Par : Tarik Sebbah (Docteur en nutrition & pathologie)
Chaque année, des millions de musulmans à travers le monde observent le jeûne du Ramadhan, s’abstenant de manger et de boire de l’aube au coucher du soleil. Si cette pratique est avant tout spirituelle, elle suscite également un intérêt grandissant dans la communauté scientifique, notamment pour ses effets sur la santé. Parmi eux, l’impact du jeûne sur le système immunitaire se révèle particulièrement prometteur.
Un effet anti-inflammatoire naturel
Le jeûne du Ramadhan modifie en profondeur le métabolisme et la réponse immunitaire de l’organisme. L’un des premiers bénéfices observés concerne la régulation des cytokines, ces protéines qui orchestrent les réactions immunitaires.
Une étude publiée en 2023 dans la revue «Nature», menée par une collaboration entre plusieurs départements, dont le Department of Medical Laboratory Sciences de l’Université de Sharjah (Emirats arabes unis), le Department of Nutrition and Integrative Physiology de l’Université de l’Utah (Etats-Unis) et le Department of Nutrition de l’Université de Petra (Jordanie), montrent que le jeûne intermittent, comme celui pratiqué durant le Ramadhan, réduit la production de cytokines pro-inflammatoires, connues pour leur implication dans des maladies chroniques comme le diabète, l’arthrite et certaines pathologies cardio-vasculaires. En parallèle, il favorise la production de cytokines anti-inflammatoires, aidant ainsi à maintenir un équilibre immunitaire optimal.
De plus, le jeûne stimule l’activité des macrophages, ces cellules immunitaires chargées de détecter et d’éliminer les agents pathogènes. En renforçant ses défenses naturelles, l’organisme devient plus résistant aux infections et aux agressions extérieures.
Un microbiote intestinal renforcé
Le rôle du microbiote intestinal dans l’immunité est aujourd’hui bien établi : près de 70% des cellules immunitaires résident dans l’intestin, interagissant en permanence avec les bactéries qui composent notre flore intestinale.
Contrairement aux idées reçues, le jeûne ne fragilise pas le microbiote, bien au contraire. En permettant à l’intestin de se reposer et en limitant les excès alimentaires, il favorise la prolifération des bactéries bénéfiques et améliore la perméabilité intestinale. Cela signifie que l’organisme est mieux protégé contre les toxines et agents pathogènes qui pourraient traverser la barrière intestinale et déclencher des réactions inflammatoires.
Cependant, ces bénéfices sont étroitement liés aux choix alimentaires effectués avant et après le jeûne. Une rupture du jeûne basée sur des aliments ultra-transformés, riches en sucres et en mauvaises graisses, pourrait annuler ces effets positifs. A l’inverse, une alimentation équilibrée, intégrant des fibres, des acides gras essentiels (oméga-3) et des protéines de qualité, optimise la santé du microbiote et renforce les défenses immunitaires.
Un bouclier contre le stress oxydatif et le vieillissement cellulaire
Un autre avantage majeur du jeûne réside dans sa capacité à combattre le stress oxydatif, un processus responsable du vieillissement cellulaire et impliqué dans de nombreuses maladies inflammatoires. En limitant la production de radicaux libres et en stimulant les mécanismes antioxydants naturels du corps, le jeûne du Ramadhan agit comme un véritable protecteur cellulaire.
De plus, il active un phénomène fascinant : l’autophagie. Ce processus permet aux cellules d’éliminer leurs composants endommagés et de recycler leurs ressources, contribuant ainsi à la régénération des tissus. Une variante spécifique de l’autophagie, la xénophagie, joue même un rôle clé dans l’élimination des agents pathogènes, renforçant encore davantage l’immunité.
Comment maximiser ces bienfaits ?
Si les effets du Ramadhan sur l’immunité sont indéniables, ils peuvent être amplifiés par quelques ajustements alimentaires et comportementaux.
- Privilégier des aliments riches en nutriments essentiels : opter pour des repas à base de bonnes graisses (huile d’olive, fruits à coque), de légumes variés et de protéines de qualité permet de fournir à l’organisme les éléments nécessaires à une bonne immunité.
- Limiter les sucres raffinés et les aliments transformés : ces derniers favorisent l’inflammation et perturbent l’équilibre du microbiote intestinal.
- S’hydrater correctement : bien que l’eau soit interdite durant la journée, il est crucial de boire en quantité suffisante entre l’iftar et le s’hor afin d’éviter la déshydratation, qui pourrait affecter la fonction immunitaire.
- Gérer le sommeil : le manque de sommeil perturbe la production de mélatonine et affaiblit le système immunitaire. Un bon équilibre entre repos et temps d’éveil est donc essentiel.
Le Ramadhan : une cure naturelle pour l’immunité
Bien plus qu’une simple abstinence alimentaire, le jeûne du Ramadhan s’apparente à une véritable cure de régénération pour l’organisme. Ses effets anti-inflammatoires, son impact bénéfique sur le microbiote et sa capacité à lutter contre le stress oxydatif en font un puissant allié pour la santé.
Ainsi, loin d’être une contrainte pour le système immunitaire, le jeûne semble au contraire lui offrir une pause bénéfique, lui permettant de se renforcer et de mieux se défendre face aux agressions extérieures. Une pratique ancestrale qui, à la lumière des recherches modernes, s’impose comme une clé précieuse pour l’équilibre du corps et de l’esprit.