Zine Haddadi
Tensions diplomatiques, dossier de la Mémoire, déclarations provocantes du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, les relations avec la France ont été longuement abordées par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, lors de sa rencontre hier avec la presse nationale.
Revenant sur les tensions qui rythment les relations algéro-françaises ces derniers mois, Abdelmadjid Tebboune a tenu à faire le distinguo entre sa décision de retirer l’ambassadeur d’Algérie à Paris et la visite qu’il devait effectuer en France tout en expliquant sa position sur les deux sujets.
«La visite est une chose et le retrait de l’ambassadeur en est une autre», a-t-il précisé d’emblée dans sa réponse à une question. Abdelmadjid Tebboune a néanmoins écarté l’hypothèse d’une visite en France dans le contexte actuel. Et c’est d’une manière très subtile que le Président a donné sa réponse sur la visite en France. «Je n’irai pas à Canossa», a-t-il déclaré. Hors de question donc pour le président Tebboune de se rendre en France à l’heure actuelle alors que les conditions ne sont pas encore réunies.
Le président Tebboune a toutefois abordé ce que l’Algérie reproche à la France et qui a conduit à envenimer les relations entre les deux pays, notamment le soutien franc d’Emmanuel Macron au présumé plan d’autonomie marocain sur le Sahara occidental occupé.
L’Algérie reproche beaucoup plus la violation du droit international par un pays membre permanent du Conseil de sécurité qui a ignoré les résolutions onusiennes sur ce dossier. Le président y voit «un deux poids, deux mesures».
In fine, la sortie d’Emmanuel Macron qui a annoncé le soutien de la France n’a pas eu pour effet de surprendre l’Algérie ni le président Tebboune. «Nous connaissons depuis longtemps le soutien de la France au Makhzen. Le plan d’autonomie est une idée française, elle n’est pas marocaine».
La réponse à Retailleau
L’Algérie a réagi pour la première fois aux attaques du ministre de l’Intérieur français, Bruno Retailleau. La réplique est venue du plus haut personnage de l’Etat algérien, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, en l’occurrence. Le président Tebboune est revenu dans sa rencontre avec les médias sur les déclarations hostiles du ministre français de l’Intérieur Bruno Retailleau, notamment en ce qui concerne les accords migratoires de 1968.
«Une coquille vide», c’est en ces termes que le président de la République a qualifié la polémique qui a rebondi en France depuis la nomination d’un gouvernement très à droite avec un nostalgique de la colonisation comme Bruno Retailleau, nommé au ministère de l’Intérieur.
«Les accords de 1968, un étendard derrière lequel l’armée des extrémistes se masse pour prendre sa revanche. L’accord est venu remplacer les accords d’Evian, il est venu limiter la liberté de circulation. C’est un slogan politique pour réunir les extrêmes».
Pour le président Tebboune, l’évocation obstinée des accords de 1968 émane d’une «minorité qui cultive la haine de l’Algérie». Il est clair que c’est plus une question d’idéologie qu’autre chose pour les voix qui s’élèvent avec insistance ces dernières semaines en France, notamment l’extrême droite revigorée par la nomination d’un Retailleau qui s’est érigé comme son porte-voix au sein du gouvernement Barnier.
«Les accords de 1968 n’impactent en rien ni sur l’immigration ni sur la sécurité de la France», a tenu à clarifier Abdelmadjid Tebboune.
Abordant les relations algéro-françaises d’un point de vue global, le président Tebboune a repris la célèbre phrase de feu Houari Boumediene lors de la visite de Valéry Giscard d’Estaing en 1975 en Algérie : «Nous tournons la page, mais nous ne la déchirons pas».
Pour le président de la République, les attaques contre la communauté algérienne sont un fonds de commerce pour l’extrême droite, rien de plus. «Les racistes oublient que 60% des Algériens établis en France sont des binationaux, ils sont français», a-t-il déclaré à ce sujet.
Au sujet des procédures d’obligation de quitter le territoire français évoquée jeudi dernier par Bruno Retailleau qui a promis d’aller au bras de fer avec l’Algérie, Abdelmadjid Tebboune a parlé de «mensonge», tout comme pour les déclarations de Sarah Knafo, figure du parti Reconquête d’Eric Zemmour sur les 800 millions d’euros d’aides accordés par la France à l’Algérie.
Le dossier de la Mémoire est historique, pas politique
«Nous voulons bien sûr avoir des relations paisibles, mais pas au détriment de nos principes. Certaines parties propagent des contre-vérités», a-t-il regretté.
Le président Tebboune accuse ces mêmes parties d’avoir court-circuité le travail de la Commission mixte sur la Mémoire. «Le travail de la Commission est impacté par les positions politiques. Avec le président Macron, on avait prévu une refondation des relations algéro-françaises. Mais il ne faut pas laisser une minorité hostile à l’Algérie décider de l’histoire. Il ne faut pas laisser les extrémistes la travestir», a expliqué le chef de l’Etat.
Dans une de ses réponses sur le sujet de la Mémoire, Abdelmadjid Tebboune a utilisé l’expression «le vrai grand remplacement» si chère à l’extrême droite française, quand il s’agit de parler d’immigration, notamment algérienne, pour rétablir certains faits historiques relatifs à la présence française en Algérie.
«L’Algérie a été choisie pour le vrai grand remplacement pour en faire une terre européenne. Je ne peux pas accepter les mensonges. L’Algérie était un pays avant l’entrée des Français. La résistance a duré 70 ans à la campagne d’invasion. Il y a eu un génocide en Algérie», a rappelé le Président pour qui le travail sur la mémoire entre l’Algérie et la France «doit reposer sur des faits, pas sur des affirmations politiques» et d’ajouter : «qu’ils viennent réparer les dégâts qu’on causés leurs essais nucléaire à Reggan, on meurt encore aujourd’hui à cause de ça, qu’ils viennent voir ce que leur expériences chimique à Oued Namous, notre bétail qui boit de cette eau meurt à cause de ça…voilà de quoi on devrait parler, c’est cela les vrais sujets, ils s’y sont engagés à désinfecter ces lieux, 62 ans après l’indépendance, ils n’ont rien fait », tonnera le président de la République.