Relations algéro-françaises : Tebboune dit ses quatre vérités

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Tebboune à l'Opinion

Par M. Mansour

Dans un entretien accordé au quotidien français «L’Opinion», le président Abdelmadjid Tebboune a abordé, avec lucidité et une grande fermeté, les tensions persistantes entre l’Algérie et la France. Interrogé sur presque tous les points de friction entre les deux pays, le chef de l’Etat a livré des réponses sans concession sur plusieurs dossiers déjà évoqués lors de précédentes interventions médiatiques, tout en dévoilant des éléments inédits sur lesquels il n’avait jusqu’alors jamais pris la parole.

Le chef de l’Etat a entamé l’entretien en offrant une analyse sans détour de l’état actuel des relations bilatérales, dénonçant les ingérences persistantes, les attaques répétées contre l’Algérie, ainsi que les décisions unilatérales du gouvernement français, en particulier en ce qui concerne le dossier du Sahara occidental. A ce sujet, il a prévenu son homologue français qu’il commettait «une grave erreur», alors que ce dernier s’apprêtait à reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, lui faisant savoir qu’il ne gagnerait rien. «Vous ne gagnerez rien et vous allez nous perdre», a-t-il ajouté

 

L’affaire Sansal, une manipulation grossière

Outre ce dossier sur lequel il s’est exprimé à diverses occasions, le président Tebboune a abordé l’affaire de l’écrivain Boualem Sansal, récemment naturalisé français et devenu le symbole d’une campagne orchestrée contre l’Algérie sous le prétexte de défendre les libertés. Le chef de l’Etat ne se laisse pas duper en affirmant que «Boualem Sansal n’est pas un problème algérien. C’est un problème pour ceux qui l’ont créé», soulignant ainsi que cette affaire porte les marques évidentes d’une instrumentalisation.

Il a poursuivi en mettant en évidence les connivences évidentes entre certaines élites françaises et les réseaux visant à affaiblir l’Algérie de l’intérieur. Boualem Sansal est aujourd’hui mis en avant comme une victime d’un régime autoritaire. Mais comme le souligne le Président, pourquoi cette affaire suscite-t-elle autant d’émoi, alors que d’autres binationaux n’ont jamais bénéficié d’un tel soutien ?

«C’est une affaire scabreuse visant à mobiliser contre l’Algérie», a souligné le président Tebboune, précisant que «Boualem Sansal est allé dîner chez Xavier Driencourt, l’ancien ambassadeur de France à Alger, juste avant son départ à Alger. Ce dernier est lui-même proche de Bruno Retailleau qu’il devait revoir à son retour».

 

Les manœuvres troubles des services français

Interrogé sur la visite en Algérie de Nicolas Lerner, directeur de la DGSE, le 13 janvier dernier, et les spéculations sur son objectif, que ce soit pour renouer le dialogue ou résoudre le contentieux lié à l’affaire Aïssaoui Mohamed Amine, alias «Abou Rayan», un ex-djihadiste algérien que la France aurait tenté d’utiliser pour comploter contre l’Algérie, M. Tebboune a clarifié que l’affaire «Abou Rayan» n’était qu’un épiphénomène. Il a expliqué que «ce dernier, un repenti, avait informé l’Algérie des tentatives de recrutement par la France, via un agent de la DGSE à l’ambassade de France à Alger», en soulignant que «la France a agi sans en avertir les autorités algériennes, ce qui a conduit à une vigilance accrue de la part de l’Algérie».

Le Président a en outre abordé les relations passées entre les services de renseignement algériens et français, en déclarant que «la coopération avec la DGSI avait cessé en raison des positions hostiles de certains responsables français, notamment Retailleau». En revanche, il a noté que «la DGSE, placée sous la tutelle du ministère des Armées, avait su maintenir une certaine distance».

 

L’illusion de l’aide au développement

Autre point où le chef de l’Etat démonte les faux-semblants français : l’aide au développement. A ce sujet, le président de la République ridiculise ces prétentions en exposant des chiffres implacables : «Cela relève d’une profonde méconnaissance de l’Algérie. C’est de l’ordre de 20 à 30 millions d’euros par an. Le budget de l’Etat algérien est de 130 milliards de dollars et nous n’avons pas de dette extérieure.»

Pour appuyer ses propos, il a rappelé que l’Algérie finance chaque année 6000 bourses pour des étudiants africains souhaitant venir étudier dans le pays, ainsi qu’une route de plus d’un milliard de dollars reliant l’Algérie à la Mauritanie. «Nous venons d’effacer 1,4 milliard de dollars de dettes pour douze pays africains. Nous n’avons pas besoin de cet argent, qui sert avant tout les intérêts d’influence extérieure de la France», a-t-il déclaré.

 

Une relation à reconstruire sur de nouvelles bases

Après avoir dressé un tableau peu flatteur des relations entre l’Algérie et la France, exacerbées par une extrême droite, héritière de l’OAS et adepte du rapport de force, le président Tebboune a toutefois tendu une main prudente, soulignant la nécessité de restaurer un dialogue fondé sur le respect mutuel. Cependant, cela nécessite que la France abandonne ses postures néocoloniales et revoie son approche vis-à-vis de l’Algérie. Dans ce contexte, il a cité des personnalités françaises telles que Jean-Pierre Chevènement, Jean-Pierre Raffarin, Ségolène Royal et Dominique de Villepin, qui incarnaient une politique étrangère plus équilibrée et respectueuse. Il a également appelé à un sursaut de la classe politique française, exhortant celle-ci à ne pas laisser les extrémistes et les partisans d’une guerre idéologique dicter la direction à suivre.