Par M. Mansour
Dans un monde bouleversé par l’essor de l’intelligence artificielle (IA), l’Algérie fait preuve de résilience. Le dernier rapport sur le développement humain 2025 du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), intitulé « Une question de choix : les individus et les possibilités à l’ère de l’IA », classe l’Algérie au 96e rang sur 193 pays, soit la première place en Afrique du Nord, devançant respectivement l’Égypte, la Tunisie, la Libye, le Maroc et la Mauritanie. Avec un Indice de Développement Humain (IDH) de 0,763 et des perspectives éducatives encourageantes, le pays intègre le groupe des nations à développement humain « élevé ».
Ce classement atteste de fondamentaux socio-économiques solides, fruit d’investissements constants dans la santé, l’éducation et la réduction des inégalités. Pourtant, cette trajectoire positive se heurte désormais à la nouvelle donne de la transformation numérique globale, tirée par l’intelligence artificielle. L’enjeu n’est plus seulement de maintenir ces acquis, mais de les adapter à un monde en mutation accélérée. C’est pourquoi l’Algérie s’efforce depuis plusieurs années de s’inscrire dans la dynamique numérique mondiale, afin d’éviter le risque d’un déclassement silencieux.
Un leadership régional sous pression
Si les indicateurs traditionnels continuent de progresser, l’émergence de l’indicateur d’intégration des technologies avancées représente désormais un véritable défi. Dans ce contexte, le rapport du PNUD met en garde contre un phénomène préoccupant : la montée du « clivage algorithmique mondial ». Dans cette fracture numérique, seuls les pays disposant d’une souveraineté technologique pourront, selon le rapport, tirer parti des gains en matière de productivité, d’innovation et d’accès à la connaissance. L’Algérie, malgré son positionnement régional, se retrouve ainsi confrontée au choix stratégique de s’adapter ou de décrocher.
Sur ce plan, les efforts sont visibles mais encore insuffisants. L’État a multiplié les initiatives pour promouvoir les hautes études et les spécialités liées à l’IA, notamment par la création de structures spécialisées et des programmes de vulgarisation gratuits à destination des jeunes. Toutefois, le nombre de diplômés s’orientant vers des filières telles que l’intelligence artificielle, les sciences des données ou la cybersécurité reste insignifiant.
L’IA : levier de transformation ou vecteur d’inégalités ?
Au niveau global, le déséquilibre engendré par l’IA n’est pas uniquement d’ordre technique. Le rapport du PNUD insiste d’ailleurs sur une fracture plus profonde, aux dimensions politiques et sociétales. L’IA, loin d’être neutre, peut devenir un facteur de concentration du pouvoir entre les mains de quelques acteurs technocratiques ou économiques, souligne-t-on, ajoutant que l’intelligence artificielle peut devenir un outil de modernisation, mais également représenter un risque d’exclusion. Pour l’Algérie, le défi est donc double. Il s’agit, d’une part, de préserver les acquis humains et, d’autre part, de structurer un écosystème numérique autonome, capable non seulement d’intégrer, mais aussi de produire et de réguler les technologies liées à l’intelligence artificielle, dans une logique de souveraineté numérique.
La nécessité d’une réponse structurée
Consciente des risques d’un retard numérique, la communauté internationale à travers le PNUD, appelle à une réaction coordonnée des États. Quatre priorités s’imposent pour éviter toute forme de dépendance technologique. Il s’agit d’abord de renforcer massivement la formation aux compétences numériques, tout en développant l’esprit critique face aux technologies émergentes. Ensuite, la mise en place d’une gouvernance de l’IA transparente, fondée sur les droits humains et l’éthique, devient incontournable. Troisième levier : accroître l’ouverture et l’accessibilité des données locales, notamment dans les services publics. Enfin, le développement de pôles technologiques régionaux, en synergie avec d’autres pays, pour construire une autonomie numérique collective face aux grandes puissances technologiques.
Choisir pour ne pas subir
Dans ce cadre, l’Algérie ne part pas de zéro. Elle dispose d’atouts concrets : une jeunesse dynamique, une stabilité politique, des compétences qualifiées et une infrastructure numérique en pleine croissance. Mais ces bases, aussi prometteuses soient-elles, ne garantissent pas à elles seules une transition réussie. Ce sont les choix politiques et sociétaux qui feront la différence. L’IA n’est pas une fin en soi, elle pose la question du modèle de société que le pays souhaite construire.