Boulenouar : «Sans les importations, la viande serait à plus de 3000 DA/kg»

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Boulenouar : «Sans les importations, la viande serait à plus de 3000 DA/kg»

Entretien réalisé par Adel C.

Contacté hier en fin d’après-midi, Hadj Tahar Boulenouar, président de l’Association nationale des commerçants et artisans (ANCA), nous a accordé cette interview dans laquelle il évoque plusieurs sujets comme l’inflation, la viande rouge mais aussi la crise que connaît le marché de l’oignon.

Que pouvez-vous nous dire sur l’inflation que connaît le marché des fruits et légumes ?

Pour commencer, je dois reconnaître qu’il y a eu une hausse sensible au niveau des prix par rapport à l’année passée. Je pense qu’il y a plusieurs raisons qui ont fait que le prix des fruits et légumes augmente et non pas une seule seulement.

Parmi les raisons qui ont mené à une telle situation, il y a la baisse au niveau de la production.

Les agriculteurs assurent que cette baisse est due à la sécheresse qu’on a vécue l’an passé. Il y a aussi d’autres paramètres comme le grand manque des marchés de proximité et la forte demande sur les produits alimentaires.

Selon les informations dont je dispose, les prix sont toujours meilleurs et moins élevés dans les localités où il y a un ou plusieurs marchés. Donc, avec plus d’efforts sur ce plan, tout devrait rentrer dans l’ordre.

Des mesures ont été prises pour faire baisser le prix de l’oignon, mais il ne cesse d’augmenter. Pourquoi ?

Je vais revenir un petit peu en arrière pour rappeler que, l’année passée, le prix du kilo a chuté jusqu’à être vendu 15 DA. Ne voyant personne leur tendre la main pour amortir les pertes qu’ils ont connues, les agriculteurs ont décidé ne pas revivre la même situation et n’ont pas planté d’oignon.

Ce qu’il faut savoir aussi, c’est que partout dans le monde on se plaint de l’absence de ce légume dans les marchés. Une telle situation a fait grimper son prix, il suffit juste de voir le prix de sa commercialisation en France, Allemagne, Angleterre mais aussi au Moyen-Orient pour confirmer mes propos.

C’est une crise mondiale que nous vivons, car de nombreux pays qui ont pour habitude de l’exporter ne l’ont pas fait avec les mêmes quantités que lors des dernières années. Parmi ces pays, je peux vous citer l’Inde, la Chine, le Pakistan, l’Egypte ou encore l’Ukraine.

Nous avons cherché des solutions et nous continuerons à le faire jusqu’à ce que nos efforts portent leurs fruits.

Qu’est-ce qu’il faut faire pour baisser le prix ?

Avant de répondre à votre question, j’aimerais vous donner quelques chiffres quant à notre consommation d’oignons. Nous n’avons produit qu’un million et demi de tonnes alors que nous en consommons plus de deux millions.

Une telle situation a fait que le prix augmente. Pour que cette situation soit sous contrôle et que les prix chutent à nouveau à moyen et long termes, il faudra remettre de l’ordre dans notre stratégie et dans le secteur de l’agriculture.

Il faut numériser ce secteur comme l’a déclaré le président de la République. Avec la numérisation, nous connaîtrons nos vraies capacités.

Il y a des chiffres erronés et M. Tebboune l’a révélé. Nous n’avons pas 3 millions d’hectares pour produire nos fruits et légumes mais plutôt 1,8 million d’hectares, comme nous n’avons pas 28 millions de têtes de moutons mais plutôt moins de 19 millions.

Il faut accompagner les agriculteurs pour qu’ils ne soient pas perdants, comme cela a été le cas l’an passé.

Qu’en est-il des viandes dont les prix ne baissent pas malgré les importations ?

Déjà, sans la quantité des viandes rouges importées durant ce mois de ramadan, le prix du kilo aurait certainement dépassé 3000 DA.

Inonder le marché en viandes en provenance du Brésil et du Soudan était une bonne décision lors d’un mois où la demande double. Cela a permis de réguler le marché et casser les prix.

Pour baisser les prix, il n’y a pas mille solutions mais une seule : augmenter la production locale.

Faut-il continuer à importer de la viande rouge après le mois de ramadan ?

Non, ce n’est pas la meilleure solution. Si nous continuons à le faire, c’est les producteurs locaux qui seront les grands perdants dans l’affaire, car ils ne pourront pas tenir le coup face aux nombreuses charges comme les aliments de bétail et la main-d’œuvre.

L’importation est une solution momentanée.

On évoque toujours un problème de distribution, pourquoi il n’est toujours pas réglé ?

Parce qu’il faut tout simplement créer de nouveaux marchés. Pour l’instant, il y a toujours un déficit dans le nombre de marchés.

Il y a un manque énorme. Le nombre de marchés ne dépasse pas 1800 au niveau national. Par rapport au nombre de la population et à la superficie de notre pays, 1800 marchés c’est peu. Il faudra se pencher sur ce dossier et en créer d’autres, ce n’est que de cette manière que nous pourrons mieux gérer la distribution.

A.C.