Par Djilali B.
Le continent africain reprend l’initiative pour se réapproprier son histoire, faite, imposée et écrite par les autres, son patrimoine, ses biens à travers une démarche commune endossée par l’Union africaine. Est-elle ainsi au cœur des débats de son 38e sommet qui se tient aujourd’hui et demain à Addis-Abeba.
Il serait laborieux de prétendre faire l’inventaire des méfaits de la colonisation sur le continent, n’en est-il d’ailleurs pas le lieu indiqué, toutefois, il est perceptible chez tous les peuples du continent, par ailleurs déracinés par les activités les plus inhumaines des colonisateurs, les séquelles de siècles d’oppression et de souffrances. Les puissances européennes, sans exception, avaient fait main basse sur les pays du continent et organisé le pillage par la force, la violence la plus cruelle, les massacres des populations, l’esclavage, la spoliation et l’expropriation de leurs terres, la destruction des sociétés et de leurs cultures, entre autres, souvent jusqu’au-delà des indépendances à travers des accords de coopération déséquilibrés pour poursuivre l’entreprise de pillage des ressources naturelles dont ont besoin les industries et les économies des empires européens. Le pillage se poursuit encore à travers l’entretien de tensions et le déclenchement de conflits pour le contrôle de ces ressources qui finissent, cheminés par des réseaux clandestins, sur le marché mondial. La guerre en RDC, ou plus récemment celle du Soudan, participe de la même entreprise : le contrôle et l’exploitation illégale des gisements de minéraux et métaux précieux.
Les bases du débat sur cette question ont été abordées lors du 37e sommet des chefs d’Etat tenu en février 2023 avec cette forte décision de donner la priorité à cette problématique qui continue de marquer la mémoire collective des peuples du continent. Et ce n’est pas un hasard que «la justice pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine par les réparations» soit adopté comme intitulé du sommet de 2025.
Il s’agit donc pour les leaders du continent de parler d’une seule voix pour plaider la cause de la justice et le paiement des réparations aux Africains. Plus concrètement, l’objectif est d’arriver à obtenir des réparations et des indemnisations pour les torts historiques subis par les peuples du continent et les personnes d’ascendance africaine. Il s’agira donc de construire un front, le plus large possible autour de cette «cause de la justice et du paiement des réparations aux Africains pour les crimes historiques et les atrocités de masse commises contre les Africains et les personnes d’ascendance africaine, notamment la colonisation, l’apartheid et le génocide».
Les attentes du continent
L’Organisation continentale sera cette voix unie du continent pour porter la question. Les attentes sont : la reconnaissance historique, les réparations financières, la restitution des terres, la préservation culturelle, les réformes politiques, la responsabilité internationale et l’autonomisation des communautés. Cela concerne la reconnaissance publique des injustices subies par les peuples africains au fil des siècles. Des réparations financières dont des paiements compensatoires aux nations et communautés africaines touchées par l’exploitation coloniale. Ou à travers des investissements dans les projets structurants et socioéconomiques. Il s’agira également de rétablir la justice sur la propriété foncière dont sont exclus les autochtones expropriés durant l’occupation. Les tentatives de rétablir la justice sur cette problématique ont provoqué une levée de boucliers notamment au Zimbabwe et en Afrique du Sud, au point de faire réagir certaines puissances étrangères dont les Etats-Unis, longtemps soutien du régime de l’apartheid avant la chute du système Botha.
Le plaidoyer doit concerner également le domaine culturel qui a subi le pillage du patrimoine, mais aussi, plus grave encore, la destruction par la déculturation et l’aliénation culturelle des populations autochtones. Restitution des objets culturels, financement des institutions culturelles des programmes éducatifs, entre autres réparations dans ce domaine. Il est, par ailleurs, préconisé dans le domaine politique d’adopter des réformes sociales de telle sorte à réduire les inégalités et les discriminations. La santé, l’éducation ou encore les politiques économiques qui sont d’intégrer les communautés africaines.
Il est aussi suggéré d’associer les organismes internationaux, des partenaires étrangers pour appuyer les initiatives des pays du continent face aux anciennes puissances coloniales et aussi des actions devant les tribunaux internationaux pour faire valoir ces droits aux compensations. Car jusqu’à maintenant, seules l’Allemagne et l’Italie ont reconnu leurs crimes coloniaux, en Namibie pour la première et en Libye pour la seconde, et consenti des compensations financières.