Son cours est passé de 138,8 DA pour 1 dollar en 2021 à 134,2 en 2023 : Un dinar fort pour faire reculer l’inflation

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Par R. Akli

La valeur de la monnaie nationale a connu ces deux dernières années une relative appréciation, après plusieurs années de chute libre, passant ainsi d’un cours de fin de période de 138,8 DA en  2021 à 134,2 DA à fin 2023, selon les chiffres de la Banque centrale. Une évolution positive qui vient ainsi rompre un long cycle de dépréciation amorcé durant la décennie précédente du fait notamment de la chute des prix du pétrole et de l’emballement des dépenses publiques et des importations. Désormais, les pouvoirs publics entendent privilégier à l’avenir un dinar plus fort pour faire reculer les pressions inflationnistes qui pèsent actuellement sur le pouvoir d’achat des ménages et pour soutenir en même temps la production locale en lui permettant d’être plus compétitive par rapport à l’importation. En revalorisant le dinar, il s’agira ainsi de contrecarrer le phénomène de l’inflation importée, soit le renchérissement des prix à l’importation qui, selon les évaluations de la Banque centrale, pèse pour près de 70% dans l’inflation globale qu’a connue le pays ces deux dernières années, avec des pics de plus de 9%. De même, il s’agira de protéger la production nationale en agissant sur les coûts des intrants et équipements importés et en confortant sa compétitivité par rapport aux biens provenant de l’importation. En ce sens, la politique du taux de change sera ainsi l’un des leviers que les autorités du pays prévoient d’actionner tant pour stimuler l’appareil productif national que pour freiner la hausse générale des prix à la consommation. Redonner du pouvoir d’achat au dinar après sa dégringolade des années précédentes constitue ainsi le nouvel objectif assigné à la gestion de la politique du taux change que la Banque d’Algérie (BA) est appelée désormais à privilégier. Une gestion qui passe par des instruments d’ajustement du taux de change propres à la Banque centrale, mais aussi et surtout par des mesures évidentes de consolidation de la croissance économique du pays et de ses principaux indicateurs macro-financiers, comme nous l’explique l’ex-vice gouverneur de la BA à travers cet entretien.

Djamel Benbelkacem, ex-vice gouverneur de la Banque d’Algérie : «L’ajustement de la valeur du dinar suit les indicateurs économiques»

Après plusieurs années de dépréciation, le dinar algérien commence à retrouver de la vigueur et les pouvoirs publics entendent le soutenir davantage à l’avenir. Comment la Banque d’Algérie manipule-t-elle les outils de gestion du taux de change ? 

La Banque d’Algérie ne manipule pas le taux de change, car son intervention consiste à ajuster la parité du dinar en fonction de paramètres macro-économiques bien définis. Sa cible principale est d’abord le Taux de change effectif réel (TCER) dont elle veille à garantir l’équilibre et la stabilité, non pas au jour le jour, mais à moyen terme, soit sur des périodes d’un an à deux ans ou même plus. Pour ce faire, elle peut intervenir sur le Taux de change effectif nominal (TCEN) qu’elle fixe au quotidien sur le marché interbancaire des changes, c’est-à-dire le marché officiel des devises.

Comment opère exactement ce mécanisme d’ajustement direct du taux de change effectif nominal pour garder celui effectif réel à l’équilibre ? 

Le taux de change effectif nominal est le cours du dinar tel qu’on le connaît, soit celui appliqué au jour le jour sur le marché interbancaire des changes pour les banques commerciales et les intervenants dans le commerce extérieur. Il est déterminé directement par la Banque d’Algérie, car c’est elle le seul offreur de devises sur ce marché. Le taux de change effectif réel, quant à lui, évolue en fonction de quatre paramètres essentiels, en l’occurrence l’évolution des prix du pétrole, le poids des dépenses publiques, le degré d’ouverture de l’économie, soit le poids de ses importations et exportations dans le Produit intérieur brut (PIB) et enfin, le paramètre le plus important, à savoir le différentiel de productivité et donc d’inflation avec les principaux partenaires commerciaux du pays. Pour préserver les équilibres macro-économiques, il faut veiller à garder stable le taux de change effectif réel. Et pour stabiliser ce dernier, la Banque d’Algérie peut intervenir pour ajuster à la baisse ou à la hausse le taux de change effectif nominal du dinar qu’elle fixe elle-même sur le marché des changes. Dans tous les cas, si le TCER s’apprécie, c’est que les paramètres cités plus haut, en particulier les prix du pétrole, se sont assurément appréciés, du moins pour la plupart.

Comment expliquer le changement de cap observé ces deux dernières années avec le passage d’une politique de taux de change qui favorisait plutôt le glissement du dinar à une nouvelle politique visant désormais à le réévaluer ?

Il faut rappeler qu’à après le contre-choc pétrolier de la mi-2014 et la chute des cours du brut qui a suivi durant ces années, le déficit du compte courant atteignaient un record de plus de 26 milliards de dollars. La Banque d’Algérie avait alors amorcé une dépréciation du dinar de l’ordre de 15% pour freiner les importations, lesquelles étaient financées en pompant sur les réserves officielles de change, au point où celles-ci se sont  effondrées à moins de 45 milliards de dollars durant cette période, alors que leur encours dépassait les 193 milliards de dollars avant. Aujourd’hui, on peut effectivement réapprécier le taux de change nominal du dinar, dès lors que les équilibres macro-économiques ont évolué favorablement avec la remontée des prix du pétrole et les soldes positifs du compte courant extérieur et de la balance des paiements.

L’on déprécie donc pour réduire les importations en les rendant plus chères et l’on peut à l’inverse réévaluer la monnaie pour réduire les prix des produits importés…   

Oui, mais on ne peut réévaluer la monnaie que quand les indicateurs économiques s’y prêtent. Cela est bénéfique pour réduire les coûts de production pour les entreprises locales, mais aussi pour améliorer le pouvoir d’achat des citoyens, à condition bien sûr que les producteurs répercutent ces baisses de coûts sur les prix à la consommation. En règle générale, pour réévaluer la valeur du dinar, il faut stimuler la croissance et réduire les déficits budgétaires et extérieurs en réduisant les dépenses publiques quand celles-ci sont beaucoup plus élevées que les recettes. La Banque centrale intervient également sur le taux de change nominal en tenant compte du différentiel de productivité et d’inflation avec les principaux pays avec lesquels nous commerçons.

R.A.