solide, reposant sur un système de quotes-parts, disposant de ressources adéquates et occupant un rôle central au sein du réseau mondial de sécurité financière», Taleb n’a pas manqué de faire part de sa conviction quant à la capacité du Fonds à demeurer «une institution représentative, attachée à un traitement équitable et impartial de l’ensemble de ses membres, quel que soit le sujet abordé ou la dimension considérée». A souligner que malgré l’annonce récente par la président Trump d’une trêve tarifaire de 90 jours pour la plupart des pays ciblés, l’image de son tableau de surtaxes douanières, exhibé début avril dernier, continue de hanter les économies et les marchés financiers mondiaux, plombant ainsi les perceptives de croissance mondiale déjà fragiles et menaçant d’un retour d’une inflation généralisée sur fond de guerre commerciale, voire de monnaies, entre les deux locomotives économiques de la planète que sont les Etats-Unis et la Chine. Une guerre qui ne manque pas, au demeurant, de remettre à l’ordre du jour la question d’une nécessaire remise à plat de l’ordre économique mondial et des architectures financière et commerciale internationales actuelles pour faire émerger les nouvelles bases d’un système multilatéral et multipolaire plus équitable et plus en phase avec les nouvelles forces émergentes et les nouvelles réalités économiques et géopolitiques régionales et internationales.