Un jour… une chanson… L’héritage d’El Harraz

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El Harraz, chanson mythique et intemporelle, est très appréciée par les amateurs de la musique chaâbi. Repris par d’illustres maîtres du genre, à l’image des défunts El-Hachemi Guerouabi ou encore Amar Ezzahi, ce poème a traversé les siècles et les contrées pour arriver jusqu’à nous…

Par Delloula Morsli

El Harraz, qui peut se traduire par «sorcier» ou encore «gardien», raconte avec vivacité les aventures d’un amoureux déterminé à tromper la vigilance d’un gardien jaloux, un sorcier venu du Hedjaz. L’objectif est d’accéder au palais de sa bien-aimée, Aouicha, retenue contre son gré par des sortilèges mystérieux. Ce «harraz», imprégné de détails truculents et d’un humour incisif, est un exemple parfait de la tradition orale maghrébine, captivant les auditeurs par ses intrigues et ses personnages haut en couleur.

C’est au Marocain El-Mekki Ben El-Qorchi que l’on doit ce texte. Poète et conteur aveugle, il a marqué la culture maghrébine avec son répertoire de poèmes narratifs et de contes en vers. Originaire de la ville côtière d’Azemmour, cet artiste traversait le pays avec son petit singe sur l’épaule, apportant ses histoires fascinantes aux foules dans les places publiques. Sa vie s’est conclue dans la ville de Larache après avoir longtemps résidé à Marrakech. Parmi les nombreuses œuvres de cheikh El-Mekki, c’est El Harraz, écrite vers 1785, selon certains chroniqueurs historiques, qui se distingue par sa popularité exceptionnelle, notamment chez nous, en Algérie.

Le succès des chants de type El Harraz peut être attribué à leur ressemblance avec la dramaturgie théâtrale. En effet, ces œuvres se rapprochent des petites comédies en raison de leurs intrigues amusantes et de leurs rebondissements. Les poèmes narratifs, qui sont souvent considérés comme de véritables petites comédies, ont inspiré plusieurs dramaturges maghrébins. L’an dernier, Chakir Bourahla et l’association culturelle Ahl El-Fen mettaient en scène une histoire fantastique puisée du qcid d’El Harraz. Il s’agit de Haraz Andalouziria, une comédie musicale revisitant cette pièce classique du patrimoine à travers la musique, le théâtre et la danse. Ce fut également le cas en 2007 avec la pièce théâtrale Harraz Aouicha, mise en scène par la dramaturge algérienne Fouzia Aït El-Hadj.