La reprise universitaire a été décalée jusqu’au 10 octobre après une première annonce pour le 3 octobre ; finalement de nombreux étudiants n’ont pas pu encore rejoindre les bancs des amphis.
Hier, à l’occasion de la rentrée universitaire, de nombreux étudiants se sont déplacés vers leurs facultés pour entamer leur cursus universitaire de l’année 2021/2022. Le premier constat établi par la communauté estudiantine révèle des carences dans la préparation de cette rentrée.
A titre d’exemple, les étudiants de 2e et 3e année de licence des universités de Blida et Bab Ezzouar n’ont même pas encore pu faire leur inscription alors qu’officiellement la date de début des cours a été fixé au 17 octobre, c’est-à-dire dimanche prochain. Plus grave encore, certaines filières comme le génie mécanique n’ont pas encore communiqué les orientations pour les étudiants de L3. Conscients du retard pris pour la reprise des cours, les étudiants que nous avons approchés estiment que la rentrée universitaire aurait dû coïncider avec la reprise des cours. Toujours à l’USTHB, Mise à part l’institut des sciences biologiques qui a décidé d’une reprise des cours, tous les autres étudiants en L2 et L3 des autres filières n’ont aucune visibilité sur la reprise des cours. Même cas de figure à l’école des beaux arts à Alger. Mis à part les nouveaux bacheliers, l’ensemble des autres étudiants semblent complètement perdus face au manque d’informations fournis par l’administration de l’école. «Date de reprise des cours, orientation et choix des filières» sont les trois interrogations qui reviennent le plus chez les étudiants de cette école.
Le son de cloche est différent du côté de l’Ecole supérieur de l’enseignement d’Oran. Les étudiants de cet établissement semblent satisfaits de la reprise de cours. «Les emplois du temps ont été affichés et les cours ont repris tout à fait normalement», ont déclaré les étudiants de cet établissement à notre correspondant à Oran.
Les cours en présentiel au «minimum»
L’autre problématique posée cette fois-ci par l’ensemble de la communauté universitaire est liée au ratio des cours en ligne par rapport aux cours dispensés à l’intérieur des enceintes universitaires. M. Rezig, professeur en sciences politiques, que nous avons questionné, se désole de la massification des cours en ligne. «Nous regrettons que cette décision ait été prise sans nous consulter», regrette-t-il. De leur côté, les étudiants de l’USTHB ont déjà sorti leur slogan pour le prochain semestre. «Les 9 jours pour un semestre», c’est en ces termes qu’ils ont qualifié leur prochain parcours universitaire. En effet, à en croire le programme affiché par l’administration, les étudiants auront à effectuer 3 semaines d’études en présentiel. «Et comme chaque semaine comporte 3 jours de cours, en tout, nous aurons 9 jours de présence à la fac sur le prochain semestre», nous expliquera un des étudiants en L2 en génie civil.
Le risque de décrochage
La crainte de l’ensemble de la communauté universitaire se focalise sur la qualité d’enseignement prodigué aux étudiants. «Nous savons comment se déroulent les cours dans d’autres pays. Pour cela, nous ne voulons pas d’un diplôme au rabais» estiment de nombreux étudiants que nous avons approchés. Plus grave encore, un enseignant pense que «de nombreux étudiants risquent d’être perdus sur le chemin». Selon lui, «les étudiants seront appelés à s’auto motiver pour pouvoir maintenir un niveau de compréhension acceptable. «Ceux qui ne le feront pas ne pourront pas suivre», conclura-t-il.
C. S.
Mohamed Rezig (syndicaliste et professeur en science politique)
«Des cours en présentiel et d’autres en ligne, c’est aberrant !»
1,7 million d’étudiants ont renoué avec le milieu universitaire, des retrouvailles marquées par une conjoncture exceptionnelle, celle de la pandémie de Covid-19 mais qui annoncent aussi une année universitaire riche en nouveautés si l’on se fie aux déclarations d’Abdelbaki Benziane, ministre de l’Enseignement supérieur qui aspire à redorer le blason de l’université algérienne après des années de gestion douteuse. De leur côté, les professionnels du secteur et syndicalistes ont optés pour le «wait and see» en attendant de voir des résultats concrets sur terrain. C’est le cas de Mohamed Rezig, enseignant en sciences politiques à l’université Alger 3 et ancien membre du Conseil national des enseignants universitaires (CNES). «Ce sont toujours les mêmes discours qu’on nous sert à chaque début d’année universitaire. Cependant, il ne faut pas nier qu’il y a eu une certaine amélioration si l’on compare l’université algérienne actuelle à celle de l’ère de l’ex-ministre Hadjar qui a été une sombre période pour la famille universitaire», a déclaré notre interlocuteur, avant d’ajouter : «L’université algérienne est en phase de transition et la tutelle semble pleine de bonnes intentions. Maintenant, il faut laisser le temps nous prouver les choses».
«Les enseignants doivent être consultés pour ce genre de décision»
Le syndicaliste a aussi souligné l’importance de prendre en considération l’impact de la pandémie mondiale sur l’université algérienne qui a été prise de court. «La pandémie du Covid-19 a faussé tous les calculs et nous a imposé du jour au lendemain un mode de fonctionnement auquel nous ne sommes pas habitués. L’enseignement à distance a vraiment atténué les performances des enseignants et des étudiants», a-t-il dit. Il explique : «Pour ce premier jour de la rentrée, on nous a annoncé que seuls les matières essentielles vont être dispensées en présentiel tandis que les matières dites secondaires seront mises en ligne. C’est complètement aberrant car dans l’enseignement supérieur toutes les matières sont importantes, j’estime qu’il est nécessaire de consulter les enseignants avant la prise de telles décisions qui impactent directement les enseignants et les étudiants». Dans ce sens, notre interlocuteur a appelé à un retour à la normale, notamment au sein de l’université Alger 3 et cela en raison du faible nombre d’étudiants. «En sciences politiques, il y a peu d’étudiants si l’on compare leur nombre à celui des années précédentes et nous avons la chance d’avoir de vastes amphithéâtres. Je trouve qu’il est tout à fait possible de dispenser son cours en amphis face à 20 ou 30 étudiants et cela sans enfreindre le protocole sanitaire», a-t-il estimé.
«C’est toujours la Issaba qui gère les œuvres universitaires»
Concernant la gestion des œuvres universitaires, le syndicaliste a regretté une «gestion opaque» qui laisse à désirer à plus d’un point. «La question de la gestion des œuvres universitaires a toujours été considérée comme un sujet tabou, un sujet qui fâche et cela à cause du manque de transparence de la part des responsables. Le pire dans tout cela, c’est qu’il n’y a aucun organisme qui contrôle ou qui va demander des comptes aux responsables des œuvres universitaires qui sont les résidus de la Issaba», a-t-il conclu.
W. S.