PAR NABIL M.
Les discussions sur la révision de l’accord d’association ont déjà commencé entre l’Algérie et l’Union européenne.
Pour bien mener cette révision, des groupes de travail sont déjà à pied d’œuvre, selon Samir Derradji, Directeur général par intérim du commerce extérieur au niveau du ministère du Commerce et de la Promotion des exportations. «Il y a des groupes qui travaillent sur ce dossier et chaque groupe se charge d’une question donnée», a révélé le responsable du ministère lors de son passage à la radio nationale, ajoutant : «Le travail est en marche et nous avançons.»
Assurant que le dialogue avec le partenaire européen est «maintenu, sans rupture», M. Derradji a souligné que «tous les aspects concernant cet accord sont pris en charge», précisant que ce travail de préparation à la révision de l’accord «ne concerne pas seulement le ministère du Commerce, mais il est aussi à la charge d’autres départements ministériels qui sont aussi concernés par le dossier».
L’Algérie n’a malheureusement pas tiré profit de cet accord avec l’UE, dont les premiers résultats sur le plan commercial ont démontré que sur les 10 premières années de la signature de l’accord en 2005, les exportations algériennes hors hydrocarbures vers l’Europe n’ont même pas atteint 14 milliards de dollars, tandis que les importations algériennes en provenance d’Europe se sont élevées à environ 220 milliards de dollars.
Selon le Directeur du commerce extérieur, il y a eu plusieurs évaluations de l’accord d’association, «comme celle de 2015 qui malheureusement n’a pas donné grand-chose», a-t-il regretté, ajoutant que celle de 2022, faite par le ministère du Commerce, «a donné suite à la demande du président de la République de réviser cet accord clause par clause».
L’Algérie en position de force
Pour la partie européenne, le responsable du ministère du Commerce a assuré qu’elle est disponible à renégocier l’accord, rappelant dans ce sens que «l’UE n’est pas prête à perdre l’Algérie en tant que client potentiel», assurant que la partie algérienne va s’assurer que pour cette fois-ci, «nous allons rectifier les erreurs du passé».
La révision de l’accord prendra donc un tournant différent de celui d’avant, avec plus de considérations pour les prérogatives du pays. «Nous allons jouer dans ces négociations sur les atouts de l’Algérie car, d’abord, l’UE ne va pas établir un partenariat avec un pays qui a des problèmes financiers, sanitaires ou économiques graves», a souligné le responsable du ministère du Commerce, qui ajoute : «Nous sommes en position de force avec les dotations naturelles et les avantages comparatifs, ainsi que notre jeunesse».
Pour M. Derradji, l’Algérie n’est pas encore un grand exportateur, mais ces négociations vont la préparer pour l’avenir. «D’ailleurs, heureusement qu’il y a eu l’affaire d’El Mordjane qui nous a poussés à voir quels sont les enjeux de demain», a-t-il souligné avant d’affirmer qu’on est «en phase de préparation».
Cet avis est également partagé par l’expert économique Boumghar Mouhamed Yazid, qui voit la nécessité de faire valoir les côtés forts de l’Algérie dans cette révision. «Pour renégocier cet accord de cette ampleur, il faut mettre en avant plusieurs atouts de l’Algérie, et le premier, c’est qu’elle est l’un des fournisseurs les plus importants de l’Union européenne en termes d’énergie, et le second, c’est son emplacement géographique très favorable aux échanges», a-t-il rappelé.
Pour le vice-président de l’Association algérienne des exportateurs (Anexal), Ali Bey Naceri, il faut revenir à l’article 2 de l’accord qui parle de relations équilibrées dans le cadre de la prospérité des deux parties. «A partir de cet article, il faut savoir ce que veut l’UE de l’Algérie ? Veut-elle un marché stricto sensu ou un véritable partenaire ?» s’est-il demandé, avant d’ajouter que «c’est à nous de faire valoir ce que nous voulons en tant qu’un pays qui investit et crée de l’emploi». «Tout ceci doit être mis sur la table de négociation», a-t-il martelé.
Il est à noter que cette révision s’impose comme une démarche stratégique, visant à adapter l’accord à la nouvelle réalité économique de l’Algérie et à corriger les déséquilibres constatés au fil des années, comme cela a été évoqué par le président Abdelmadjid Tebboune, lors de son entretien périodique avec des représentants des médias au début du mois en cours, et dans lequel il avait annoncé cette révision à partir de 2025.
Un sentiment partagé également par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui a récemment exprimé sa volonté de renforcer la coopération bilatérale avec l’Algérie, dans un message adressé au président Tebboune, à l’occasion de sa réélection. La responsable européenne a souligné que cette nouvelle étape est «importante pour les relations algéro-européennes» et s’est engagée à travailler en concertation avec les autorités algériennes pour développer des partenariats mutuellement bénéfiques.
La question évoquée hier entre Tebboune et le nouvel ambassadeur
La question de la révision de l’accord a également été évoquée hier lors de la cérémonie de remise des lettres de créance au président de la République par ambassadeur de la Mission de l’UE, M. Diego Mellado Pascua. Ce dernier a indiqué à l’issue de la cérémonie avoir évoqué avec M. Abdelmadjid Tebboune, l’accord d’association ainsi que les voies et moyens d’élargir « les liens d’amitié forts » entre les deux parties. « Nous sommes conscients que nos destins sont liés, nous souhaitons continuer à travailler ensemble et nous assurer que les économies algérienne et européenne soient intégrées et que le dialogue politique puisse continuer », a déclaré M. Pascua. Il a exprimé son souhait de voir les deux parties travailler « dans le cadre de la solidarité européenne et de tous les Etats membres de l’UE avec l’Algérie qui est un partenaire privilégié, essentiel et fondamental de l’Europe ». Il a ajouté que sa rencontre avec le président de la République était l’occasion de passer en revue les relations entre l’Algérie et l’UE qui sont « riches, intenses et diversifiées », citant notamment les échanges commerciaux et les investissements. La rencontre a permis aussi de discuter « des flux migratoires et de l’ensemble des questions qui affectent l’Algérie et l’Europe », ainsi que des « thèmes géopolitiques », notamment en Afrique et au Sahel, a-t-il mentionné, qualifiant l’Algérie de « puissance régionale ».