Par Zine Haddadi
La France se prépare à commettre un impair diplomatique qui ne restera pas sans conséquences sur ses relations avec l’Algérie.
En apportant son soutien au plan d’autonomie du Sahara occidental dans le cadre de la souveraineté marocaine, proposé par Rabat, Paris prend le risque de remettre en jeu ses relations avec l’Algérie. Un risque que la France devra assumer.
L’Algérie a adressé jeudi une sérieuse mise en garde à la France qui lui a communiqué ces derniers jours sa décision de soutenir le plan d’autonomie dans le cadre de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.
« Le gouvernement algérien a pris connaissance avec un grand regret et une profonde désapprobation de la décision inattendue, inopportune et contre-productive du gouvernement français apportant un soutien sans équivoque et sans nuance au plan d’autonomie sur le Sahara occidental dans le cadre de la souveraineté marocaine », peut-on lire dans un communiqué du ministère des affaires étrangères.
Le ministère des affaires étrangères indique dans son communiqué que la « décision a été communiquée officiellement aux autorités algériennes par les autorités françaises ces derniers jours ».
En choisissant de s’aligner clairement sur la position marocaine sur le conflit du Sahara occidental, la France, par sa qualité de membre permanent du conseil de sécurité des nations unies, sort du cadre onusien et prend une position indigne de son statut.
Elle se dérobe de sa responsabilité de faire respecter les résolutions de l’instance onusienne qui considère toujours le Sahara occidental comme territoire occupé.
En somme, la France choisit de bafouer sa crédibilité et celle de l’ONU en se mettant du côté de la puissance occupante.
La France ne fait pas honneur à son statut de membre permanent du conseil de sécurité
« Les puissances coloniales, anciennes et nouvelles, savent se reconnaître, se comprendre et se tendre des mains secourables », a d’ailleurs relevé le ministère algérien des affaires étrangères.
Pour Alger, « la décision française relève manifestement d’un calcul politique douteux, d’un a priori moralement contestable et de lectures juridiques que rien ne conforte et rien ne justifie ».
Le plan d’autonomie que le Maroc tente de forcer par la logique du fait accompli ne peut en aucun cas constituer une piste pour une solution de sortie de crise du conflit du Sahara occidental. Ce n’est pas le soutien de Paris qui changera les choses, tout comme celui de Madrid d’il y a deux ans n’a pas eu pour effet de faire avancer les choses vers une résolution du conflit.
« Cette décision française n’aide pas à réunir les conditions d’un règlement pacifique de la question du Sahara occidental, elle conforte une impasse, celle créée précisément par le prétendu plan d’autonomie marocain et qui dure depuis plus de dix-sept ans », a, en outre, expliqué le MAE algérien.
L’Algérie considère, ainsi, que la décision de la France « est d’autant plus malvenue qu’elle émane d’un membre permanent du conseil de sécurité censé agir en conformité avec les décisions de cet organe d’une manière particulière et avec la légalité internationale d’une manière générale ».
La France est prévenue, elle devra assumer pleinement ses responsabilités suite à sa décision. Celle-ci « vient s’inscrire à contre-courant de ces efforts dont elle contrarie et entrave le déploiement dans l’intérêt supérieur de la paix, de la stabilité et de la sécurité dans la région », a ajouté le ministère des affaires étrangères dans son communiqué.
Par sa position, la France prend le risque de compromettre ses relations avec l’Algérie tout comme l’avait fait l’Espagne en 2022 pour les mêmes raisons.
Le premier ministre espagnol Pedro Sanchez a annoncé son soutien le 18 mars 2022 au plan d’autonomie marocain. Alger a rappelé son ambassadeur en Espagne dès le lendemain. Le poste d’ambassadeur d’Algérie à Madrid est resté vacant pendant près de 20 mois.
Il a fallu que Pedro Sanchez revienne, lors de l’assemblée générale des nations unies en septembre 2023, à un discours plus équilibré mettant en avant les résolutions de l’ONU et du conseil de sécurité comme pistes de solution pour le conflit du Sahara occidental. Dès lors, les discussions ont pu reprendre entre Madrid et Alger et ont pris une tournure positive jusqu’au retour de l’ambassadeur algérien à Madrid en novembre 2023.
Du point de vue commercial, les échanges entre l’Algérie et l’Espagne n’ont à ce jour pas pu reprendre leur niveau d’avant la date du revirement de Pedro Sanchez sauf en matière de livraison de gaz où l’Algérie est actuellement le fournisseur n°1 de l’Espagne pour le septième mois consécutif.
Le scénario espagnol peut très bien se répéter entre Alger et Paris. Des tensions diplomatiques, qui découlent de la position française avec l’Algérie, auront leur impact sur le plan économique tout comme cela avait été le cas pour l’Espagne.
Il faudrait que Paris s’attende à des répercussions de sa décision de soutenir le plan d’autonomie imposé par Rabat, à l’encontre des résolutions de l’organisation des nations unies et de son conseil de sécurité, sur ses relations avec l’Algérie.
« Le gouvernement algérien tirera toutes les conséquences qui découlent de cette décision française et dont le gouvernement français assume seul la pleine et entière responsabilité », prévient clairement le ministère algérien des affaires étrangères.
Les relations économiques entre les deux pays ne manqueront pas d’être impactées si jamais la France allait au bout de sa logique en rendant publique sa décision de soutenir le plan d’autonomie marocain sur le Sahara occidental.
Il est clair que l’Algérie ne se contentera pas de prendre acte d’une telle décision qui s’inscrit contre les résolutions onusiennes sur le conflit du Sahara occidental.
En France, la politique extérieure est traditionnellement du ressort présidentiel. Une telle décision ne peut donc émaner que du président français.
Macron a encore le temps de revoir sa copie
En février dernier, le ministre français des affaires étrangères, alors en poste, Stéphane Séjourné, avait déclaré depuis Rabat le soutien « clair » et « constant » pour le plan d’autonomie marocain dans le dossier du Sahara occidental.
« C’est un enjeu existentiel pour le Maroc. Nous le savons (…). Il est désormais temps d’avancer. J’y veillerai personnellement », a déclaré le ministre français lors d’une conférence de presse aux côtés de son homologue, Nasser Bourita.
Néanmoins, la nomination d’un nouveau ministre des affaires étrangères en France, le mois prochain, pourrait bien influer sur l’issue finale de la décision française.
Les dernières législatives organisées fin juin – début juillet n’ont pas été en faveur du parti du président Macron. Le nouveau Front Populaire, une coalition de gauche qui va du parti socialiste jusqu’aux écologistes, est sorti vainqueur sans toutefois obtenir la majorité.
Macron dont le parti n’est pas majoritaire et qui est politiquement affaibli n’est pas en mesure de tout imposer, y compris en politique extérieure. La situation pourrait bien évoluer dans les semaines à venir.
La France devra se défaire de ses démons colonialistes et voir les choses avec plus de réalisme.
L’Algérie, elle, ne fait que s’en tenir aux résolutions de l’ONU et du conseil de sécurité concernant le Sahara occidental. C’est d’ailleurs ce qui est attendu d’un membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU, comme la France.
Z.H.