Le théâtre, un art au service de la révolution algérienne

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Par Delloula Morsli

Des pièces clandestines, jouées dans des conditions souvent précaires, sont devenues des actes de résistance. Elles dénonçaient avec force les injustices subies par le peuple algérien sous le joug colonial, mettant en scène les souffrances du quotidien et les exactions des forces d’occupation. Ces représentations clandestines ne se limitaient pas à la dénonciation. Elles jouaient un rôle crucial en galvanisant le moral des combattants, exaltant les figures héroïques de la révolution et propageant l’idéal d’une Algérie libre et souveraine.

En 1958, la création de la troupe artistique du FLN à Tunis, sous la houlette du moudjahid et homme de théâtre Mustapha Kateb, marque un tournant. Ces artistes engagés ont porté la voix de l’Algérie sur les scènes du monde entier. Leurs pièces, empreintes de réalisme et d’un profond engagement, ont marqué les esprits et suscité l’émotion du public international. Des productions emblématiques comme « Nahwa ennour » (vers la lumière) et « El Khalidoun » (les immortels), toutes deux mises en scène par Mustapha Kateb lui-même, côtoyaient d’autres pièces comme « Awlad el qasba » (les enfants de la Casbah) ou « Dem al ahrar » (le sang des libres). Jouées dans de nombreuses capitales étrangères, ces pièces ont contribué de manière significative à sensibiliser l’opinion publique internationale à la lutte du peuple algérien.

« La troupe artistique du FLN a fait entendre la voix des Algériens en lutte contre l’occupant à travers ses productions représentées en Algérie et à l’étranger comme l’ex-Union soviétique, la Chine et l’ex-Yougoslavie », note l’écrivain et critique de théâtre Ahcène Tlilani, dans son essai « Le théâtre algérien et la guerre de libération », publié en 2007.

Le théâtre francophone n’était pas en reste, les œuvres de Kateb Yacine se distinguent comme des pièces majeures qui ont capturé l’essence de la révolution algérienne et du combat du peuple pour l’indépendance. Son ensemble théâtral, incluant des pièces comme « Le Cadavre encerclé », « La poudre d’intelligence » et « Les Ancêtres redoublent de férocité », dépeint de manière vive le trouble d’une Algérie qui lutte contre l’oppression coloniale.

« Le Cadavre encerclé », jouée à Bruxelles (Belgique) en novembre 1958 et à Paris en 1959 par la troupe de Jean-Marie Serreau, a porté sur la scène internationale la légitimité de la lutte de libération nationale, comme l’a souligné Ahcène Tlilani. La pièce représente avec force le massacre de Sétif du 8 mai 1945, un drame national que Yacine, alors lycéen à Sétif, a vécu.

Parallèlement à Yacine, d’autres dramaturges, tels que Mustapha Lachref, Boualem Rais et Hocine Bouzhar, ont également enrichi le théâtre révolutionnaire francophone. D’ailleurs, « El bab el akhir » (la dernière porte), premier texte dramatique de Mustapha Lachref, écrit en prison en France et publié dans une revue tunisienne, et « Des voix dans La Casbah » (1960) de Hocine Bouzhar font partie des pièces notables qui dénoncent les atrocités coloniales commises.

Comme le résume judicieusement Ahcène Tlilani, « le théâtre a réussi à éveiller les Algériens à se réapproprier leurs repères identitaires et leurs valeurs culturelles, que l’occupation française avait tenté de déraciner. »

D.M.