L’avant-projet de loi sur le Code de procédure pénale, récemment soumis à l’Assemblée populaire nationale par le ministère de la Justice, suscite déjà de vives réserves de la part des avocats de la défense. Dans une lettre adressée jeudi dernier à la fois au président de l’APN et au ministre de la Justice, l’Union nationale des Ordres des avocats (UNOA) s’élève contre le texte, tant sur le fond que sur la forme. Signé par le président de l’Union, Me Brahim Taïri, et publié sur le site officiel de l’organisation, le communiqué s’interroge notamment sur la coïncidence entre la présentation de l’avant-projet et le processus de renouvellement des Conseils de l’Ordre des avocats à travers le pays. L’UNOA déplore que plusieurs propositions d’amendement ou de suppression d’articles, pourtant convenues entre les représentants des avocats et les cadres du ministère de la Justice lors de cinq réunions de concertation, n’aient pas été prises en compte. Elle regrette également que les décisions issues des rencontres avec l’ancienne composante de la Commission des affaires juridiques aient été ignorées, et qu’aucune réunion n’ait été prévue avec la nouvelle équipe de ladite commission. Plus préoccupant encore, l’organisation alerte sur les «manquements graves aux droits du justiciable et à ceux de la défense» contenus dans cet avant-projet de réforme du Code de procédure pénale, qualifié de «véritable Constitution du système judiciaire algérien». Dans le détail, l’UNOA estime que le dispositif de comparution immédiate a montré ses limites, soulignant une hausse significative des cas de détention provisoire. «Il avait été convenu que, dans l’attente de l’institution du juge des libertés, il fallait revenir au système du flagrant délit. Car il n’est pas raisonnable que le magistrat ayant ordonné la détention d’un prévenu soit le même que celui appelé à le juger», souligne le communiqué. Par ailleurs, l’UNOA rappelle qu’il avait été décidé, lors des réunions de consultation, de maintenir la présence de quatre jurés aux côtés de trois magistrats dans les tribunaux criminels de première instance, ainsi que celle de cinq magistrats professionnels dans les tribunaux criminels d’appel. Rappelons que le projet présenté par le ministre de la Justice réduit à deux le nombre des jurés au niveau des tribunaux criminels de première instance et d’appel. De manière générale, le président de l’Union, Me Brahim Tairi, signale que les amendements portant sur une vingtaine d’articles du Code de procédure pénale n’ont pas été intégrés dans le texte soumis à l’APN. L’UNOA clôt son communiqué en exprimant son «refus catégorique» de la version actuelle de l’avant-projet de loi, estimant qu’elle «porte atteinte aux principes fondamentaux du procès équitable et de l’Etat de droit», que ne cesse de réclamer le président de la République. En conséquence, l’organisation appelle à un renvoi du texte à la Commission des affaires juridiques et à l’ouverture d’un véritable dialogue avec les représentants de la profession d’avocat. Un membre de ladite commission a, de son côté, indiqué que les divergences portent sur une dizaine d’amendements. Sollicité par «L’Algérie Aujourd’hui», Me Mohamed Baghdadi, bâtonnier d’Alger, a confirmé l’existence de «réserves» quant à l’avant-projet de loi, tout en écartant l’idée d’un rejet total du texte : «Des réunions devraient être organisées dans les prochains jours afin de préciser davantage notre position», a-t-il indiqué. L’avocat a ajouté que l’objectif ambitionné par toutes les parties est d’élaborer un texte qui mette au cœur des priorités l’intérêt du justiciable dans le cadre d’un Etat de droit.
S.Ould Ali