Paris expulse la militante du FPLP Miriam Abou Daqqa. Palestine : l’ambivalence française à l’épreuve

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Miriam Abou Daqqa

PAR DJILALI B.

La militante du FPLP palestinien Mariam Abou Daqqa a été expulsée de France vers l’Egypte. Une mesure préventive, a expliqué le ministre français de l’intérieur à l’origine de la saisine du conseil d’Etat alors qu’elle est sur le sol français depuis le mois d’août dernier, porteuse d’un visa.

La militante palestinienne a vu sa série de conférences en France annulée. Et plus grave encore, l’éclatement du conflit entre Israël et la résistance palestinienne a offert l’occasion au gouvernement français de réduire le temps de parole, la parole, palestinienne ou pro-palestinienne, notamment les manifestations publiques transformées en actions antisémites.

Ce qui donna lieu à une manifestation « colorée » contre l’antisémitisme, comme si les civils palestiniens rasés par milliers par l’armée israélienne sont de facto dans cette catégorie. Et c’est comme si le gouvernement du président Macron, dans une posture mal à l’aise, ballotté entre le désir « américaniste » inauguré par son prédécesseur Nicolas Sarkozy, et un européanisme fantasmagorique, est contraint d’emprunter, comme qui dirait, à la théorie de Cesare Lombroso sur les prédispositions criminelles à la naissance.

Saisi en urgence, le conseil d’État avait ainsi donné raison au ministère de l’intérieur, qui estimait que la présence de l’activiste sur le sol français, depuis l’attaque du mouvement islamiste palestinien Hamas en Israël le 7 octobre, risquait de porter une atteinte grave à l’ordre public, ont rapporté les médias français. Sur quelle base ou preuve s’est appuyé le premier flic de France pour prédire « des atteintes graves à l’ordre public », sinon sur son penchant déclaré pour Israël, alors que la militante devait, de son propre aveu, s’adresser aux Israéliens et aux Palestiniens !

Ainsi, sans surprise, le conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative de France, avait donné son feu vert mercredi dernier à l’expulsion de cette militante du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), une organisation de gauche radicale qualifiée de « terroriste » par Israël et l’union européenne. Elle a quitté la France vendredi à destination du Caire.

«Le procès de la révolution palestinienne»

Même avec son visa dûment délivré en Israël, la militante est devenue indésirable sur le sol français sur simple soupçon du risque de trouble. Ses conférences ont été annulées et elle a été dans un premier temps assignée à résidence dans les Bouches-du-Rhône, lundi, avant une possible expulsion, qu’elle contestera en justice pour « faire valoir ses droits ».

« Le procès que j’ai subi n’est pas digne d’un gouvernement démocratique. C’est le procès de la révolution palestinienne », a indiqué Mariam Abou Daqqa, jointe au téléphone vendredi après-midi alors qu’elle se trouvait dans la zone de rétention administrative de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, en vue de son expulsion sur un vol Air France, a rapporté Ouest France.

« Je ne comprends pas ce qu’il m’arrive : j’ai un visa valide. Je ne suis pas une terroriste, mais une activiste de gauche qui ne vient (en France) que pour parler des droits des femmes et des Palestiniens. Je pensais que nous étions en démocratie ici », a-t-elle déclaré lundi à sa sortie d’un commissariat. « Je n’aimerais pas rester en France dans ces conditions, mais si je peux faire valoir mes droits, j’attendrai » que la justice se prononce, a estimé cette militante de 72 ans qui a affirmé que 29 membres de sa famille étaient décédés sous les bombes israéliennes à Ghaza ces derniers jours, ont cité les médias.

Pis, même les Israélites favorables à la paix sont devenus ingrats ; indésirables sur la scène publique, au point d’être interpellés parce que leurs actions interdites par le ministère de l’intérieur. D’ailleurs Pierre Stambul, porte-parole de l’union juive française pour la paix (UJFP), qui a accompagné la militante à sa sortie du commissariat, a estimé que « l’arrêté d’expulsion est une décision illégale, car on ne peut pas expulser quelqu’un vers un pays en guerre ».

« La France trahit la position qu’elle avait depuis toujours, à savoir parler avec les deux côtés », a-t-il poursuivi. « On est contre toutes les victimes civiles », a ajouté le porte-parole de cette association juive laïque et antisioniste, selon la même source.

Par ailleurs, les neuf personnes, dont une membre de l’UJFP, arrêtées après avoir participé dimanche à Marseille à un regroupement interdit par le ministère de l’Intérieur pour la défense des civils palestiniens, ont été libérées après une garde à vue. « Le profil des personnes arrêtées est pacifiste, il y a des gens de toutes confessions qui sont sensibles au sort des civils. Je suis étonné par la longueur de la garde à vue », a déclaré à l’AFP l’avocat Valentin Loret qui, avec son confrère Emmanuel Docteur, défend six des interpellés. Et la boucle est bouclée.

D. B.