Xi Jinping, l’homme qui veut façonner le nouvel ordre mondial

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Xi Jinping réélu

Contrairement à ce qui a été dit et écrit de sa richesse familiale dans les médias internationaux, occidentaux notamment, Xi Jinping n’est pas motivé par un désir d’enrichissement, « il a vraiment une vision de la Chine, il veut voir la Chine comme le pays
le plus puissant du monde », déclare le biographe Adrian Geiges.

PAR YASMINA C.

Un avis  que partage Alfred L. Chan, auteur d’un livre sur la vie de Xi. « Le président chinois ne se bat pas pour le pouvoir dans le seul intérêt du pouvoir. Il lutte pour le pouvoir (et l’use) comme d’un instrument… pour réaliser sa vision de l’avenir », explique-t-il. Mais qui est vraiment Xi Jinping, l’agriculteur devenu l’un des hommes, si ce n’est l’homme le plus puissant de la planète ? Quelle est sa vision ? Jusqu’où peut-il aller ? Et surtout pourquoi
l’Occident le redoute tant ?

Pour y répondre et aussi pour comprendre Xi Jinping et sa vision de la Chine, il est plus que nécessaire de revisiter son enfance et son atypique parcours.

Xi Jinping est le fils de Xi Zhongxun, un héros révolutionnaire devenu vice-premier ministre et conseiller de l’ombre de Deng Xiaoping, que beaucoup considèrent comme étant à l’origine du développement économique de la Chine actuelle. Mais avant cela, Mao l’avait pris comme cible pendant la Révolution culturelle.

Il a été accusé de complot, arrêté, humilié, exhibé en public et obligé de faire son autocritique. Xi Jinping alors âgé de 9 ans est harcelé par les gardes rouges qui lui imposent de citer Mao chaque journée, et de dénoncer son père. A 15 ans, Xi avait été envoyé aux travaux forcés à la campagne, transportant des sacs de riz et de céréales et dormant dans une grotte.

Malgré cela, Xi Jinping a fait sa demande d’adhésion au PCC qui n’a été acceptée qu’au bout de la huitième tentative à cause de l’héritage paternel. Il a d’abord été chef du parti dans un village en 1974, gravissant les échelons – notamment après la réhabilitation de son
père par Deng Xiaoping – jusqu’au poste de gouverneur de la province de Fujian en 1999,
puis de chef du parti de Zhejiang en 2002 et de Shanghai en 2007 avant d’être vice-secrétaire général du PCC en 2008. Xi Jinping a pris le pouvoir en 2012 donnant
naissance à ce qu’il appelle le « rêve chinois » ou « grand rajeunissement de la nation chinoise ».

Aujourd’hui, une partie du monde observe avec fascination et l’autre avec peur, les changements et la mutation extraordinaire opérés en Chine ces dernières décennies.

Il s’attaque d’abordà la corruption

Pour Xi, les changements devaient commencer par le parti lui-même. Il a de ce fait
lancé la plus grande campagne anticorruption de l’histoire du parti. « Nous devons
mener à bien ce qui doit l’être… Si nous laissions quelques centaines de responsables
corrompus passer entre les mailles du filet, nous laisserions tomber l’ensemble des 1,3
milliard de Chinois », disait-il. Selon Ralph Weber, spécialiste de la Chine à l’université
de Bâle, « Jinping a constaté que le parti communiste avait perdu de sa superbe. Mais
grâce à une vaste campagne anticorruption et à d’autres mesures, Xi Jinping a réussi à
remettre le parti sur les rails et à l’ancrer à nouveau de manière immuable dans tous
les domaines de la société », dit-il.

Une étape cruciale, vitale et inévitable pour celui qui croit plus que toute autre chose en le PCC. Néanmoins, cette lutte ne l’a pas empêché de garder un œil sur le monde extérieur.

Le président chinois a d’abord été prudent, pragmatique avant d’être poussé, notamment par les USA de Trump à sortir de sa tanière. En effet, le sulfureux président étasunien, ulcéré par le déficit commercial avec la Chine, a déclenché une guère économique contre Pékin. Il a commencé par imposer des taxes douanières sur les produits chinois jusqu’à bloquer ses opérateurs, Huawei en particulier. La contrattaque chinoise était cinglante, puisque Xi Jinping a fait de même pour les taxes douanières et y est allé plus loin en durcissant le ton sur d’autres questions, comme la militarisation de la mer de Chine et la question de Taïwan.

Ce combat du siècle, comme la presse américaine l’a surnommé, a non seulement accéléré le réveil de la Chine, mais donné à Jinping une dimension mondial et au monde un équilibre dimensionnel. Xi a dès lors adopté une politique agressive et entreprenante en économie, n’hésitant pas à marcher sur des terres et des marchés jadis acquis pour l’Occident, jusqu’à les chasser et les remplacer.

Sous sa direction, la Chine a consolidé sa position en tant que deuxième plus grande économie mondiale. Au cours de la dernière décennie, la part du PIB chinois dans l’économie mondiale est passée de 11,3% à 18,5%. Ces dernières années, l’économie chinoise a contribué en moyenne à plus de 30% à la croissance économique mondiale. En 2021, le commerce extérieur de la Chine a dépassé 6.000 milliards de dollars. Son influence économique, stratégique, diplomatique et idéologique est partout croissante.

Les Brics, l’Afrique et le monde

Sur le plan géostratégique et politique, le positionnement de la République populaire de Chine est devenu incontournable, voir même décisif, la guerre en Ukraine en est le
meilleur exemple, tout comme sa prise de position sur la question palestinienne réitéré il y a peu lorsque Xi accueillait Abbas à Pékin en visite officielle.

Ce n’est pas pour rien si certains observateurs, ont estimé que depuis peu, c’est la Chine et non les USA qui dicte l’agenda mondial. Cette nouvelle dimension politique et le rôle central qu’occupe la Chine sur l’échiquier mondial change bien des choses, tant sur le plan politique qu’économique.

Une place qui lui impose la mise en place d’un nouvel ordre mondial, que les populations écrasées par l’actuel système espèrent plus équitable et plus juste. Et là, on est bien obligé de parler des relations sino-africaines. Il faut savoir que l’Afrique est au cœur des objectifs chinois.

Au cours de cette décennie, les pays africains ont apporté un soutien quasi unanime à plusieurs résolutions chinoises modifiant les normes des agences internationales. À la
commission des droits de l’homme de l’ONU (CDH), par exemple, les pays africains ont
approuvé en 2017 une résolution soutenue par la Chine qui proposait une autre interprétation des droits humains centrée sur la non-ingérence.

En août 2022, de nombreux dirigeants africains ont réaffirmé leur attachement à la position selon laquelle « Taïwan est une partie inaliénable de la Chine ».

Certains gouvernements africains ont également soutenu la banque asiatique de développement des infrastructures et l’initiative « une ceinture, une route », favorisant
ainsi les efforts de la Chine pour créer des institutions internationales alternatives
tout en remodelant les institutions existantes.

En parallèle, les chinois ont investi des dizaines de milliards de dollars dans des grands projets dans divers pays africains. Chemins de fer, routes, mines, stades, industrie mécanique…, le made in china est prédominant en Afrique. Cette relation déjà solide est appelée à se consolider dans le cadre du projet d' »une ceinture, une route » lorsque des pays africains, comme l’Algérie qui bénéficie du soutien de la Chine, intégreront les Brics. Un sujet qui sera sans doute abordé aujourd’hui lors de l’entretien Tebboune-Xi Jinping à Pékin.

Y. C.