64 ans après ses essais nucléaires dans le Sahara Algérien : La France se dérobe toujours

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PAR DJILALI B.

Soixante-quatre ans après, les essais nucléaires français dans le Sahara algérien continuent
d’être à l’ordre du jour, tant la partie française ne semble pas disposée à clore le dossier à travers non seulement la reconnaissance de ce crime qui a fait des victimes algériennes mais aussi françaises, et aussi par l’indemnisation des victimes et leurs familles.

Sur le terrain, les dégâts sont encore visibles et les conséquences sur l’humain, la faune et la flore palpables sur les sites des essais et leurs environs. Et la France, responsable de cette catastrophe, n’a toujours pas entrepris une quelconque démarche pour la décontamination des sites qui continuent de faire des victimes à travers les effets des radiations. Cet anniversaire a été l’occasion pour des universitaires et des spécialistes d’aborder la question lors d’un colloque, le 4e du genre, organisé à Blida, où la conclusion a
été que « les explosions nucléaires perpétrées par la France coloniale le 13 février 1960 à Reggane, dans le Sahara algérien, sont des crimes perpétuels ».

«Zone interdite»

Les intervenants à cette rencontre, tenue au musée du moudjahid Djelloul-Malaika d’Ouled
Yaich, « ont affirmé que les répercussions de ces crimes sont toujours ressenties dans cette région devenue zone interdite en raison de la présence de rayons radioactifs », citant des cas de maladies ayant affecté la population locale ainsi que les animaux. « Comment est-il possible pour une population se nourrissant exclusivement d’aliments simples, exempts de conservateurs cancérigènes, d’être affectée, depuis ces bombardements jusqu’à nos jours, par diverses maladies graves, dont le cancer de la peau et du sang et la thyroïde chez l’enfant, outre les fausses couches enregistrées chez un grand nombre de femmes et le taux élevé de sourds, de muets et d’attardés mentaux », s’est interrogé à ce sujet Abdessalam Kemmoun, enseignant à l’université d’Adrar et responsable du département d’histoire et d’archéologie. Pour Sabah Merioua, enseignante en droit à l’université Ali-Lounici d’El Affroun, les faits enregistrés à l’aube du 13 février 1960 et les autres
expériences qui les ont suivis sont un « crime » par le droit international, notant que ces explosions ont, en vérité, ciblé l’humain et la nature, ce qui en fait un « crime de génocide », selon ce qui a été convenu le 11 décembre 1946 à l’assemblée générale des nations unies.

Tout en regrettant que la communauté internationale ignore ces faits en focalisant sur les événements d’Hiroshima, de Nagasaki et de Tchernobyl, « tandis que très peu sont au courant de la tragédie de Reggane et d’In Yeker », a-t-elle affirmé, plaidant pour l’organisation de forums nationaux et de conférences internationales pour faire connaître ces crimes, non sujets à prescription, selon elle.

Des experts réclament des cartes topographiques

Par ailleurs, les intervenants ont demandé à la France de fournir à l’Algérie les cartes topographiques de la région, pour pouvoir localiser les outils et engins empoisonnés utilisés dans ces explosions, car de nombreux citoyens ont utilisé, sans le savoir, des matériaux
cancérigènes trouvés dans la nature, du zinc notamment, pour construire leurs habitations, a cité l’APS.

Par ailleurs, les autorités françaises, qui ont mis en place une commission pour prendre en charge les dossiers des victimes, algériennes et françaises, n’ont affiché aucune volonté de régler ce problème. Le responsable de cette commission, venu il y a quelques années à Alger, avait plaidé l’insuffisance de preuves et des dossiers incomplets pour justifier la quarantaine de dossiers validés, néanmoins sans s’attarder sur la question des indemnisations réclamées par les victimes ou leurs familles.

Au même titre que les autres dossiers inscrits dans ce registre, la question mémorielle entre la France et l’Algérie, plus globalement, et les essais nucléaires, entre autres, ont été à l’origine du report de la visite de Abdelmadjid Tebboune en France. Le ministre des affaires étrangères Ahmed Attaf évoquait, dans son récent entretien à la chaîne qatarie Al Jazeera, cinq dossiers « importants et lourds » sur lesquels il n’y a pas d’accord entre Alger et Paris. « Il s’agit du dossier de la mémoire, celui de la mobilité, celui de la coopération économique et celui des conséquences des essais nucléaires », avait-il cité.

Plus précis, il pointera du doigt le dossier des conséquences des essais nucléaires français et des dégâts qu’ils ont provoqués. « L’Algérie réclame la reconnaissance des dégâts causés et aussi des indemnisations, et nous ne sommes pas encore parvenus à un accord », avait précisé le ministre.

D. B.