Pourquoi Tebboune n’ira pas à Paris

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/Ramtane Lamamra, ministre des Affaires étrangères et de la communauté à l’étranger, a annoncé hier que «l’Algérie sera présente à la  Conférence sur la Libye organisée vendredi à Paris, mais pas le président de la République Abdelmadjid Tebboune.»

«L’Algérie prendra part à cette conférence, mais pas au niveau du président de la République. Les conditions ne sont pas réunies pour que son excellence le président de la République participe personnellement à cette conférence, en dépit de son attachement (Président) au rôle actif de l’Algérie aux côtés des frères libyens ainsi qu’au règlement pacifique et démocratique souhaité de la question libyenne », a précisé M. Lamamra lors de la clôture des travaux de la Conférence des chefs de missions diplomatiques et consulaires algériennes au Palais des nations. Le chef de la diplomatie algérienne a tenu à préciser que la décision d’Alger de participer à cette conférence vient à la suite de l’insistance des Libyens sur la présence de l’Algérie. «On y va parce que nos frères libyen veulent qu’on y soit. Il y a eu beaucoup de discussions entre l’Algérie et la Libye ces dernières semaines, notamment lors de la visite de mon homologue El-Mengoush le 1er novembre dernier et celle du chef d’Etat major et le vice-président du Conseil Présidentiel libyen lundi dernier à Alger».

«L’Algérie ne prendra aucune initiative d’apaisement avec la France»

Ramtane Lamamra a, par ailleurs, rappelé la complexité des relations entre l’Algérie et la France de par les questions de la mémoire, de l’histoire, de la géographie et aussi du nombre important d’Algériens résidant en France auxquels l’Algérie accorde une importance particulière. «Les relations algéro-françaises sont aussi très complexes à cause de la politique algérienne souveraine qui, comme vous le savez, n’accepte aucune immixtion étrangère et qui n’est influencée par aucun pays quel que soit son poids dans le monde. Ceci est un principe sacré», indique le ministre des AE. Sur les raisons de la crise entre Paris et Alger, le conférencier a rappelé la gravité des propos de Macron tout en soulignant la réponse forte et effective de Tebboune. «Comme l’a si bien dit le président, l’Algérie n’a pas provoqué cette crise, raison pour laquelle, on a décidé de ne prendre aucune initiative pour atténuer la tension qui caractérise les relations bilatérales avec le France», rajoute Lamamra.

«Les propos raisonnables de l’Elysée sont contraires à ceux tenus par Macron auparavant» 

Pour conclure, Ramtane Lamamra a commenté les dernières annonces de l’Elysée dans lesquels on faisait part du souhait de Macron de voir le Président Tebboune participer en personne à cette conférence «car pour lui, l’Algérie est un acteur majeur dans la région». Le président Macron dit aussi à travers son conseiller «qu’il regrette les polémiques et les malentendus engendrés». «Comme vous l’avez constaté hier, les déclarations de l’Elysée sont contraires à celles qui ont provoqué cette crise, du fait que ces dernières respectent l’Algérie, son histoire, son présent et son passé. Ces derniers propos respectent aussi la souveraineté de notre pays. L’Elysée reconnait par ailleurs le rôle central et principal de l’Algérie dans la région», dira Lamamra avant d’annoncer que tout ça (l’insistance des Libyens et les dernières déclarations de l’Elysée) a amené l’Etat algérien à participer à la conférence de Paris. «Mais les conditions ne sont pas suffisantes pour que le président y participe en personne» annonce Lamamra arborant un large sourire.

24h après, Moussa Darmanin rouvre les dossiers qui fâchent ! 

Cette contradiction entre les derniers propos de Macron à l’encontre de l’Algérie et les tentatives d’apaisement lancées par l’Elysée, relevée par Lamamra hier, a été traduite par la sortie peu surprenante de Gérald Moussa Darmanin hier sur la radio française Europe1. Le ministre français de l’Intérieur est en effet revenu sur la décision de Macron de réduire de 50% le nombre de visas octroyés aux Algériens et aussi sur la question de l’extradition de «délinquants». «Si je prends l’Algérie comme exemple, depuis la décision de septembre-octobre, cela fait 12.609 visas acceptés et 11.867 refusés, soit moitié-moitié…», dira Darmanin qui poursuit à propos de la liste des expulsés de France vers leur pays d’origine. «Là où on a du mal à le faire, c’est quand des pays remettent en cause le fait qu’une personne est certes de telle nationalité, mais a un enfant en France. C’est une question complexe et c’est ça qui est difficile. Derrière, il y a évidemment des familles et des personnes. C’est la position de l’Algérie par exemple».

Macron torpillé par sa droite ?  

La question qui se pose est de savoir pourquoi Darmanin, ministre de l’Intérieur de Macron, ouvre un dossier aussi sensible que complexe, le lendemain de la tentative d’apaisement des relations bilatérales entre les deux pays par l’Elysée ? Il faut savoir que Darmanin est un républicain de droite. Il est très proche de Xavier Bertrand, mais il l’est encore plus de Nicolas Sarkozy, dont il fut un des fidèles disciples. D’ailleurs, Abdelmadjid Tebboune, lors de sa dernière rencontre avec les médias algériens, avait établi le lien entre la doctrine «sarkoziste» et le ministre français. Le Président algérien s’est même étonné du changement brutal du discours de Macron sur l’Algérie. Pour revenir à notre interrogation, celle-ci peut être expliquée de deux manières. Ou le président français se fait torpiller par l’aile droite de sa coalition gouvernementale. Sinon, -et c’est l’explication la plus probable- il s’agit d’une stratégie électorale réfléchie et voulue par Macron et son équipe. Un partage de rôles entre les différents courants du gouvernement Macron. L’Elysée demandant des excuses publiques à l’adresse d’Alger en vue d’apaiser les tensions et la Place Beauvau se chargeant de contenir  l’aile droite de l’électorat de Macron à six mois de la présidentielle. Dans les deux cas, Alger a su décrypter l’ensemble des signaux émis par Paris. Conclusion, Tebboune ne participera pas à la conférence sur la Libye.    

O. B.

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