Par M. Mansour
La visite d’État du Sultan Haitham ben Tariq en Algérie marque une étape décisive dans la consolidation d’un partenariat stratégique entre deux pays liés par des relations historiques solides, désormais tournés vers une coopération économique ambitieuse. Au-delà des symboles protocolaires, quels sont les véritables enjeux de cette rencontre de haut niveau ?
Un axe arabo-méditerranéen discret, mais actif
L’accueil solennel réservé par le président Tebboune à son homologue omanais à l’aéroport international Houari-Boumediene, avec les honneurs militaires et les 21 coups de canon, ne relève pas uniquement du cérémonial. Il exprime une volonté politique claire qui vise à donner un nouveau souffle à une relation bilatérale fondée sur la discrétion, mais dotée d’un fort potentiel.
Preuve de cette intensité nouvelle : des discussions bilatérales se sont tenues dès l’aéroport, dans le salon d’honneur, témoignant d’une volonté d’entrer rapidement dans le concret. Depuis la visite d’État du président Tebboune à Mascate en octobre dernier, une dynamique s’est enclenchée, traduite par la signature de huit mémorandums d’entente et la création annoncée d’un fonds d’investissement conjoint. Cette nouvelle visite confirme que le rapprochement entre Alger et Mascate n’est pas conjoncturel, mais inscrit dans une stratégie de long terme.
Des objectifs économiques clairs et convergents
Le cœur de cette visite réside dans la structuration d’un partenariat économique intelligent, basé sur la complémentarité des deux économies. L’Algérie, forte de ses ressources naturelles et de sa position géographique stratégique entre Méditerranée, Afrique et Sahel, cherche à diversifier ses partenariats et à renforcer son attractivité. De son côté, Oman, confronté à la nécessité de diversifier ses revenus dans l’après-pétrole, voit dans l’Algérie un partenaire industriel crédible.
Les secteurs prioritaires visés sont clairement identifiés : agriculture, mines, santé, énergie et industrie pharmaceutique. Ces domaines ont déjà fait l’objet de discussions approfondies, notamment lors de la visite d’une délégation omanaise en avril dernier, venue explorer les potentialités du secteur minier algérien. La création du fonds souverain algéro-omanais en cours de finalisation vise justement à investir dans ces secteurs stratégiques. Ce mécanisme de financement bilatéral, adossé à des expertises croisées, pourrait permettre l’émergence de projets structurants, créateurs d’emplois et de valeur ajoutée. Le précédent réussi de la Société algéro-omanaise des engrais (AOA), active à Arzew depuis 2017, est un indicateur fort de la faisabilité de tels projets.
Vers un modèle de coopération Sud-Sud renouvelé
Au-delà des aspects économiques, cette visite s’inscrit dans une reconfiguration géopolitique discrète, mais significative. Face à un contexte international marqué par l’instabilité, les conflits énergétiques et la recomposition des alliances, Alger et Mascate partagent une même vision : celle d’une diplomatie de neutralité active, fondée sur la coopération, le respect de la souveraineté et le dialogue. Le soutien commun à la cause palestinienne ou encore les appels à une action arabe unifiée sur la scène internationale témoignent de cette convergence.
La présence accrue d’hommes d’affaires, d’experts et de ministres dans les délégations respectives traduit une volonté partagée d’institutionnaliser les échanges au-delà des sommets. L’Algérie, en pleine offensive économique vers l’Afrique et le Monde arabe, pourrait bénéficier de la position d’Oman sur le Golfe et en Asie du Sud. De son côté, le Sultanat voit dans l’Algérie un ancrage stratégique sur le continent africain.
Un partenariat face aux défis
Cette visite pourrait donc marquer un véritable changement d’échelle : d’une relation amicale mais restreinte, parfois cantonnée aux gestes protocolaires et aux déclarations d’intention, l’on passe désormais à l’ambition d’un partenariat structurant, capable de produire des effets concrets et durables. Le potentiel est, de toute évidence, immense, et les enjeux stratégiques justifient pleinement l’investissement. Le jeu en vaut incontestablement la chandelle.
Une chose est sûre : dans un monde en recomposition, marqué par une redistribution des équilibres géopolitiques et économiques, l’alliance entre Alger et Mascate pourrait bien s’imposer comme un exemple concret de coopération Sud-Sud.