/Depuis le début du mois de ramadan, il ne se passe pas une journée sans qu’une nouvelle polémique sur les programmes télévisés ne fasse son apparition.
En effet, depuis la suspension de la production algéro-tunisienne Hob El Moulouk par la chaine qui la diffuse sur ordre de l’Autorité de régulation de l’audiovisuel, de nombreux programmes ont été dénoncés par des internautes non pas pour la qualité des contenus mais pour des raisons plus ou moins surprenantes qui en disent long sur l’état d’esprit du spectateur algérien.
Une sitcom déclenche la colère des pharmaciens
Hier encore, c’est la sitcom «le Pharmacien» diffusée sur la chaine nationale qui en a fait les frais et c’est le Conseil national de l’ordre des pharmaciens (CNOP) ainsi que le Syndicat national des pharmaciens d’officine (SNAPO) qui ont décidé de réagir face à cette production audiovisuelle. Diffusé depuis peu sur l’ENTV, cette sitcom qui met en scène les péripéties d’un jeune pharmacien tout en humour a été considéré comme «une insulte à la profession et humiliation à l’exercice» par le CNOP et le SNAPO. Pis encore, ces organisations ont annoncé leur intention de saisir l’ARAV pour interdire la diffusion de la production. Si la réaction de ses représentations a semblé légitime aux yeux de la profession, les internautes l’ont jugé plus ou moins surdimensionnée du fait qu’il s’agit d’une fiction.
Samira TV, une scène qui ne passe pas
Chaine préférée des ménages algériens, Samira TV, spécialisée dans le cuisine et lifestyle, n’a pas échappé aux foudres des internautes, et pour cause, une scène jugée choquante et raciste relevée dans son émission phare Tourath Bladi, diffusée à l’occasion du mois sacrée. Dans un décor des Mille et une nuits, cette émission met en scène un groupe de femmes évoquant les us et coutumes algériennes. Parmi elles, on retrouve la comédienne Bahia Rachedi qui a elle-même été au cœur d’un gros bad buzz à cause de déclarations machistes dans cette même émission. Cette fois, ce n’est pas les propos de ces dames qui ont suscité la controverse mais les images montrant un jeune homme de couleur issu du sud leur servir du thé. Si au premier abord, ces images ont semblé anodines pour certains du fait que le thé est la spécialité du sud algérien, d’autres n’ont pas hésité à crier au scandale et dénoncer un véritable racisme. C’est le cas de la cinéaste algérienne Sofia Djama, première à avoir donné l’alerte avant d’être suivie par de nombreux journalistes et intellectuels.
Des séries osées qui ne font pas l’unanimité
Acteur controversé, Mohamed Khassani, jeune artiste aux multiples facettes n’a cessé de provoquer les polémiques, et cela, dès ses débuts sur scène lors de ses premiers stand-up. On l’a connu ensuite comme personne phare de l’émission satirique Jornane El Gosto mais aussi dans son rôle de Fatiha dans un talkshow diffusé sur une chaine privée algérienne. Critiqué pour son franc-parler mais aussi sa capacité à briser tous les tabous, «il n’hésite pas à se travestir en femme sur les plateaux TV». Khassani dérange et c’est ce qui s’est confirmé encore une fois avec la diffusion de la sitcom «fe 90» dans laquelle il campe le rôle de Hamid, un personnage principal aux mœurs légères qui n’a d’yeux que pour les femmes. Même s’il s’est habitué aux différentes campanes de haine et de dénigrements lancées contre lui au fil des années, Khassani a carrément fait face à des menaces de mort sur les réseaux sociaux de la part d’intégristes. En effet, bien que la décennie noire soit bien derrière nous, les pensées obscurantistes, elles, sont bien présentes comme en témoignent aussi les critiques dont fait l’objet le feuilleton Babour Ellouh réalisé par le Tunisien Nasreddine Sehili à qui l’on doit la série à grand succès «Ouled Lahlal». Destiné d’abord à une plateforme de diffusion à la Netflix nommée Yara, Babour Ellouh a quand même fait l’objet de censure de certaines scènes de la part de la chaine télé qui le diffuse actuellement. Cela ne l’a quand même pas empêché de susciter l’indignation de certains qui dénoncent une atteinte aux valeurs de la société algérienne.
Mouzahem dénonce la monopolisation du prime time
Réalisateur de talent à qui l’on doit de nombreux longs métrages mais aussi la série à succès Timoucha, Yahia Mouzahem estime que la raison derrière toutes ces polémiques n’est autre qu’un problème de programmation. Dénonçant une véritable monopolisation du prime time télévisé par certains individus depuis des années, le réalisateur a déploré le fait de voir «des productions censées être diffusés à 13h passer en plein prime-time». «Je fais partie des réalisateurs qui sont interdits de prime time, ce n’est que lors de la crise sanitaire que j’ai pu travailler et présenter la série Timoucha non sans difficultés car j’ai dû faire face à une réduction de budget avant d’être obligé de revoir la durée de l’épisode à la baisse», raconte-t-il. Regrettant la qualité des productions télévisées qui passent à l’heure du grand audimat, le réalisateur a indiqué que «le prime time devrait être consacré à des productions audiovisuelles de qualité, que cela soit sur le plan artistique ou technique ; ces productions doivent répondre à des normes pour êtres programmées à des heures de grande affluence, or ce n’est pas le cas», dit-il.
W. S.