Mohamed Saïd Beghoul, expert en énergie : «L’Italie doit investir plus pour avoir plus de gaz»

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/Mohamed Saïd Beghoul, expert en énergie, revient dans cet entretien accordé à l’Algérie Aujourd’hui, sur les questions d’actualité liées à la production nationale d’hydrocarbures, les exportations vers l’Italie et la révision à la hausse des prix du gaz exporté vers l’Espagne.    

Le Premier ministre italien est attendu, ce lundi, en Algérie pour tenter un accord portant sur l’augmentation des exportations du gaz algérien. Dans quelle mesure l’Algérie peut-elle constituer une alternative au gaz russe ?

On assiste depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie à un débat sur les capacités de l’Algérie à remplacer la Russie dans certains de nos marchés traditionnels comme c’est bien le cas de l’Italie. A mon avis, pour l’instant c’est-à-dire à court terme, il est impossible de répondre à la demande des Italiens. Maintenant à moyen terme, dans 5 à 6 ans, l’Algérie peut à la rigueur essayer d’augmenter ses exportations vers l’Italie, le temps d’augmenter sa production. Il faut le dire clairement, si les Italiens veulent plus de quantités de gaz, ils n’ont qu’à mettre la main à la poche et venir investir en Algérie. Ces derniers temps, tout le monde, en Europe en particulier, parle du gaz algérien comme une alternative pour le gaz russe. Ce qu’il faut savoir, c’est que le besoin du marché local est croissant, et les lois en Algérie privilégient la satisfaction du marché local sur les exportations. Outre le cadre législatif, il existe encore une donne importante qui renseigne sur le niveau de production nationale pour ce qui est du gaz à titre d’exemple. Quand vous produisez autour de 130 milliards de m3 de gaz par an, un tiers de la production ira à la satisfaction du marché local, un autre tiers à l’exportation et le tiers restant sera réinjecté pour booster la production des puits et des gisements vétustes comme c’est le cas dans le bassin de Hassi Messaoud dont la pression est faible. En résumé, pour augmenter les exportations de gaz, il est question d’investir pour dépasser le niveau actuel de production et de créer un surplus important pour répondre aux besoins de nos clients, en particulier l’Italie. 

Le PDG de Sonatrach a affirmé, récemment, qu’avec la cadence des explorations, nos capités de production nationale vont doubler dans les prochaines 4 années, à votre avis comment cela peut-il se faire ?

Je crois que la question de l’augmentation de la production nationale en matière des hydrocarbures est un sujet très sensible et on ne doit pas le traiter avec légèreté. Dire que la production nationale va doubler dans l’espace de 4 années relève, à mon sens, de l’impossible. C’est irréalisable, et ce pour une simple raison liée essentiellement à nos capacités de production actuellement. Certes, les découvertes de nouveaux gisements sont importantes, mais est-ce que nous avons les moyens pour les exploiter d’une manière qui nous permettra de doubler la production à moyen terme ? La réponse est non. On peut par exemple espérer une augmentation d’un taux de 15, 20 jusqu’à 50% si on pousse encore notre optimise plus loin que la logique.    

Certains avancent que le recours à la technique de drainage assisté par l’injection de l’eau dans un puits de pétrole ou de gaz pourra améliorer sa production, est-ce que cette technique est efficace ?

Le drainage assisté par injection de l’eau ou du gaz dans les puits est une technique qui existe déjà en Algérie, même si l’on est un peu en retard dans ce domaine. Elle permet l’amélioration du taux de récupération du pétrole et du gaz. Le recours à cette technique nous permettra de récupérer 5% de plus en pétrole, et 20% de plus en gaz, mais elle ne nous permet pas une augmentation très importante de la production. D’ailleurs, actuellement on injecte d’importantes quantités d’eau notamment dans le bassin de Hassi Messaoud et Hassi Berkine, entre 40 et 50 millions m3 par an dans d’anciens puits à faible pression pour augmenter leur récupération. Il faut savoir qu’il existe plusieurs techniques qui nous permettent d’améliorer la productivité des puits, Il y a la technique d’injection d’eau, celle du gaz et dans d’autres situations, on alterne entre l’eau et le gaz. Mais il faut souligner que cette technique ne permet pas de porter la production des puits à des niveaux plus élevés.

Continuons dans ce volet exportation du gaz, que pensez-vous de la décision prise par l’Algérie concernant la révision à la hausse des prix de gaz à la vente vers l’Espagne et comment voyez-vous l’avenir des relations algéro-espagnoles à ce niveau ?

Pour ce qui est de la révision des prix du gaz à l’exportation vers l’Espagne pour qui l’Algérie est un partenaire fiable qui respecte ses contrats et ses engagements sur le marché international, nous avons des contrats de livraison à moyen terme de 8 à 10 ans avec une négociation des prix à la vente tous les trois ans en fonction de l’évolution des prix du gaz sur le marché international. Maintenant que la crise ukrainienne a porté les prix du gaz à un haut niveau, l’Algérie veut bénéficier de cette hausse et c’est tout à fait normal. Pour ce qui est de l’avenir, je crois que la crispation des relations politiques entre les deux pays ne va pas impacter les échanges économiques, en particulier la livraison du gaz pour l’Espagne avec laquelle nous avons des contrats à honorer. 

A. B.