La mafia de l’informel panique et fait flamber l’euro

0
9047
La mafia de l’informel panique et fait flamber l’euro

Par R. Akli

Vent de panique ces derniers jours sur le commerce parallèle des devises… L’euro, monnaie essentielle de transaction au square Port-Saïd et partout ailleurs sur les places clandestines de change qui pullulent à travers le pays, ouvrait hier à des niveaux jamais vus depuis au moins trois ans et l’avènement fâcheux de la crise mondiale de Covid-19.

Jusqu’à 224 DA pour un euro, contre des parités tournant autour de 210, il y a à peine quelques semaines. A l’origine, une demande croissante sur les devises-clés, l’euro et le dollar en l’occurrence, et un mouvement à la vente quasiment nul.

Et comme tous les marchés où les grandes tendances oscillent imprévisiblement au gré de l’offre et de la demande, celui parallèle des devises, bien qu’informel et aléatoirement organisé, réagit presque tout aussi naturellement aux perspectives et faits politiques et économiques annoncés, qu’ils soient officieux ou réellement avérés.

La flambée actuelle des devises sur la cote parallèle est ainsi suscitée, selon des cambistes clandestins, essentiellement par un mouvement de panique inédit chez les gros détenteurs de capitaux informels, depuis que la perspective d’un possible changement de billets de la monnaie nationale a commencé à faire débat sur la scène publique.

L’ultimatum adressé récemment par le chef de l’État aux détenteurs de fonds informels pour les convier à réintégrer leurs avoirs dans les circuits officiels semble avoir eu un effet des plus bouleversants sur le marché parallèle de change.

«Avec la peur d’un changement à venir de la monnaie nationale, ceux qui ont des fonds en dinars cherchent tous à acheter des devises, et les gros détenteurs de fonds en devises ne veulent plus vendre contre des dinars», nous dit un cambiste clandestin.

Dès lors, ajoute-il, l’offre de devises se raréfie sur le marché parallèle, ce qui fait flamber les cours dans un premier temps, la crainte étant, selon lui, que le marché soit de moins en moins alimenté et qu’il cesse ainsi au fil du temps d’attirer des fonds, ce qui réduirait sérieusement son activité.

Outre la peur-panique que provoque l’idée d’un éventuel changement de monnaie chez les tenants de l’informel, d’autres éléments objectifs participent également aux atermoiements actuels des termes de l’échange et de l’activité sur le marché parallèle des devises.

De fait, alors que pas moins de 5000 à 6000 véhicules sont importés chaque mois par des particuliers selon des chiffres avancées par le ministre de l’Industrie en mars dernier, cette manne à l’import, dont le financement bénéficiait en bonne partie au marché informel des devises, devrait tarir à plus ou moins moyen court terme avec la réorganisation en cours du marché national des véhicules et le passage à une industrie locale de construction automobile.

Un constat qui vaut également pour les importations de téléphones mobiles qui se font toutes avec des devises acquises sur le marché informel, appelées aussi à être fortement réduites en faveur d’une industrie locale plus intégrée.

A travers la réorganisation de ces deux créneaux, l’automobile et la téléphonie en l’occurrence – qui jusqu’ici constituent des niches importantes à l’import -, le marché parallèle des devises risque en définitive de se retrouver, selon certains observateurs, avec un «excédent» de pas moins de 2 milliards d’euros.

Aussi, les cours informels des devises, qui connaissent actuellement une flambée conjoncturelle en raison surtout des supputations sur un éventuel changement de monnaie nationale, pourraient vite retomber jusqu’à des niveaux ne dépassant pas les 180 DA pour un euro dans les quelques mois à venir, anticipent nombre d’observateurs de ce marché.

Une perspective confortée du reste par les projets de réforme envisagés par les pouvoirs publics en vue d’une mise en place de bureaux de change officiels et d’un dinar numérique contrôlé par la banque centrale.