Dans un communiqué rendu public samedi 11 janvier 2025, le ministère algérien des Affaires étrangères avait qualifié l’expulsion par les autorités françaises de l’influenceur algérien Doualemn, 59 ans, «d’arbitraire et abusive». L’homme «vit en situation régulière en France depuis 36 ans. Il y dispose d’un permis de séjour depuis 15 ans. Il est père de deux enfants nés de son union avec une ressortissante française. Enfin, il est socialement intégré dans la mesure où il exerce un emploi stable depuis 15 ans (…) L’ensemble de ces données lui confère indubitablement des droits que son expulsion précipitée et contestable l’a empêché de faire valoir tant devant les juridictions françaises qu’européennes», a argumenté le ministère en réponse aux autorités françaises qui avaient dénoncé le refus algérien d’admettre l’influenceur sur son territoire quelques jours plus tôt. Le ministère des Affaires étrangères avait, par ailleurs, très peu apprécié qu’on ait ainsi tenté de lui imposer des décisions sans discussions préalables. «(…) En violation des dispositions pertinentes de la Convention consulaire algéro-française du 24 mai 1974, la partie française n’a pas cru devoir informer la partie algérienne ni de l’arrestation, ni de la mise en garde à vue, ni de la détention, ni encore de l’expulsion du ressortissant en cause. Bien plus, elle n’a pas donné suite à la demande de la partie algérienne d’exercer sa protection consulaire au profit du ressortissant concerné à travers le droit de visite», avait dénoncé le ministère. Le tiktokeur aux 168 000 abonnés avait été expulsé de France le 9 janvier pour un «appel au meurtre» qu’il aurait lancé dans une vidéo.
Le 29 janvier, le tribunal administratif de Paris confortait les arguments du département d’Ahmed Attaf en estimant que le ministre de l’Intérieur, Bruneau Retaillau, avait appliqué à tort la procédure d’expulsion en urgence absolue, la situation ne présentant pas un caractère d’urgence puisque Doualemn vivait sur le territoire français avec femme et enfants. Mais le juge donnait raison aux autorités en validant le retrait du titre de séjour de l’influenceur, car «les faits qui lui sont reprochés représentent une menace grave à l’ordre public». Aussitôt après cette décision, le préfet de l’Hérault a pris deux Obligations de quitter le territoire français (OQTF) contre Doualemn.
Jeudi 6 février, nouveau rebondissement dans ce dossier sensible : la justice française infligeait un autre revers aux autorités françaises. En effet, le tribunal administratif de Melun a cassé les Obligations de quitter le territoire français (OQTF) dont Doualemn faisait l’objet. Le tribunal administratif de Melun a également enjoint à «l’autorité préfectorale de réexaminer la situation de l’intéressé dans un délai de trois mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant le temps de ce réexamen», a indiqué un communiqué du même tribunal. Résultat : Doualemn a été remis en liberté et l’Etat français est même tenu de lui verser 1200 euros à titre de dommages pour rétention illégale.
Un nouvel affront que le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, essuyait en quelques semaines, lui qui, comme toute l’extrême droite, espère faire un sort aux immigrés. Furieux de ce désaveu, et plutôt que de respecter une décision de justice, le ministre a dénoncé des «règles juridiques qui ne protègent pas la société française». Le ministère qui va «faire appel et continuer la procédure d’expulsion» a dénoncé vendredi matin l’«échafaudage juridique qui désarme l’Etat régalien». «S’il faut modifier la loi une nouvelle fois pour que les choses soient extrêmement claires et que la République et l’Etat ne fassent pas preuve d’impuissance mais expulsent du territoire national toute personne étrangère irrégulière, alors il faudra modifier la loi», a de son côté déclaré le ministre de la Justice, Gérald Darmanin.
Comme quelques autres influenceurs, Doualemn avait été interpellé en janvier à Montpellier et placé en rétention pour des propos tenus dans une des vidéos qui avaient été présentées par les autorités françaises comme un appel au meurtre. Celle retenue par la justice relevait une incitation à «attraper» un homme et lui infliger une «correction sévère». Le préfet de l’Hérault avait estimé que ses propos justifiaient le retrait de son titre de séjour et son expulsion. Il avait été mis dans un avion vers l’Algérie qui l’a renvoyée à son arrivée sur son sol le 9 janvier ; ce qui avait provoqué une crise diplomatique entre la France et l’Algérie. Jusqu’à jeudi dernier, Doualemn était retenu au centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne). Il doit être jugé le 24 février pour «provocation à commettre un crime».
S.Ould Ali