Situation hydrique en Algérie : Les experts relativisent

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Le secteur de l’Hydraulique à l’heure des algorithmes

/Se dirige-t-on vers une autre année sèche ? Les citoyens lambda sont convaincus que oui, les agriculteurs, bien qu’inquiets,  espèrent que non, mais les spécialistes dans le domaine estiment «qu’il est trop tôt pour en juger». Le ministère des Ressources en eau, quant à lui, avait promis aux Algériens, les Algérois en particulier «qu’ils ne revivront pas le calvaire de l’été dernier» et que ses services ont pris les mesures nécessaires pour que l’année 2022 soit paisible.

Selon le ministère des Ressources en eau et de la sécurité hydrique, le niveau national de remplissage des barrages a légèrement augmenté pour atteindre 37,66%, contre 36,24% au 12 décembre dernier. L’APS qui a donné le dernier bilan, établi hier, précise que le taux de remplissage des barrages en exploitation a atteint, par région, les 22,8% dans l’ouest du pays et la région du Cheliff (contre 23,12% dans l’ouest et 23,61% à Cheliff en décembre dernier), 18,33% dans le centre (contre 16,06%) et 61,92% dans la région Est (contre 59,22%). Une situation qui semble peu reluisante par rapport à la même période de l’année dernière où, à la mi-mars 2021, le taux de remplissage était de 44,63%, un niveau stabilisé par rapport à janvier 2021 (44,60%), grâce aux apports pluviométriques enregistrés entre début janvier et mi-mars. Des niveaux qui n’ont pas évité aux Algériens (à l’ouest et au centre notamment) de passer un été marqué par des perturbations de l’alimentation en eau potable qui a fini par être rationnée. Certaines localités reçoivent, aujourd’hui encore, l’eau dans les robinets 1 jour par semaine. Des chiffres qui appuient la thèse d’un stresse hydrique imminent, une menace face à laquelle la tutelle a entrepris plusieurs démarches et lancé plusieurs projets.

Forages et stations de dessalement d’eau de mer à la rescousse

Pour faire face au stress hydrique que connait le pays, le ministère avait lancé un programme de réalisation de 700 forages dont 320 ont été mis en services effectivement.

Les programmes d’autres institutions à travers le pays comprennent un total de 1.200 forages dont 577 ont été réalisés, d’après les chiffres du ministère. C’est dire que sur 1900 forages prévus, moins de la moitié seulement a été réalisé. Pour la wilaya d’Alger, à titre d’exemple, trois programmes d’urgence ont été lancés en 2020, rappelle le ministère des Ressources en eau. Il s’agit du programme de la direction des ressources en eau de la wilaya, celui de la société des eaux et de l’assainissement d’Alger (Seaal) ainsi que le programme de forage de la wilaya d’Alger. L’ensemble de ces programmes au niveau de la capitale incluent la réalisation de 217 forages, dont 171 ont d’ores et déjà été mis en service, a fait savoir la même source. Mais il n’y a pas que les forages. Les stations de dessalement ont connu une activité intense pour pallier le manque d’eau dans la capitale. En octobre dernier, le ministre des Ressources en eau et de la sécurité hydrique, Karim Hasni, avait affirmé, lors d’une sortie à Alger, que la population de la capitale passera l’été 2022 «en toute aisance» concernant l’alimentation en eau potable (AEP), à la faveur de l’augmentation de la production d’eau à plus de 900.000 m3/jour en juin prochain (2022), notamment après l’entrée en service des stations de dessalement de Corso, de Bordj El-Kiffan et d’El-Marsa. Le ministre avait, toutefois, précisé que la production totale d’eau à Alger s’élève, actuellement, à près de 750.000 m3/jour et sera augmenté à plus de 900.000 m3/jour». Il faut savoir que les barrages assurent 33% des besoins nationaux en eau potable, estimés à 3,7 milliards de m3. La moitié de ces besoins est assurée à partir des eaux souterraines (forages) et 17% à partir du dessalement d’eau de mer. 

«Trop tôt pour parler de sécheresse»

Qu’en est-il de la pluviométrie ? Après les trombes qui se sont abattues sur le pays entre le 5 novembre et la fin décembre 2021, l’on a naïvement pensé que les barrages avaient fait le plein. Mais les experts avaient expliqué que les pluies n’avaient pas arrosé les régions où sont implantés les quelques 80 barrages en exploitation à travers le territoire national, sauf pour l’ouest du pays. Depuis la dernière semaine de décembre dernier, de très faibles quantités de pluies sont tombées dans diverses régions du pays, sans grande incidence sur le niveau de remplissage des barrages. Du coup, le stress hydrique est largement appréhendé par les populations du centre et de l’est du pays, mais par les agriculteurs, aussi, qui voient pointer à l’horizon une saison aussi perturbée que l’année dernière, si ce n’est pire. Mais pour la chargée de communication à l’Office national de météorologie (ONM), les prochains jours augurent d’un retour de la pluie. Houaria Benrekta a affirmé, hier que le retard de la saison des pluies dans certaines régions du pays en cet hiver était dû à une forte pression atmosphérique concentrée en Méditerranée, estimant qu’il est «trop tôt pour parler de sécheresse». Mieux encore, Mme Houria Benrekta a affirmé qu’«un changement de météo est prévisible à partir du 12 février en cours et les jours du même mois qui s’en suivront». L’intervenante a rappelé que «le même phénomène météorologique avait été observé durant les trois dernières années 2019, 2020 et 2021, soit un retard de la saison des pluies attendues en décembre et janvier jusqu’aux dix derniers jours du mois de février, et des intempéries en février et mars incluant même des chutes de neige». Abondant dans le même sens, le directeur du Centre climatologique national (CCN), Salah Sahabi Abed, a déclaré : «Il y a dix ans qu’il a été constaté, en Algérie, que le mois de janvier est devenu un mois sec, sans que cela ne signifie que le pays est entré dans une phase de sécheresse». Il soulignera, à ce sujet, que «le CCN avait établi des prévisions pour les mois de décembre, janvier et février derniers, annonçant des précipitations inférieures à la moyenne saisonnière, tandis que les prévisions pour les trois prochains mois démontrent que les taux de pluviométrie seront dans la normale ».

Salah Sahabi Abed rappellera que les études réalisées par des spécialistes dans le domaine «indiquent qu’au cours des prochaines années, et jusqu’en 2030 ou encore en 2050, la pluviométrie saisonnière diminuera à 20%, voire oscillera entre 15 et 30%». Il ajoutera : «On constate que les taux de pluviométrie ont diminué en Algérie au cours des trente dernières années».

B. A.