Palestine : la voix singulière de l’Algérie

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PAR DJILALI B.

LORSQUE l’Algérie a réuni les deux principaux leaders palestiniens à l’occasion du 1er Novembre et du Sommet arabe en 2022, beaucoup d’observateurs y ont vu une manœuvre de la diplomatie algérienne pour essayer de revenir au-devant de la scène après avoir perdu du terrain.

C’est vite oublier l’historique et constant soutien de l’Algérie à la cause palestinienne pour
réduire cette mémorable poignée de main entre Haniyeh et Abbas à une simple symbolique au moment où, il est vrai, l’unité des rangs palestiniens s’éloignait dans les méandres des querelles intestines et des offensives des pays « parrains  » qui nourrissent et entretiennent, au seul bénéfice d’Israël, de factices divergences idéologiques entre les différentes composantes politiques de l’OLP.

Ce Sommet a eu le mérite de remettre la question palestinienne sur le tapis et de mettre en demeure la sphère arabe représentée à Alger par dix-sept responsables, entre chef d’Etat, Premiers ministres et ministres des Affaires étrangères : un record, était-il affirmé ce jour-là au CIC, de reprendre en main la cause. Et de la défendre au niveau de l’ONU, mais aussi dans tous les forums régionaux et internationaux. Même l’inénarrable Secrétaire général de la Ligue arabe, Abou El Gheith, est pris d’un enthousiasme à l’idée de faire de la cause palestinienne un levier pour redynamiser une Ligue arabe atone et aphone.

Surtout dans cette conjoncture marquée par la ruée de pays arabes, inspirée par la Maison
Blanche, vers la normalisation avec Israël au détriment de la cause dite arabe. Il est clair que les intérêts communs ont cédé devant les intérêts individuels sur fond d’une sourde lutte pour le leadership régional. C’est aussi ignorer que la proclamation de l’Etat palestinien a été faite à Alger, qui abritait la 19e session extraordinaire du Conseil national palestinien, le 15 novembre 1988. Depuis le 7 octobre dernier, la donne a complètement changé.

Alors que la Palestine occupe, avec son drame quotidien, le devant de la scène, la voix arabe s’est soudainement tue, plongée une nouvelle fois dans les abysses de ses contradictions et de ses divergences « stratégiques ». D’ailleurs, aucune réunion urgente sérieuse au Sommet n’a été demandée, laissant les ministres des Affaires étrangères dénoncer les crimes israéliens. D’une voix discordante, les pays arabes clament rejeter les projets israéliens d’expulser les Ghazaouis de Ghaza, de gouverner l’enclave, dans un
geste minimal qui relèverait de réactions épidermiques. Et tardives, la gravité de la situation appelant à des résolutions immédiates. Il est remarquable comment ces mêmes pays arabes, à défaut de peser dans le dossier, tentent désespérément de négocier des marges dans l’après-agression israélienne.

Après l’accord de l’Egypte et d’un autre pays africain de recueillir les réfugiés de Ghaza, le pays d’Al Sissi, impliqué certes dans les négociations autour du cessez-le-feu et de la libération des otages, hausse le ton pour défendre Rafah, prochaine cible désignée par Netanyahou. Le Caire ne sort pas encore la carte des accords de Camp David qui le lient avec Israël. El préfère le confort de sa posture actuelle, politiquement à couvert et financièrement plus rentable. Et c’est naturellement en Occident, allié inconditionnel et protecteur d’Israël, que fait son chemin l’idée d’un Etat palestinien. Et montent des voix exaspérées par l’attitude de Netanyahou défiant le monde entier appelant à un cessez-le-feu durable.

C’est dans ce sens que s’inscrit l’entêtement de l’Algérie, fidèle à son principe de soutien
aux causes justes, à défendre la cause palestinienne, encouragée aujourd’hui par la tribune de l’ONU et son siège au Conseil de sécurité. Son représentant permanent, Amar Bendjama, par son dynamisme et son ton, a placé haut la voix de l’Algérie. Ce que les Palestiniens ont apprécié, au point où le représentant de la Palestine à l’ONU, Riyad Mansour, dans un geste hautement symbolique, a appelé Amar Bendjama à le rejoindre à la tribune où il devait prendre la parole. « Je suis derrière toi, l’Algérie sera toujours derrière la Palestine », répondit alors Benjama. Pourtant, dix-sept pays parmi les 22 qui composent la Ligue arabe se sont engagés à porter haut et à défendre le dossier palestinien à l’ONU et dans tous les forums. Le drame de Ghaza offre pourtant une tribune quotidienne aux responsables arabes pour s’exprimer et exprimer leurs positions.

D. B.