3 mois après l’acte de vandalisme d’Amboise : Le Mucem de Marseille «remet en lumière» l’émir Abdelkader

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/Un événement thématique qui fera date. Au gré des bilans périodiques qu’il sera amené à dresser sur ses missions, le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem) serait, selon toute vraisemblance, tenté — et à raison — de s’enorgueillir d’avoir braqué les projecteurs du savoir sur l’émir Abdelkader. Du 6 avril au 22 août, Français, Algériens, étrangers de France ou de passage par la cité phocéenne seront invités — le temps d’une exposition — à un voyage dans la vie d’une figure aux multiples profils.

Résolument ambitieux dans la mise en œuvre de ce projet historico-culturel, le Mucem voit grand. Trois mois après l’acte de vandalisme qui a ciblé, à Amboise (Indre-et-Loire), une œuvre artistique en hommage à l’émir, le Musée replace la figure d’Abdelkader ibn Muhyî ed-Dîn dans l’espace public français. ‘’Remettre en lumière la figure d’Abdelkader dans toute sa richesse et son importance historique et intellectuelle’’ : tel est le pari du Musée. 

250 œuvres en exposition

Pour y parvenir, l’institution n’a pas lésiné sur la sténographie. Issues de collections publiques et privées, pas moins de deux cent cinquante œuvres et autres documents jalonneront le parcours de l’exposition. Elles proviennent, entre autres, des Archives nationales d’outre-mer (ANOM d’Aix-en-Provence), de la Bibliothèque nationale de France, des Archives nationales (françaises), du château de Versailles, du musée de l’Armée, du musée d’Orsay, du musée du Louvre, de la chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille, De la Piscine de Roubaix.

Le projet s’est appuyé sur le savoir de Camille Faucourt, conservatrice et responsable du pôle Mobilités et métissages au Mucem, et de Florence Hudowicz, conservatrice en chef du patrimoine, responsable du département des Arts graphiques et décoratifs au Musée Fabre de Montpellier. L’une et l’autre se sont donné la main pour présider aux destinées du Commissariat de l’exposition et diriger un ouvrage – catalogue – qui inscrira l’événement pour la postérité.  Soucieuse de pertinence dans le contenu thématique du projet, la direction du Mucem a sollicité le concours d’Ahmed Bouyerdene, auteur et chercheur en histoire. C’est un spécialiste de la vie et de l’œuvre de l’émir Abdelkader. Autre personnalité sollicitée, Christian Delorme, prêtre du diocèse de Lyon, auteur et inlassable acteur du dialogue interreligieux. Les deux ont été associés à l’exposition dans le cadre du Conseil scientifique. L’Atelier Maciej Fiszer a été chargé de la scénographie et de la mise en valeur des quelque 250 œuvres et documents. 

L’Emir fascine toujours

Profitant des recherches ‘’les plus récentes’’, de sources nouvelles et de ‘’collections inédites’’, l’exposition, explique-t-on au Muceum, ‘’déroule le fil chronologique de sa vie et explore certains aspects saillants de sa personnalité et de son action. Par-delà les éloges et les critiques, la fascination qu’il continue d’exercer invite à une meilleure connaissance de son expérience d’homme ; une expérience riche d’enseignements pour les générations actuelles et futures’’.

Cette exposition coïncide avec la tenue au Mucem d’un autre événement thématique : «Algérie-France, la voix des objets». Il s’agit d’un cycle de rencontres qui plante son décor en ces lieux depuis cinq ans. Les deux événements succèdent à «Made in Algeria», une exposition captivante organisée  en 2016 qui, elle aussi, « a fait date », selon le Mucem. L’ensemble de ces événements marquent la « volonté renouvelée » du Musée de « travailler sur cette relation entre l’Algérie et la France, en essayant toujours de croiser les regards et les points de vue, les récits de vie personnels avec l’histoire commune ». 

« Abdelkader » est la première exposition de cette envergure dédiée à l’émir Abdelkader en France. Une exposition tout aussi grandiose avait fait l’événement à l’occasion de l’Année de l’Algérie en France. La venue de l’émir Abdelkader à Marseille, explique Camille Faucourt, est le résultat d’une rencontre entre le père Christian Delorme, qui s’intéresse à la figure d’Abdelkader depuis une quinzaine d’années, et Jean-François Chougnet, le président du Mucem ». Ils se sont rencontrés en 2019 à Amboise, le lieu de captivité de l’émir. Le projet a pris naissance à ce moment-là.

Co-commissaire de l’exposition, Florence Hudowicz lève un coin de voile, histoire de tenir en haleine le visiteur. « Ma principale découverte à son sujet, c’est l’ouvrage dont l’écriture a mobilisé une partie de son existence, Le Livre des Haltes, qui est un recueil de pensées et d’expériences dans lequel il se réfère à un grand penseur du Moyen Âge, Ibn Arabi. Un savant musulman d’Al-Andalus. Cette résonance dans le temps long, avec ce lettré du Moyen Âge qui regarde le passé pour penser le présent, demeure fascinante. Ce livre, que nous montrons dans l’exposition dans sa version arabe, est un signe émouvant de ces réseaux et ramifications de pensées et d’échanges qui traversent le temps et l’espace, et se perpétuent ». 

S. K.