PAR DJILLALI B.
Les dirigeants africains, chefs d’Etat et de gouvernements, ont appelé hier à Addis-Abeba à la création d’un front uni pour accompagner la revendication du continent d’une «justice pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine par les réparations». Ils ont insisté, lors du 38e Sommet de l’UA, sur la nécessité de créer un front commun et uni pour la justice et la réparation pour les crimes historiques et les atrocités commises contre les Africains, notamment le colonialisme, la discrimination raciale et les génocides. Il s’agit, selon ces dirigeants, de mener une action collective pour réparer l’injustice historique et remédier aux séquelles de la colonisation, de l’esclavage et de la discrimination raciale. L’œuvre sera menée sous l’égide de l’Union africaine (UA) dont la Commission est chargée de mener des efforts pour reconnaître et documenter les effets du colonialisme et de l’esclavage sur les sociétés africaines, ont souhaité les participants. Plus que la symbolique reconnaissance de la colonisation, de ses crimes et atrocités, réclamée par certains pays, les participants estiment qu’il faut œuvrer pour «l’obtention d’indemnisations financières pour les pays et les sociétés africaines victimes de l’exploitation coloniale, en sus de l’investissement dans les infrastructures, l’éducation et la prise en charge sanitaire pour soutenir le développement économique». Il en est de même de la question de l’esclavage, a-t-on relevé.
Dans son intervention, le ministre ghanéen des Affaires étrangères, Samuel Okudzeto Abalakwa, a exprimé l’engagement de son pays à œuvrer pour la criminalisation du colonialisme et de l’esclavage, ainsi qu’à exiger des puissances coloniales des compensations pour l’Afrique. Les autres interventions ont versé dans le même sens, mais se sont inscrites dans le cadre plus global de l’avenir commun des pays du continent et abordé les réformes de l’Organisation continentale pour donner plus d’efficacité à ses actions. Dans ce sens, le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, a estimé qu’il est opportun pour le continent de «bâtir un avenir commun suivant une vision commune qui préserve la dignité et garantit la justice et l’égalité pour tous». Rappelant le thème du présent Sommet, Abiy Ahmed a mis l’accent sur la nécessité d’œuvrer à panser les blessures du passé et à surmonter les difficultés qui ont entravé le développement du continent, soulignant, à ce titre, «l’importance de mettre fin au racisme systémique, à l’exploitation des ressources naturelles du continent et de poser les fondements du processus de changement en vue de remédier aux injustices et réparer les torts historiques dont a été victime le continent africain pour atteindre cet objectif».
Moussa Faki Mahamat, président de la Commission africaine dont le mandat arrive à son terme, a évoqué les difficultés auxquelles il a fait face, notamment les coups d’Etat et les conflits armés internes qui ont sérieusement impacté la sécurité et la stabilité du continent. Il a par ailleurs appelé l’Afrique à être un acteur dans les mutations que connaît le monde actuel et à ne pas rester en marge du mouvement tectonique qui le traverse. Il a souligné que «ce dont a besoin l’Afrique, aujourd’hui, est un réveil des consciences et l’attachement à notre identité africaine». Moussa Faki a cependant déploré «la persistance des conflits au Soudan, en République démocratique du Congo (RDC) ou encore dans la région du Sahel et des Grands Lacs», qui ont provoqué, a-t-il précisé, «un large mouvement de migration susceptible d’aggraver la situation sécuritaire déjà fragile». M. Faki Mahamat a, enfin, qualifié les souffrances du peuple palestinien de «l’une des pires injustices de l’histoire de l’humanité». «Ce qui se passe est une honte pour l’humanité», a-t-il soutenu tout en saluant la résistance du peuple palestinien, resté «inébranlable en dépit des souffrances».
Le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, présent à ce Sommet, a affirmé qu’«il est temps de remédier aux injustices historiques découlant de la colonisation de l’Afrique et de son impact sur ses peuples». Il a affirmé également que l’absence de l’Afrique au Conseil de sécurité de l’ONU n’est pas justifiée, en s’engageant à «œuvrer avec l’UA pour corriger cette injustice et renforcer la représentation effective de l’Afrique au Conseil de sécurité à travers l’octroi au continent de deux sièges permanents».
Antonio Guterres a déploré, lui aussi, la situation au Soudan, appelant à la cessation des hostilités et la communauté internationale de cesser de vendre des armes aux belligérants. Il a dénoncé également la reprise de la violence en RDC, estimant qu’«il n’y a pas de solution militaire à la crise», tout en appelant au respect de l’intégrité territoriale de la RDC. M. Guterres a plaidé enfin pour une solution à deux Etats pour régler la question palestinienne.
Il y a lieu de rappeler aussi que le président Tebboune, qui avait présidé la veille le 34e Sommet du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP), a annoncé que l’Algérie avait décidé d’apporter une contribution volontaire d’un million de dollars pour soutenir ce Mécanisme.