Tchad, Sénégal : la France poussée vers la sortie

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Tchad, Sénégal : la France poussée vers la sortie

Par M. Mansour

A quelques heures d’intervalle, le Tchad et le Sénégal ont officiellement annoncé leur volonté de mettre un terme à la présence militaire française sur leur territoire. Le Tchad a déclaré la rupture de son accord de défense avec la France, tandis que le Sénégal a exigé le retrait du dernier contingent militaire français stationné sur son sol. Ces annonces historiques assènent un coup dur à l’influence de la France en Afrique, dans la mesure où elles s’inscrivent dans une dynamique plus large, caractérisée par une volonté d’affirmation des souverainetés, loin des schémas néfastes de la Françafrique.

Quelques jours seulement après la visite du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, au Tchad, le gouvernement tchadien a annoncé la fin de sa coopération militaire avec la France. Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères tchadien a évoqué un «tournant historique» et insisté sur la nécessité pour le Tchad de réaffirmer sa souveraineté. Les termes choisis sont sans équivoque : «La France doit comprendre que le Tchad est un Etat jaloux de sa souveraineté». Si les autorités tchadiennes précisent qu’il ne s’agit pas d’une rupture totale des relations avec Paris, la décision marque néanmoins une éviction nette pour un pays qui constituait jusqu’ici l’un des derniers points d’appui français dans le Sahel.

Le même jour, et pour des raisons similaires, le président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, a exigé le retrait des forces françaises, soulignant que «la souveraineté sénégalaise ne saurait coexister avec la présence de bases militaires étrangères sur son sol». Bien que la présence militaire française au Sénégal soit relativement modeste – environ 350 soldats, avec un redimensionnement déjà en cours, le président Faye a choisi d’accélérer le départ, traduisant, par là même, sa volonté de restructurer les relations bilatérales entre son pays et la France, en rompant avec les paradigmes hérités des accords postcoloniaux. «Il est impératif que les relations entre le Sénégal et la France évoluent vers un modèle de partenariat exempt de toute dépendance militaire», a-t-il déclaré, insistant sur la nécessité d’une révision complète des modalités de coopération sécuritaire avec l’ancienne puissance coloniale.

La démarche des autorités tchadiennes et sénégalaises s’inscrit ainsi dans une dynamique plus large de rejet radical de l’influence française en Afrique. Au Mali, au Burkina Faso et au Niger, les régimes en place ont déjà expulsé les troupes françaises de leurs territoires. La France, qui comptait sur sa présence dans le Sahel sous couvert de lutte contre le terrorisme, se trouve désormais marginalisée dans une région où elle jouissait d’une domination quasi hégémonique depuis des décennies. Cette série de ruptures ne se limite pas à un simple réajustement géopolitique, mais elle incarne, plutôt, une désillusion profonde envers l’héritage colonial et ses effets dévastateurs sur les anciennes colonies.

 

Les maux de la Françafrique

La réaction quasi-révulsive à l’égard de la France, dans les pays où elle a été appelée à retirer ses troupes, ne se résume pas à un simple caprice des régimes en place, souvent issus de coups d’Etat, comme le soulignent fréquemment les médias français, mais elle incarne plutôt un phénomène plus profond. Pour une large part de la population, la France ne lutte pas contre le terrorisme, mais exploite plutôt les ressources naturelles de la région, telles que l’uranium, le pétrole et le gaz. Cette perception a été renforcée par des pratiques comme celles d’Orano, anciennement Areva, qui a longtemps dominé l’exploitation de l’uranium au Niger, consolidant l’idée d’une France plus intéressée par l’extraction des richesses locales que par la sécurité des peuples sahéliens.

L’indignation est alimentée par un sentiment de trahison, nourri par des décennies d’exploitation des richesses africaines sans véritables retombées pour les populations locales. Pour une grande partie de la jeunesse sahélienne, la présence française n’a fait qu’amplifier l’instabilité en servant des intérêts géopolitiques et économiques au détriment des peuples.