Macron a-t-il renoncé aux hommages à Gisèle Halimi ?

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l'avocate et présidente de "Choisir la cause des femmes" Gisèle Halimi (C) s'exprime, le 14 novembre 2003 à Paris, lors de son audition par la commission Stasi sur la laïcité. (Photo by Jack GUEZ / AFP)

/Prévue en 2020, puis début 2022, aucune date n’a encore été arrêtée pour la cérémonie promise par Emmanuel Macron en l’honneur de l’avocate Gisèle Halimi.

A l’origine, l’hommage était prévu le 3 septembre 2020, mais n’avait pu se tenir à cause d’un voyage que Macron avait fait au Liban suite à une grosse explosion au port de Beyrouth. Pour rassurer la famille et les amis de l’avocate, le Président français avait promis dans un tweet de reprogrammer la cérémonie. « … Par ses combats pour l’égalité, Gisèle Halimi changea et change encore la vie de millions de femmes. En accord avec sa famille, la Nation lui rendra hommage début 2022 aux Invalides », écrivait-il. Depuis, aucune date n’est prévue pour la cérémonie promise par Emmanuel Macron. L’avocat Jean Yves Halimi, l’aîné des trois garçons de Gisèle Halimi, s’est dit confus et inquiet. Contacté par le Monde, il dira que « la présidence de la République ne répond même plus à ses messages  pas plus que le conseiller « mémoire » d’Emmanuel Macron, Bruno Roger Petit, idem pour son directeur du cabinet, Patrick Strzoda ». Deux hommes, dit-il, avec qui il échangeait pourtant depuis un an et demi. « La dernière discussion remonte à la fin du mois d’août. Depuis, plus de nouvelles. Un brouillard s’est installé autour de la promesse présidentielle », assure-t-il.

Un comité de soutien à la panthéonisation de Gisèle Halimi

Jean Yves Halimi a essayé à maintes reprises d’entrer en contact avec l’Elysée pour avoir des explications, sans succès. « Je n’exclus pas qu’il n’y ait pas de cérémonie. Je m’attendais au moins à ce qu’on m’en confirme le principe. Il est possible qu’ils aient décidé de ne rien faire, et de n’en rien dire », souffle-t-il. De leur côté, les avocats William Bourdon et Jean-Pierre Mignard envisagent de lancer un comité de soutien à la panthéonisation de Gisèle Halimi. « La situation présente toutes les apparences d’un renoncement non assumé à un engagement public », regrette le premier. Des proches du dossier ont confié à un journaliste du Monde que le contexte politique et mémoriel ne serait pas étranger à ces atermoiements.

Macron sous la pression de la Droite et des fils de harkis

L’idée de faire entrer au Panthéon Gisèle Halimi a été portée par l’historien Benjamin Stora, chargé par Emmanuel Macron d’établir un rapport sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie. Mais la proposition avait soulevé la colère des « filles et femmes de harkis », menées par la journaliste Dalila Kerchouche et l’historienne Fatima Besnaci Lancou, lesquelles dans une tribune au Figaro, s’étaient opposées à cette idée. A cela, il faut ajouter l’aile droite de Macron à l’Elysée, que beaucoup d’observateurs soupçonnent d’être derrière les dernières tensions entre l’Algérie et la France sur la question mémorielle. On ne sait pas présentement si Macron va honorer l’avocate du FLN, encore moins la date, puisque celle proposée par le fils de la défunte, début janvier coïncidera avec la réception à l’Elysée, le 13 janvier 2022, de différentes associations de rapatriés d’Algérie.

« Le chef de l’Etat souhaite calmer des mémoires rivales, avoir un mot pour chaque groupe qui a participé ou subi les conséquences de la guerre d’Algérie », précise à cet effet, la secrétaire d’Etat aux anciens combattants, Geneviève Darrieussecq.

Cette dernière, chargée de trouver une date consensuelle pour marquer le soixantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie, trouve du mal à s’acquitter de sa mission. Celle du 19 mars, jour du cessez le- feu, présente l’inconvénient d’intervenir à seulement trois semaines du premier tour de l’élection présidentielle. « Les candidats d’extrême droite, Marine Le Pen et Eric Zemmour, pourraient s’en saisir dans le but d’attaquer la politique mémorielle d’Emmanuel Macron, marquée selon eux par la « repentance », écrit le Monde. Parce que d’autres personnalités étaient entrés au Panthéon quelques semaines seulement après leur décès, le faire pour Gisèle Halimi des mois, voire des années après sa mort serait indécent, voir même un outrage pour cette défenseure des droits de l’homme et des droits de la femme. De toute façon, son fils a déjà dit non pour mars…

S. H.