PAR NABIL M.
L’Algérie, perçue comme un fournisseur de gaz fiable par ses partenaires, s’est fixé pour l’objectif de se hisser parmi les acteurs mondiaux de premier plan dans ce secteur.
Ce défi énergétique s’est manifesté fortement dans le contexte de la guerre en Ukraine. Alors que ce conflit depuis son déclenchement perturbe l’approvisionnement en gaz russe vers l’Europe, l’Algérie, à travers sa compagnie nationale Sonatrach, se retrouve au cœur des débats sur sa capacité à devenir une alternative fiable.
En 2023, la production annuelle de gaz naturel de l’Algérie atteignait un peu plus de 100 milliards de m3, bien en deçà des niveaux russes. De plus, une grande partie de cette production est déjà destinée à satisfaire les besoins domestiques et les engagements contractuels avec d’autres partenaires, notamment dans la région méditerranéenne. Cela a conduit certains analystes à douter que l’Algérie puisse relever le défi de la hausse de sa production et devenir un fournisseur mondial de premier rang.
Tendance haussière pour les exportations algériennes de gaz
Cependant, l’Algérie reste résolument tournée vers l’avenir et s’est engagée dans une série de réformes et d’investissements pour augmenter sa production. Selon le rapport de Gaz Exporting Countries Forum (GECF) de janvier 2024, l’Algérie a fourni en 2023 19% du gaz naturel exporté par gazoduc vers l’UE, se classant ainsi juste derrière la Norvège, qui occupe la première place, avec une part de marché de 54%, alors que la Russie s’est classée à la troisième place, avec une part encore de 17%.
En 2023, Sonatrach a exporté 34,9 milliards de mètres cubes (m3) de gaz naturel vers le marché européen par gazoducs. La structure globale des exportations donne 33% de GNL et 67% de GN (gaz naturel). L’Europe a consolidé la part de la Sonatrach dans les importations européennes qui atteint 10% en 2023 contre 8% enregistré en 2022.
Rappelons que l’Algérie a deux importants pipelines vers l’Europe : le Medgaz, via l’Espagne, pour une exportation de 10 milliards de mètres cubes gazeux ; le Transmet, via l’Italie, d’une capacité de 32 milliards de mètres cubes gazeux. Tous deux fonctionnent en sous-capacité.
Concernant les exportations de GNL (gaz naturelle liquéfié), le classement des exportations algériennes est aussi dans les premières positions. Pour l’année dernière, les Etats-Unis sont arrivés en tête avec 123 cargaisons, suivis par l’Algérie en deuxième position, avec 54 cargaisons. La Norvège a enregistré le plus fort taux d’augmentation des exportations de GNL l’année dernière (+59%), suivie par l’Algérie (+25%), et le Pérou (+22%).
Une stratégie de réformes pour attirer les investisseurs
Outre ces chiffres encourageants, le véritable défi pour l’Algérie réside dans sa capacité à surmonter les obstacles économiques, législatifs et politiques afin d’attirer les investissements nécessaires à l’expansion de ses infrastructures gazières. Consciente de ces enjeux, l’Algérie a entrepris des réformes importantes dans son cadre législatif, notamment à travers la nouvelle loi sur les hydrocarbures adoptée en 2019, qui offre des conditions plus attractives pour les investisseurs.
Cette législation a permis à Sonatrach de signer plusieurs accords de partenariat avec des acteurs majeurs du secteur énergétique mondial, parmi lesquels des compagnies américaines de premier plan telles que Chevron et ExxonMobil. Ces contrats portent sur l’exploration et l’exploitation de nouveaux gisements d’hydrocarbures, et renforcent la confiance accordée à Sonatrach, malgré les défis structurels.
Selon le président de l’Agence nationale pour la valorisation en hydrocarbures (Alnaft), Mourad Beldjehem, la loi 19/13 promulguée dans le cadre de la promotion de l’investissement, a permis à l’Agence de lancer des appels à concurrences internationales, dont «le premier objectif est d’attirer les investisseurs dans le domaine de l’exploration d’hydrocarbures».
Affirmant que la meilleure manière d’augmenter les capacités est de faire des découvertes de gisements nouveaux et les explorer, le président d’Alnaft a révélé que son département dispose de «six opportunités ouvertes à concurrence pour le renouvellement des réserves, pouvant ramener, à moyen terme, jusqu’à 20 milliards de mètres cubes/an».
En outre, l’Algérie a travaillé à améliorer l’environnement des affaires pour encourager un flux constant d’investissements directs étrangers. Dans ce sens, le premier responsable d’Alnaft a estimé que la nouvelle loi sur les hydrocarbures «nous aide à travailler avec plusieurs compagnies spécialisées dans l’augmentation du facteur de récupération».
Engagement envers les normes environnementales
Au-delà des aspects économiques, l’Algérie a également relevé le défi environnemental, répondant aux attentes internationales en matière de durabilité. Le pays a ratifié plusieurs accords internationaux, notamment l’Accord de Paris sur le climat, et s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre.
Sonatrach, en collaboration avec ses partenaires étrangers, a lancé plusieurs projets visant à réduire l’empreinte carbone du secteur des hydrocarbures. Parmi ces initiatives, on peut citer l’introduction de technologies de captage et de stockage du carbone ainsi que le développement de projets d’énergie verte. Ces efforts renforcent la réputation de l’Algérie en tant que fournisseur responsable, soucieux de conjuguer développement énergétique et respect environnemental.
L’Algérie, un partenaire stratégique pour l’Europe
Malgré les critiques initiales, l’Algérie se positionne progressivement comme un acteur stratégique dans la quête européenne de diversification des sources d’approvisionnement énergétique. Si le chemin reste semé d’embûches, les réformes entreprises et la confiance des grands partenaires énergétiques étrangers sont des signes encourageants pour l’avenir du secteur gazier algérien.
En améliorant sa production et en s’engageant pour des pratiques durables, l’Algérie pourrait à terme répondre à une bonne partie des besoins gaziers européens, contribuant ainsi à la sécurité énergétique du Vieux Continent. Ainsi, dans le sillage de la crise ukrainienne, l’Algérie prouve qu’elle a le potentiel de se transformer en une alternative sérieuse, tout en apportant une réponse à la fois énergétique et écologique aux défis mondiaux actuels.